Intervention de Seybah Dagoma

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 9h30
Projet d'accord de libre-échange entre l'union européenne et les États-unis — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSeybah Dagoma :

L’autre mérite de la résolution est de déterminer et de clarifier in fine nos positions. Manifestement, nous avons des points d’accord : transparence, contrôle démocratique, préservation de l’exception culturelle, exclusion des préférences collectives, exclusion du recours à un mécanisme de règlement des différends, positions que nous avons affirmées avec force, dès mai 2013.

Nos divergences sont des divergences d’appréciation concernant les moyens. Comment parvenir à remplir nos objectifs de croissance, d’emploi et de protection de notre modèle social ? Vous envisagez la France comme une forteresse assiégée et espérez susciter un repli salvateur. Pour notre part, nous croyons qu’à l’ère des États continents, c’est l’union des États et des citoyens européens qui fait la force.

Finalement, j’espère que ce débat permettra de chasser toutes les fausses vérités, les erreurs juridiques manifestes ou les arguments fallacieux. De toute évidence, la question du partenariat de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis mérite mieux que de servir de chiffon rouge, un chiffon rouge que l’on agite le temps d’une campagne électorale dont on ne s’est pas soucié avant et que l’on oublierait dès le lendemain.

Ce partenariat soulève des questions majeures et nécessite une vigilance de chaque instant. Il représente, tout d’abord, un enjeu de croissance pour l’Europe. Les négociations permettent d’examiner de part et d’autre de l’Atlantique l’impact que pourrait avoir la création d’un partenariat, et notamment sa capacité à engendrer un surplus de croissance et d’emploi. Examiner cela, ce n’est pas renoncer au volontarisme économique, c’est même exactement le contraire car le débat sur la protection de nos intérêts dans tous les champs économiques – nous le voyons en ce moment même sur le dossier Alstom – dépasse très nettement la question de l’ouverture des marchés et pose celle de l’habileté et de la vision des pouvoirs publics.

Négocier pour que nos pommes, nos oeufs, notre charcuterie puissent être autorisés aux États-Unis n’est pas une lubie de notre part, notamment pour nos PME. Négocier pour que les droits de douane, qui s’élèvent à 30 % pour nos viandes ou encore à 139 % pour nos produits laitiers, baissent n’est pas une coquetterie de notre part. Je pourrais ainsi multiplier les exemples dans de nombreux secteurs tels que la chimie, les industries ferroviaires ou encore le textile.

Le partenariat de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis représente aussi un enjeu de régulation du commerce mondial. Si les négociateurs s’entendaient pour parvenir à des normes ambitieuses, ces dernières pourraient alors s’appliquer aux pays comme la Chine, l’Inde, la Russie ou le Brésil. Soyons offensifs : ne manquons pas, en déclarant tout de suite forfait, cette opportunité de façonner notre avenir ! Ne faisons pas semblant de ne pas voir que les États-Unis se trouvent dans une hésitation stratégique qui façonnera le XXIe siècle. L’équilibre géopolitique et économique menace de se déplacer de l’Atlantique vers le Pacifique. Dans ce cadre, l’Europe doit définir sa stratégie.

Alors, être ouvert à la discussion ne signifie pas que nous devons l’aborder avec ingénuité, avec naïveté ou, pire encore, avec une légèreté qui serait synonyme d’irresponsabilité. Une telle négociation exige au contraire de maîtriser de manière aiguë la palette de nos intérêts, celle de l’autre partie et l’ampleur des contradictions que leur confrontation est susceptible de générer.

C’est conscient de cet enjeu que le groupe SRC a abordé avec sérieux et détermination les travaux qui ont conduit, en mai 2013, à soumettre une résolution qui affirmait des positions très claires sur le mandat de négociation. Cette résolution, que j’ai eu l’honneur de rapporter, demeure d’actualité ; je vous invite à vous la procurer. Sur le fond, elle fixait quatre lignes rouges très précises, sur lesquelles nous avons obtenu gain de cause.

Enfin, je crois impératif de rappeler que, dans cette affaire, le peuple reste souverain. Dire le contraire est faux. On ne peut pas décemment dire que la Commission décidera sans les peuples. Vous le savez comme moi, tout projet d’accord devra être approuvé à plusieurs niveaux : accord par le Conseil des 28 ministres de l’Union ; ratification par le Parlement européen, ce même Parlement qui sera renouvelé dimanche ; ratification par l’ensemble des parlements nationaux s’il s’agit d’un accord mixte. Dans ce cas, nous garderons un droit de veto si l’accord ne nous convient pas.

À ce propos, madame la ministre, j’entends réitérer la demande formulée lors de la séance des questions d’actualité du mardi 20 mai. La qualité du débat sur ces questions complexes pourrait se trouver très nettement améliorée par une transparence accrue : la connaissance de l’ordre du jour et des conclusions des débats au fur et à mesure de la négociation serait de nature à lever bien des fantasmes.

Mes chers collègues, le projet d’accord, dont la conclusion est encore loin d’être en vue, ne nous forcera jamais – je dis bien jamais – à devenir ce que nous ne voulons pas être. Gardons à l’esprit que négocier ne veut dire ni subir ni conclure.

1 commentaire :

Le 26/07/2014 à 19:28, Grange aux belles a dit :

Avatar par défaut

"qui s’élèvent à 30 % pour nos viandes ou encore à 139 % pour nos produits laitiers,"

Les Etats-Unis nous appliquent 30% sur nos viandes, depuis 1988, en représailles à l'interdiction de l'UE de l'importation de boeuf aux hormones. Ce taux punitif est levé depuis 2011 car l'UE leur accorde d'exporter 45000 tonnes de boeuf sans hormone.

Il faut enquêter avant d'affirmer (fact checking.

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion