Intervention de Sandrine Mazetier

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Sécurité sécurité civile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mazetier, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la sécurité :

Au-delà des faits constatés, il faut donc s'attacher à suivre le parcours des produits et des profits de la criminalité. L'actualité récente a encore mis en évidence, avec l'opération Virus, l'efficacité de la police judiciaire dans le démantèlement d'un réseau international de blanchiment, et il convient de saluer ce succès.

Les services de police judiciaire dépendant de la sous-direction de la lutte contre la criminalité organisée et la délinquance financière, traitent l'essentiel des grandes affaires de délinquance financière. La gendarmerie, a contrario, prend en charge une bonne part des petites infractions commises en zone rurale, infractions simples pour lesquelles la réponse pénale est malheureusement le plus souvent inexistante.

Je me permets, monsieur le ministre, de suggérer que ce sujet entre dans la réflexion que vous avez engagée avec la garde des sceaux et les services de justice. Il est en effet indispensable d'améliorer les sanctions de ces infractions, peu spectaculaires mais dont les conséquences sont souvent très graves pour les victimes. J'insiste, au nom de ces victimes invisibles et sans voix, pour lesquelles l'État est encore « le plus froid des monstres froids ».

Les services généralistes de la police nationale renvoient, eux, le traitement de ces petites infractions aux services interrégionaux ou régionaux de police judiciaire, voire aux structures nationales installées à Nanterre. Il en résulte un encombrement de ces structures mises en place pour mener des investigations sur des montages complexes. La petite escroquerie n'exige pourtant pas l'intervention de personnels formés à identifier des réseaux de trafics internationaux. Il y a là un gâchis, allant à rebours de l'exigence d'utilisation optimale des moyens. Il faut donc améliorer le traitement direct des petites infractions financières à la bonne échelle, par les services généralistes. Ils ont toutes les compétences pour cela.

Parallèlement, il convient de redéployer les moyens des services spécialisés sur le traitement des infractions les plus importantes. Dans ce domaine, l'efficacité passe par la possibilité de saisir les avoirs des grands délinquants, menace beaucoup plus dissuasive pour eux que celle de l'enfermement. Les services de police concernés souhaitent donc une amélioration et une extension des procédures de saisie.

J'en viens à l'analyse des 17,55 milliards d'euros de crédits de la mission sécurité. La part des dépenses de personnel constitue plus de 90 % des dotations du programme « Police » et plus de 85 % du programme « Gendarmerie nationale ». Les contributions aux pensions de retraite progressent en particulier de 6,08 %.

Après des années noires, la mission « Sécurité » voit en 2013 les moyens des forces de sécurité intérieure augmenter. Ainsi, après cinq ans de diminution continue, et alors que 3 200 suppressions de postes étaient encore prévues pour 2013 par l'ancienne majorité, 480 créations nettes d'emplois interviendront l'an prochain : 288 de policiers et 192 de gendarmes. C'est la première étape d'un plan visant à créer 5 000 emplois en cinq ans pour la sécurité et la justice, conformément aux priorités du Gouvernement.

Cependant, la mission contribuera, elle aussi, à la maîtrise des dépenses publiques, en particulier par une réduction des crédits de fonctionnement, épargnant les missions opérationnelles, la volonté de tous étant de préserver les capacités opérationnelles des deux forces. Pour le reste, des préoccupations demeurent : sur la maîtrise de la masse salariale dans la police, et en particulier l'impact des mesures catégorielles et indicielles, sur les moyens de fonctionnement et sur la question de l'immobilier. Nous en reparlerons.

Cette année, la mission est augmentée du programme 207 « Sécurité et éducation routières », rattachement sur lequel je formulerai deux observations.

En premier lieu, les crédits de ce programme font plus que doubler en 2013 du fait de transferts d'effectifs précédemment inscrits sur le programme support de la mission « Écologie ». Mais ces transferts sont partiels : 1 526 ETPT ont été rattachés mais 959 emplois restent inscrits sur le programme 217, tout en concourant à la sécurité routière. C'est ce que l'on appelle une cote mal taillée.

Par ailleurs, ce programme « Sécurité et éducation routières », aux crédits limités de 129 millions d'euros – à comparer aux quelque 9 milliards du programme « Police nationale » et aux près de 8 milliards du programme « Gendarmerie nationale » – procède davantage du pilotage de la politique de sécurité routière que de l'opérationnel. Il serait donc à mon sens plus judicieux de l'intégrer à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Passons enfin au délicieux compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routiers », dont on m'a demandé de rapporter les crédits. Je ferai plusieurs remarques sur sa situation actuelle. En premier lieu, les masses budgétaires en jeu sont considérables : 1,4 milliard d'euros, essentiellement assuré par une fraction des amendes de la circulation. Ensuite, malgré le schéma d'emploi du produit des amendes qui figure en page 486 du tome II du rapport général, les flux et les situations de trésorerie ne sont pas clairs.

Selon les informations qui m'ont été transmises, les prévisions de recettes actualisées des amendes forfaitaires radars pour l'année 2012 sont de 603 millions d'euros, mais ce montant ne comprend pas les amendes radar majorées, et ce n'est qu'un exemple. De plus, le délégué interministériel à la sécurité routière, M. Péchenard, communique dans la presse sur d'autres chiffres, plus élevés – ce qui est à la fois une bonne nouvelle pour les finances publiques et tout à fait fâcheux pour votre rapporteure. Je pense que ce manque de clarté est une petite erreur de début de législature et que ce sera corrigé.

Enfin, les dépenses du compte d'affectation spéciale concernent des domaines importants de la sécurité routière : les radars automatisés, le Fichier national du permis de conduire, le déploiement du procès-verbal électronique. Mais ce sont des domaines subsidiaires au plan budgétaire. En effet, plus de 80 % des dotations du compte alimentent les collectivités locales et le désendettement de l'État. En première partie de l'examen du projet de loi de finances, notre assemblée a voté deux mouvements sur les recettes du compte en réaffectant de l'agence de financement des infrastructures de France – l'AFITF – vers les collectivités locales 10 millions d'euros provenant des amendes radars, et 10 millions d'euros provenant des amendes de police vers le fonds interministériel de prévention de la délinquance – le FIPD –, restant ainsi dans une logique de prévention.

La commission des finances a adopté le budget de la mission « Sécurité » et du compte d'affectation spéciale « Contrôle de la circulation et du stationnement routier » sur ma proposition, et je vous invite bien entendu, mes chers collègues, à adopter ces crédits qui me semblent correspondre en tout point à cette citation d'une figure qui vous est chère, monsieur le ministre, Clemenceau : « Il faut d'abord savoir ce que l'on veut, il faut ensuite avoir le courage de le dire, il faut ensuite l'énergie de le faire. » Monsieur le ministre, vous ne manquez ni de clarté, ni de courage, ni d'énergie, et nous non plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion