Intervention de Jean-Claude Fruteau

Réunion du 20 mai 2014 à 17h30
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Fruteau, président :

Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle aujourd'hui un échange de vues sur la déclinaison outre-mer du pacte de responsabilité. Il prévoit aussi la nomination de deux rapporteurs d'information sur cette question.

Avant de vous laisser la parole, je voudrais dire quelques mots à titre de propos liminaires.

Comme vous le savez, en 2009, la loi pour le développement économique des Outre-mer (LODEOM) a institué un certain nombre de mesures destinées à favoriser la création d'emplois dans le secteur marchand. Parmi celles-ci, on distingue les exonérations de charges sociales. Ces exonérations ont été modifiées, au cours de la discussion de la loi de finances initiale pour 2014, pour être recentrées sur les plus bas salaires, c'est-à-dire les salaires qui sont les plus susceptibles d'être attribués en cas d'embauche.

Ainsi, actuellement, outre-mer, en dehors du système lié au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, il existe trois dispositifs d'exonération de cotisations sociales :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu'à 1,4 SMIC ; entre 1,4 et 2,2 SMIC, le montant de l'exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; au-delà de 2,2 SMIC, l'exonération est dégressive et elle s'annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne les entreprises de plus de 11 salariés (exonération totale jusqu'à 1,4 SMIC ; au-delà, l'exonération est dégressive et elle s'annule à 3,8 SMIC).

– Le dispositif renforcé pour certains secteurs comme l'hôtellerie, le tourisme ou l'agroalimentaire (exonération totale jusqu'à 1,6 SMIC ; entre 1,6 et 2,5 SMIC, l'exonération est limitée à 1,6 SMIC ; au-delà de 2,5 SMIC, l'exonération est dégressive et elle s'annule à 4,5 SMIC).

En dépit de cette règlementation, il convient d'observer que le niveau du chômage reste préoccupant dans les départements d'outre-mer.

En 2013, le taux de chômage est de 26,2 % en Guadeloupe, de 21,3 % en Guyane, de 22,8 % en Martinique et de 29 % à La Réunion, quand il est de 10,5 % dans l'hexagone.

Parallèlement au dispositif applicable aux Outre-mer, le Gouvernement, pour accroître la diminution structurelle du coût du travail au niveau national, a pris la décision, à la fin de l'année 2012, dans le cadre de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013, de la création du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ou CICE (article 244 quater C du CGI).

Le CICE s'adresse à toutes les entreprises et il leur permet de réaliser une économie d'impôt substantielle. Pour 2013, elle équivaut à 4 % de la masse salariale, hors salaires supérieurs à 2,5 fois le SMIC. Pour 2014, ce taux est porté à 6 %.

Le CICE est très intéressant outre-mer, car, lorsque les entreprises ont été déclarées éligibles à ce crédit d'impôt, il se cumule avec les exonérations fiscales prévues par la LODEOM, exonérations qui sont calculées – à nouveau – sur la base d'un triple dispositif :

– Le dispositif qui concerne les entreprises de moins de 11 salariés (exonération totale des charges sociales jusqu'à 1,4 SMIC ; entre1,4 SMIC et 1,8 SMIC, le montant des exonération est calculé sur la base de 1,4 SMIC ; ensuite, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et il devient nul lorsque la rémunération est égale à 2,8 SMIC).

– Le dispositif qui concerne plus de 11 salariés (exonération totale jusqu'à 1,4 SMIC ; le taux d'exonération décroit ensuite de manière linéaire jusqu'à 2,6 SMIC).

– Le dispositif renforcé (exonération totale jusqu'à 1,6 SMIC ; de 1,6 SMIC à 2 SMIC, le montant des exonérations est calculé sur la base de 1,6 SMIC ; à partir de 2 SMIC, le montant des exonérations décroît de manière linéaire et devient nul lorsque la rémunération est égale à 3 SMIC).

Cette règlementation doit être complétée, dans un avenir très proche, par l'adoption des mesures qui constituent le pacte de responsabilité.

Selon mes informations, ces mesures constitutives du pacte de responsabilité pourraient être inscrites, d'une part, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014 et d'autre part, éventuellement, dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, également pour 2014. Le texte ou les textes pourraient être adoptés en Conseil des ministres le 18 juin prochain. Ils seraient ensuite examinés, quinze jours plus tard, par l'Assemblée nationale.

Les mesures du pacte de responsabilité pourraient être les suivantes :

– Diminution dégressive des cotisations des salariés pour s'arrêter à 1,3 SMIC ;

– Suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et allègement dégressif des charges sur les salaires inférieurs à 1,6 SMIC ;

– Diminution de 1,8 % des charges correspondant à la branche famille de la sécurité sociale pour les salaires compris entre 1,6 et 3,5 SMIC ;

– Baisse de 3 % des cotisations familiales des artisans et des commerçants ;

– Suppression progressive de la cotisation sociale de solidarité payée par les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 760 000 euros, cette cotisation devant disparaître en 2017 ;

– Diminution progressive de l'impôt sur les sociétés, cet impôt devant passer de 33,33 % aujourd'hui à 28 % en 2020.

Il convient d'observer que le CICE peut avoir des effets significatifs sur l'emploi dans les départements d'outre-mer. Il s'ajoute en effet, comme je l'ai indiqué, en visant toutes les entreprises qui emploient des salariés dont les salaires ne dépassent pas 2,5 fois le SMIC, aux exonérations de charges liées aux dispositifs établis par la LODEOM. Or, c'est bien ce type de salariat – c'est-à-dire un salariat qui ne dépasse pas 2,5 fois le SMIC – qui est présent majoritairement au sein des entreprises ultramarines.

En revanche, le pacte de responsabilité risque de ne profiter que très partiellement aux DOM. En effet :

– La suppression des cotisations sociales patronales prévue par le pacte de responsabilité à hauteur du SMIC existe déjà outre-mer ;

– Le barème dégressif national jusqu'à 1,3 SMIC procure un gain qui est totalement neutralisé outre-mer où, jusqu'à 1,4 ou 1,6 SMIC selon les cas, l'exonération est totale et non dégressive ;

– La réduction des cotisations sociales des indépendants existe déjà dans les DOM (ces travailleurs sont exonérés pendant 24 mois de toutes cotisations de sécurité sociale puis ils disposent ensuite, de manière pérenne, d'une assiette de cotisation réduite de moitié pour la partie de leurs revenus qui est inférieure au plafond de la sécurité sociale) ;

– La suppression de la CSS ne va profiter qu'à environ 10 % des entreprises des DOM, c'est-à-dire à un nombre très restreint de redevables ;

– Enfin, un taux réduit d'impôt sur les sociétés existe déjà dans les Zones franches d'activité (ZFA).

Aussi, pour éviter que le pacte de responsabilité ne s'apparente à une coquille presque vide, conviendrait-il de lui donner une déclinaison particulière outre-mer.

Notamment, on pourrait très certainement améliorer le dispositif du CICE dans les DOM, puisqu'il s'agit d'un mécanisme prometteur.

On pourrait faire passer son taux de 6 à 9 % ; et même, dans le cas du secteur renforcé tel qu'il est prévu dans la LODEOM, on pourrait le faire passer de 6 à 12 %.

Telles sont les raisons pour lesquelles il me paraît souhaitable que la Délégation se saisisse de ce thème de réflexion et qu'elle désigne deux rapporteurs pour élaborer un rapport d'information.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion