Intervention de Patrick Lebreton

Séance en hémicycle du 6 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Sécurité sécurité civile

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Lebreton, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la sécurité civile :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, je suis chargé de présenter la position de la commission des finances sur le projet de budget de la mission « Sécurité civile » pour 2013.

Je voudrais rappeler, en premier lieu, qu'en France la politique de la sécurité civile est définie au niveau national, mais qu'elle est largement gérée et financée à l'échelon de nos collectivités territoriales. Ainsi, les dépenses d'ensemble que l'État effectue pour la sécurité civile sont évaluées à environ un milliard d'euros, mais les collectivités territoriales y consacrent annuellement près de 5 milliards. Les crédits de la mission « Sécurité civile » dont je présente, dans mon rapport spécial, l'évolution prévue pour 2013, ne représentent d'ailleurs que 40 % environ des dotations que l'État affecte à la sécurité civile de nos concitoyens. Les intervenants dans ce domaine sont nombreux.

Avant de procéder avec vous à l'examen des moyens budgétaires consacrés à la mission pour l'exercice 2013, je voudrais, mes chers collègues, insister sur trois points.

Tout d'abord, s'il y a obligation de parvenir à une gestion rationnelle et optimale des crédits qu'impose la situation de nos comptes publics, cela ne doit pas faire oublier la nécessité d'actions résolues au profit des victimes de situations de crise. Les effets dévastateurs de la tempête Xynthia qui a frappé plusieurs de nos départements de l'Ouest en février 2010 et des feux de forêts du Maïdo sur l'île de La Réunion à la fin de 2011, comme ceux du tsunami de mars 2011 au Japon, où notre pays a envoyé des sauveteurs, sont bien présents dans notre mémoire.

L'analyse, peut-être parfois aride, des chiffres, des données financières, ne doit par ailleurs pas masquer les réalités humaines. Ainsi, toutes les trente-neuf minutes, une personne est secourue en France par hélicoptère, et en 2011, onze sapeurs-pompiers sont décédés en service et 1 210 ont été victimes d'agressions sur l'ensemble du territoire national et, chaque jour, les femmes et les hommes intervenant en sécurité civile donnent l'exemple du courage et de l'engagement. Et je n'oublie les deux victimes de ce samedi, un sapeur-pompier professionnel et un sapeur-pompier volontaire, qui ont tragiquement péri au cours d'une intervention.

Enfin, je veux vous rendre hommage, monsieur le ministre, pour votre action et souligner tout particulièrement la détermination dont vous avez fait preuve à de nombreuses reprises depuis votre entrée en fonction.

Je vais donc présenter l'évolution des crédits de la mission « Sécurité civile » avant d'analyser l'action des autres acteurs de ce secteur, tout particulièrement celle des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours.

La mission « Sécurité civile » est composée de deux programmes budgétaires dédiés à la protection des populations et à la gestion des crises : Le programme 161, « Intervention des services opérationnels », regroupe les moyens nationaux de sécurité civile que l'État met à la disposition de la population au quotidien ou lors de catastrophes majeures, naturelles ou technologiques ; le programme 128, « Coordination des moyens de secours », quant à lui, permet la mise en oeuvre de projets visant à la coordination des acteurs locaux et nationaux susceptibles de contribuer à la préparation et à la gestion des crises. Le projet de loi de finances propose de porter les crédits de la mission à 409,09 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 0,08 % par rapport à 2012, et à 440,26 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 0,78 % par rapport à 2012, ce qui représente un signal fort lorsque l'on considère la situation des comptes publics de notre pays. Les demandes de crédits correspondent, pour le programme « Intervention des services opérationnels », à une augmentation de 6,3 % en autorisations d'engagement et de 6,7 % en crédits de paiement pour 2013. En revanche, le programme « Coordination des moyens de secours » voit ses dotations diminuer de 10,2 % pour les autorisations d'engagement et de 8,05 % pour les crédits de paiement.

Je développe l'analyse des moyens prévus dans mon rapport écrit mais souhaite évoquer, quelques instants, cette priorité que constitue la lutte contre les feux de forêt. Les crédits de l'action 1 du programme 161, « Participation de l'État à la lutte aérienne contre les feux de forêts », qui représentent 23,6 % des moyens de ce programme, correspondent à l'activité des vingt-six avions de la sécurité civile dont l'emploi, complémentaire de celui des moyens des SDIS, vise à assurer la détection rapide des feux de forêts et leur traitement avec des moyens de lutte aérienne adaptés. La flotte comprend douze avions bombardiers d'eau amphibies Canadair, neuf bombardiers d'eau ravitaillés au sol Tracker, trois avions d'investigation et de liaison Beechcraft 200 et deux avions polyvalents bombardiers d'eau Dash 8, tous mis à la disposition des préfets de zone. Sont prévus pour cette action 64,21 millions d'euros en autorisations d'engagement et 64,45 millions d'euros en crédits de paiement. Ces moyens concernent aussi le fonctionnement courant de la base avions de la sécurité civile, le financement du carburant aérien, du produit retardant, la location de trois bombardiers d'eau pour la saison « feux », mais surtout la maintenance des vingt-six avions de la sécurité civile pour 43,3 millions d'euros. Cette action fait figure de véritable priorité budgétaire, le Gouvernement ayant insisté sur la nécessité d'un maintien en condition opérationnelle des avions de lutte contre les feux de forêts. De fait, l'action « Participation de l'État à la lutte aérienne contre les feux de forêts » est celle qui connaît la plus forte hausse des moyens prévus pour la sécurité civile – plus 19,8 % en autorisations d'engagement et plus 19,5 % en crédits de paiement.

Un problème sensible rencontré au cours des dernières années réside dans l'obsolescence des avions amphibies de type Tracker, particulièrement utilisés dans l'attaque des feux naissants, et qui doivent être retirés du service entre 2016 et 2020. Des expérimentations sont menées pour trouver un type d'aéronef apte à remplacer en totalité la flotte de Tracker à l'horizon 2020. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises a envisagé ainsi la location d'aéronefs de type Air Tractor afin d'évaluer leur aptitude à remplacer, à terme, les avions Tracker.

Je vais évoquer maintenant les grands programmes d'investissement retenus en matière de sécurité civile.

Je pense d'abord à la création d'un centre commun de formation et d'entraînement civil et militaire pour les risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques, chimiques et explosifs recommandée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui doit intervenir avant la fin de 2012. La création d'un tel centre doit mettre un terme à l'hétérogénéité des formations jusqu'à maintenant prodiguées aux décideurs et à l'insuffisance des entraînements communs.

Je dois vous parler aussi de la mise en place du SAIP, le système d'alerte et d'information des populations, voué à remplacer l'actuel Réseau national d'alerte. Ce nouveau système d'alerte est un dispositif de proximité concernant des bassins de risques et fonctionnant à partir de sirènes mises en réseau renforcé par d'autres moyens d'alerte. Le mécanisme est complété, élément de nouveauté, par l'envoi de messages-textes sur tous les téléphones portables présents dans la zone concernée. Le dispositif partenarial actuel, élaboré avec les radios et télévisions du service public, est par ailleurs maintenu. Le SAIP a deux fonctions essentielles : une fonction d'alerte et une fonction d'information Le premier marché a été lancé au premier semestre 2011. Le budget initial avait été initialement estimé à 78 millions d'euros, et le noyau central du SAIP correspondant aux équipements indispensables à sa réalisation doit nécessairement s'inscrire dans la limite de 44,7 millions d'euros en autorisations d'engagement programmés par la loi du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure – la LOPPSI. Les négociations se poursuivent avec les opérateurs de téléphonie mobile dans le cadre de marchés pour l'envoi de messages d'alerte et d'informations sur les téléphones portables. Le dispositif SAIP, qui mobilisera 32 millions d'euros dans le prochain triennal, permettra l'usage de SMS. Il a sûrement connu un coup d'accélérateur avec la tempête Xynthia.

J'évoquerai aussi la création d'un centre national d'alerte spécifique au risque tsunami dans le bassin méditerranéen. À la suite du tsunami de Sumatra du 26 décembre 2004 et de la conférence de Kobé, la commission océanographique intergouvernementale de l'Unesco a été chargée par la communauté internationale de mettre en place un système d'alerte aux tsunamis dans chacun des bassins océaniques concernés. La France, présente sur plusieurs mers et océans, s'est engagée à développer un centre national d'alerte aux tsunamis pour l'Atlantique Nord-Est et la Méditerranée, à vocation régionale pour la Méditerranée occidentale. En mars 2009, à l'initiative du ministère de l'écologie et du ministère de l'intérieur, le Commissariat à l'énergie atomique s'est vu confier la mission de constitution puis d'exploitation du centre. Le Centre national d'alerte aux tsunamis – le CENALT –, implanté sur le site du CEA de Bruyères-le-Châtel, dans l'Essonne, est ainsi opérationnel depuis le 1er juillet dernier, et ce vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Chacun peut se réjouir de la mise en place, intervenue au cours de cette année, d'un centre d'alerte aux tsunamis pour la Méditerranée.

Je mentionnerai enfin le programme ANTARES – Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours –, qui vise à une interopérabilité des moyens de communication des différents services publics concourant aux missions de sécurité civile. C'est un réseau unique, permettant la communication entre tous les intervenants de la sécurité civile et nationale, et utilisable en tout point du territoire. En 2012, 65,6 % des sapeurs-pompiers sont équipés de ses terminaux, les perspectives pour 2013 conduisant à un taux de migration de 75 % ; soixante-dix départements sont actuellement concernés et la couverture devrait être totale dans quatre ans.

