Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 15h00
Ouvrages d'art de rétablissement des voies — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne, rapporteur de la commission des affaires étrangères :

II s’agit donc de mieux répartir les charges financières liées aux ouvrages d’art de rétablissement des voies. Il arrive souvent que de nouvelles infrastructures de transport, qu’il s’agisse d’une voie ferrée, d’une voie navigable ou d’une autoroute, coupent des voies communales ou départementales. Il faut alors réaliser un ouvrage d’art – pont ou tunnel – pour rétablir la continuité de la voie interrompue. Se pose alors la question de la répartition des coûts d’entretien, de réfection et même de renouvellement quand l’ouvrage est devenu vétuste. À cela s’ajoute la responsabilité juridique et pénale.

Il existe en la matière un vide législatif et réglementaire. Puisque le droit – entre autres – a horreur du vide, la jurisprudence s’est efforcée de le combler, mais elle aboutit à créer des situations intenables pour nos collectivités. Tant que l’État et ses entreprises publiques comme la SNCF et Voies navigables de France étaient à peu près chargées de l’ensemble des réseaux et des voies, il n’y avait guère de problème. Le problème est né et s’est accru au rythme des lois successives de décentralisation, qui ont notamment transféré la gestion des routes nationales aux collectivités territoriales et, en particulier, aux conseils généraux. S’est ajoutée à ce mouvement l’évolution du statut des principaux opérateurs ferroviaires et fluviaux, dont le fonctionnement s’est rapproché de celui des sociétés privées.

Dès lors, les contentieux se sont développés et le juge administratif a considéré que l’ouvrage d’art rétablissant la continuité de la voie interrompue appartenait au propriétaire de la voie rétablie, c’est-à-dire à la commune dans le cas d’une voie communale ou au département s’il s’agit d’une voie départementale ou nationale transférée.

C’est ainsi que certaines collectivités se sont trouvé à devoir couvrir des charges d’entretien ou de renouvellement d’ouvrages sans commune mesure avec leur budget. C’est particulièrement vrai pour certaines communes rurales.

Au cours du débat en commission du développement durable, plusieurs députés ont cité des exemples dans leurs circonscriptions respectives. Les élus concernés découvrent souvent par hasard la charge qui leur incombe, à la réception d’une lettre comminatoire de Réseau ferré de France ou de Voies navigables de France les priant de procéder aux travaux qui s’imposent sur l’ouvrage ou les ouvrages d’art présents sur le territoire communal. J’ai moi-même été interpellé par le maire de Thiers le 12 février 2013, alors qu’il venait d’être saisi par Infrapôle, qui agissait pour le compte de RFF et lui demandait la réalisation de divers travaux sur les ouvrages d’art surplombant des voies ferrées, dont le montant, encore non défini, risquait d’être très élevé. On allait même jusqu’à dire qu’il revenait à la commune de financer l’étude de réalisation et l’inspection détaillée du site avant de couvrir la charge de l’investissement.

Dans son rapport, M. Carvalho a précisé que le coût d’un ouvrage de rétablissement de voie est estimé entre 600 000 et un million d’euros, et que le coût moyen de surveillance et d’entretien s’établit entre 2 000 et 4 000 euros par an. Cela conduit certaines collectivités à réduire l’utilisation de la voie, voire à l’interdire lorsqu’elle présente des risques pour la sécurité des utilisateurs.

Il faut noter qu’il existe une grande inégalité parmi les collectivités devant ce problème. Dans l’écrasante majorité des cas, aucune convention n’a été conclue entre l’opérateur et la collectivité. La jurisprudence s’applique donc dans toute sa brutalité. Ici ou là, des traités de concession ont pu être passés. Ailleurs, des conventions ont été établies, le plus souvent au bénéfice de l’opérateur qui est bardé de conseillers juridiques quand, en face de lui, la commune ne dispose évidemment pas de moyens équivalents. Nous savons, par exemple, que RFF propose souvent une soulte libératoire à 8 % du coût de l’ouvrage !

En clair, la collectivité se retrouve avec la charge exclusive d’un ouvrage qu’elle n’a jamais décidé de construire et qu’on lui a imposé. Notre proposition de loi crée donc un cadre juridique nouveau, clair, équilibré et durable. Ainsi, le texte adopté par la commission du développement durable établit la règle suivante : c’est au maître d’ouvrage, c’est-à-dire à celui qui a interrompu la voie par une infrastructure de transport qu’il a décidé de construire, qu’incombent la responsabilité et la charge de la structure de l’ouvrage de rétablissement ; au propriétaire de la voie rétablie reviennent la responsabilité et la charge de la chaussée et des trottoirs. En outre, le texte prévoit l’obligation pour les parties de signer une convention afin de régler les questions spécifiques posées par chaque cas particulier, sur la base des deux règles que je viens de rappeler.

S’agissant des ouvrages de rétablissement existants, la proposition de loi donne la possibilité à l’une ou à l’autre partie de dénoncer les conventions lorsqu’elles existent – seuls 20 % des ouvrages sont concernés – et d’en conclure de nouvelles sur les bases qui sont définies par la nouvelle loi. Pour un ouvrage ne bénéficiant d’aucune convention et en cas de litige, les parties auront trois ans pour signer un tel document.

Le Gouvernement a souhaité déposer des amendements à ce texte en séance publique, dont nous avons eu l’occasion de nous entretenir avec le secrétariat d’État aux transports. Ce qui inspire ces amendements que nous examinerons tout à l’heure, c’est le souci légitime de l’État que RFF et VNF ne se retrouvent pas demain contraints de procéder à la réfection de centaines d’ouvrages dans des délais courts, ce qui leur serait financièrement impossible.

Ce que je retiens avant tout, c’est la volonté du Gouvernement – j’ai rarement l’occasion de dire cela – de bien inscrire dans la loi le fait que le principe de référence est la prise en charge par le maître d’ouvrage de la nouvelle infrastructure de l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art. Pour une fois, je retiens donc quelque chose de positif !

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