Intervention de Jean-Marie le Guen

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 15h00
Modulation des contributions des entreprises — Discussion générale

Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement :

Nous pouvons donc espérer que vous serez dans quelques mois convaincue des bienfaits pour notre pays de la version renouvelée de la social-démocratie que nous vous présentons aujourd’hui.

Votre collègue Alain Fauré a souligné, et je pense que c’est une des dimensions importantes de tout débat de politique économique, le contexte particulier dans lequel se trouve notre pays. Il a rappelé la situation de nos comptes publics et de notre industrie, telle qu’elle est décrite en particulier dans le rapport Gallois, et ce que cela signifie pour notre pays.

Aux termes de ce rapport, et je me tourne cette fois-ci vers les orateurs de l’opposition, en particulier du groupe UMP, la situation que nous connaissons ne date pas de deux ans. Vous rappeliez tout à l’heure la crise de 2008 comme s’il pouvait s’agir d’une excuse, monsieur Chevrollier, mais la chute de notre industrie n’a que peu de liens avec cette crise financière ; elle remonte en réalité à l’année 2002.

Tous les éléments sur lesquels s’appuie Louis Gallois dans son rapport – emplois, entreprises, part dans le PIB – montrent que l’industrie s’affaiblit, et cet affaiblissement a probablement commencé bien avant 2002. Ce constat ne peut être laissé de côté, ni par les uns ni par les autres. Le moteur de la création de valeur dans notre économie a été très largement maltraité ces dix dernières années. Ce que nous mettons en oeuvre aujourd’hui, c’est précisément une rupture avec les politiques menées précédemment, en particulier de votre côté, mais aussi plus largement peut-être dans notre pays.

Nous agissons donc dans un contexte de comptes publics dégradés et d’affaiblissement important de l’industrie. Valérie Rabault a d’ailleurs parfaitement rappelé les données de notre politique économique en partant de ces faits et en essayant d’exprimer les principes qui sont les nôtres : un policy mix visant à maintenir un des moteurs de l’activité économique et du soutien à nos entreprises et à notre industrie, à savoir la consommation, d’une part, et, d’autre part, une politique de l’offre qui ne se limite pas, monsieur le rapporteur, à la question du coût du travail. En effet, nous essayons également de travailler sur les normes et de favoriser l’accès au crédit, par exemple pour toutes les politiques d’investissements d’avenir ou la politique de recherche, au travers notamment du crédit d’impôt recherche.

Évidemment, on peut toujours tourner autour du pot, mais on ne pourra pas évacuer l’idée que le coût du travail dans notre pays est plus élevé que dans de très nombreux pays comparables, même si les choses commencent timidement à bouger. Et je ne parle pas des pays émergents ou des pays les plus pauvres de la planète, ni même des pays européens ayant une économie moins développée. Je fais référence à des pays tout simplement beaucoup plus compétitifs que nous, tels que l’Allemagne, des pays à l’économie parfois encore plus musclée que la nôtre en termes de gamme ou de productivité. On ne peut donc faire l’économie de la question du coût du travail.

De la même façon, on ne peut pas non plus être dans le déni s’agissant des profits des entreprises françaises. On peut toujours se référer à ceux des entreprises du CAC 40, qui sont comme vous le savez très fortement internationalisées, et pour lesquelles une grande part des profits se fait hors de France, mais on ne peut pas oublier que le taux de marge des entreprises françaises est historiquement et géographiquement particulièrement bas. Si le taux de marge ne se rétablit pas à un niveau supérieur, l’investissement, la politique commerciale, l’emploi, la recherche et le développement ne peuvent pas être stimulés.

Par conséquent, notre politique prend en compte tant la question du coût du travail que celle du taux de marge des entreprises. Nous avons le souci de soutenir la demande, tant pour des raisons de justice sociale, bien sûr, que de politique économique. Si nous avons mis en place non seulement le pacte de responsabilité mais aussi le pacte de solidarité, c’est parce que nous nous trouvons dans une période agitée où la dépense publique est soumise à la pression des politiques que nous mettons en oeuvre. La situation des comptes publics est de nature à remettre en cause la souveraineté nationale, puisque notre dette, qu’il faut bien financer d’une manière ou d’une autre, est aux mains des marchés financiers.

Pour nous soustraire à cette pression, nous voulons diminuer la dépense publique de façon à réduire les déficits, tout en ayant évidemment le souci de ne pas freiner la machine économique.

À l’inverse, et au regard de la structure industrielle de notre pays, une économie essentiellement axée sur la demande creuserait massivement le déficit du commerce extérieur et nous jetterait, de surcroît, dans les affres des déficits publics.

Tels sont les principes de notre politique économique, rappelés non seulement par Valérie Rabault, mais aussi par Dominique Lefebvre.

M. Alauzet a, pour sa part, avancé des idées destinées à moderniser la politique économique.

Vous avez notamment fait référence, monsieur le député, à l’idée innovante consistant à privilégier une taxation de l’excédent net d’exploitation. Nous avons travaillé sur cette piste. Même si l’idée n’est pas tout à fait mûre, nous allons continuer à explorer dans cette direction.

De la même façon, vous avez abordé à juste titre la question de la lutte contre l’optimisation fiscale. À cet égard, vous devez convenir, me semble-t-il, que le Gouvernement est à l’oeuvre. Des progrès sont nécessaires ; nous les poursuivrons à travers les textes budgétaires qui viendront bientôt en discussion.

Quoi qu’il en soit, nous avons le souci de conduire une politique économique qui allie l’efficacité et la justice, tout en permettant le redressement de l’industrie dans notre pays, ce qui constitue sans doute le sujet majeur sur lequel, les uns et les autres, nous devons réfléchir.

L’opposition se contente trop souvent de postures, même si je ne dis pas que c’était la tonalité de votre intervention, monsieur Chevrollier. On nous parle de réduire la dépense publique de 130 ou 134 milliards d’euros. Or, à chaque fois que nous prenons des mesures allant dans ce sens, l’opposition, loin de nous soutenir, nous combat. Lorsque nous sommes amenés, dans un domaine ou dans un autre, à mener une politique de rigueur au service de l’action publique, nous nous trouvons en butte aux sarcasmes, aux critiques et aux dénonciations violentes de l’opposition. Dans la période actuelle, nous sommes tous appelés à faire preuve de responsabilité et de rationalité. Le débat que nous avons eu aujourd’hui allait dans ce sens, même s’il existe évidemment entre nous des divergences d’appréciation. Si l’objectif de cette proposition de loi était de faire avancer le débat sur ce sujet, il a été atteint. En revanche, je considère pour ma part que, pour ce qui est du contenu précis du texte, les dispositions proposées créeraient plus de problèmes qu’elles n’en régleraient.

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