Depuis 2007, l'État a assumé la charge financière du déploiement du réseau ANTARES sur l'ensemble du territoire et participé, par le biais du fonds d'aide à l'investissement – le FAI – des services départementaux d'incendie et de secours, aux dépenses d'investissement engagées par ces derniers afin d'acquérir les équipements, notamment les terminaux, pour un montant global de 32 millions d'euros. 4 millions d'euros de travaux nouveaux ont été engagés par l'État en 2012. À partir de 2013, l'État, qui a pour objectif prioritaire d'achever le développement d'ANTARES, prévoit d'engager 17,75 millions d'euros de travaux jusqu'en 2015 et 7,1 millions d'euros en 2016, ce qui correspond à un montant global d'investissement de 120 millions d'euros. Pour 2013, les crédits de paiement prévus au titre du fonds d'aide à l'investissement ne s'établissent qu'à 3,9 millions d'euros ; ces crédits assureront le financement des opérations ayant bénéficié, au cours des exercices précédents, d'une subvention au titre du FAI mais qui n'ont pas encore été achevées par les SDIS bénéficiaires.

J'en viens à une brève analyse de l'action des autres intervenants, très nombreux, de la sécurité civile. Les actions menées en matière de sécurité civile ne peuvent se résumer, mes chers collègues, à celles qui sont retracées dans les programmes budgétaires 161 et 128. Le monde de la sécurité civile comporte un ensemble très vaste d'acteurs relevant de la sphère publique, en particulier les services départementaux d'incendie et de secours, ou de la sphère privée. Un montant global de plus d'un milliard d'euros est prévu pour 2013 par les différents ministères en faveur de la sécurité civile. Près de 650 millions d'euros en autorisations d'engagement sont ainsi consacrés par les autres ministères à ces actions, s'ajoutant aux crédits gérés par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et rassemblés dans la mission « Sécurité civile ».

Les SDIS sont un acteur public essentiel. Le nombre de sapeurs- pompiers regroupés dans les SDIS est voisin de 250 000, dont 195 000, c'est-à-dire pratiquement 80 %, sont sapeurs-pompiers volontaires, 40 500 – 16 % – sapeurs-pompiers professionnels et 12 200 militaires, relevant de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris ou du bataillon des marins-pompiers de Marseille.

En 2011, les effectifs de sapeurs-pompiers volontaires sont en légère baisse, de 0,3 %, ceux de sapeurs-pompiers professionnels augmentant très légèrement, de 0,5 %. La féminisation des sapeurs-pompiers reste stable : 13 % en 2011 comme en 2010.

Le nombre de centres d'incendie et de secours est en léger accroissement : 7 296 contre 7 277 en 2010. Si les dépenses des SDIS ont progressé de 10,71 % entre 2007 et 2009, elles ne se sont accrues que de 1,5 % en 2010 et sont stabilisées depuis 2011. Le coût moyen par habitant est de 80 euros par mois. La répartition du financement des SDIS par les collectivités territoriales n'a pas évolué et se maintient à 56 % pour les départements et 44 % pour les communes et établissements publics de coopération intercommunale.

Dans mon rapport écrit, j'aborde les questions posées au statut des sapeurs pompiers professionnels et volontaires, rappelant que ces derniers constituent 80 % des effectifs et assurent 70 % des interventions.

Avec le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises, M. Kill, que j'ai rencontré dans le cadre de la préparation de ce débat budgétaire, je voudrais vous rappeler que le système français, fondé sur la complémentarité des sapeurs-pompiers volontaires et professionnels, favorise la maîtrise des coûts au profit des contribuables, tout en assurant aux citoyens des secours de qualité dans des délais raisonnables en tout point du territoire. Les 7 400 centres existants en font le plus dense de nos réseaux de service public.

Ce modèle a fait ses preuves. Sa remise en cause pourrait, à service rendu constant, conduire au recrutement de plus de 60 000 sapeurs-pompiers professionnels supplémentaires, pour un montant estimé à 2,5 milliards d'euros, que les collectivités territoriales ne seraient pas en mesure de supporter. Parce qu'il fait référence aux notions d'engagement et de volontariat, ce modèle offre aussi un exemple de civisme authentique.

Je termine en évoquant ces autres acteurs essentiels que sont les formations militaires de sapeurs-pompiers, brigade des sapeurs-pompiers de Paris et bataillon des marins-pompiers de Marseille, dont les interventions connaissent une croissance constante et qui sont de plus présentes dans le domaine des secours à personne.

La sécurité civile étant l'affaire de tous et une école permanente de civisme, il me faut mentionner aussi les acteurs privés que constituent tout particulièrement les réserves communales constituées de citoyens bénévoles et des associations.

À titre plus personnel, j'aurais voulu souligner l'effort en direction des outre-mer, territoires qui sont exposés à la quasi-totalité des risques naturels, avec la création de la base héliportée de Martinique et le réaménagement de la zone aéroportuaire du Raizet en Guadeloupe. Je n'oublie pas non plus, monsieur le ministre, l'attention toute particulière qui a été portée au risque incendie à La Réunion, où le prépositionnement d'un avion Dash 8 a permis de circonscrire près de onze départs de feux en moins d'un mois, évitant ainsi le désastre de l'an passé.

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