Intervention de Florent Boudié

Séance en hémicycle du 22 mai 2014 à 15h00
Ouvrages d'art de rétablissement des voies — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié :

…et, dans bien des cas, des communes aux finances modestes.

Vous l’avez dit, monsieur le rapporteur : selon une jurisprudence du Conseil d’État vieille de plus d’un siècle, les ouvrages d’art, lorsqu’ils rétablissent des voies interrompues par la construction d’une nouvelle infrastructure de transport, sont incorporés à l’infrastructure dont ils relient les deux parties. En d’autres termes, il revient à la collectivité gestionnaire des voies supportées par l’ouvrage d’en assurer l’entretien, la surveillance et les éventuels travaux de rénovation ou de renouvellement. Or, il faut le reconnaître, les collectivités territoriales ignorent bien souvent cette obligation qui leur incombe et qui représente une charge importante, voire insupportable. Je prendrai pour exemple, comme je l’ai fait en commission, la commune de Libourne, qui compte 23 000 habitants et dont le budget d’investissement annuel s’élève à six millions d’euros environ. Elle est en conflit devant le juge administratif depuis le jour où RFF a envoyé un fax vers 23 heures – j’étais à l’époque directeur de cabinet de la mairie – pour faire interdire la circulation sur le pont routier surplombant la ligne à grande vitesse Bordeaux-Paris. Les experts de RFF estimaient le coût de l’opération de rénovation à trois millions d’euros – pour une capacité d’investissement de six millions. Ce conflit, qui dure donc depuis cinq ans, provoque de graves problèmes de sécurité publique.

Il faudra donc à l’avenir recenser tous les contentieux de ce type pour régler ces situations.

Le droit applicable est d’ailleurs différent dans le cas des ouvrages franchissant les autoroutes concédées, puisque l’État a considéré que la jurisprudence du Conseil d’État ne devait pas s’y appliquer : la maîtrise d’ouvrage est alors obligatoirement confiée aux concessionnaires eux-mêmes. Dans le cas des ouvrages franchissant des voies ferrées, le Conseil d’État avait lui-même confié aux collectivités territoriales le seul entretien de la chaussée. C’est précisément ce principe, plus favorable aux collectivités, qu’une circulaire de 1985 est venue remettre en cause, sauf dans le cas où une voie ferrée croise une route nationale. En d’autres termes, l’État a maintenu une règle ancienne en sa faveur et en a créé une nouvelle, moins favorable, pour les collectivités territoriales.

La proposition de loi entend donc clarifier et uniformiser le droit existant. Elle définit un principe général de répartition des charges – un principe très simple : pour les nouvelles infrastructures de transport, il incombera aux collectivités territoriales de prendre en charge l’entretien des chaussées et des voiries ; pour les gestionnaires d’infrastructure de transport, la charge portera sur l’étanchéité, la surveillance, l’entretien et la reconstruction éventuelle de la structure. C’est donc un principe équitable qui nous est proposé.

Le débat avec le M. le rapporteur et avec le Gouvernement a aussi porté sur les ouvrages d’art existants, pour lesquels la situation est naturellement différente. La proposition de loi envisage trois cas de figure. S’agissant tout d’abord des ouvrages d’art qui font déjà l’objet d’une convention de répartition des responsabilités entre le gestionnaire de l’infrastructure et le propriétaire de l’ouvrage d’art, il est proposé de maintenir ces conventions au motif qu’elles ont été librement consenties par les parties.

Le second cas de figure concerne les ouvrages d’art qui ne font l’objet d’aucune convention et dont la gestion s’effectue dans une grande insécurité juridique. Dans ce cas de figure, le Gouvernement a proposé un amendement que nous approuverons naturellement et qui permettra au ministre des transports de procéder à un recensement exhaustif des situations concernées avant le 1er juin 2018. Après évaluation par le ministère, elles pourront donner lieu à de futures conventions.

Le troisième cas de figure concerne les situations les plus conflictuelles, comme par exemple celui de la ville de Libourne, qui a connu plusieurs années de procédures. L’objectif est de solder le stock de contentieux existant entre les propriétaires d’ouvrages d’art et les gestionnaires d’infrastructures de transport. C’est d’ailleurs ce que propose le Gouvernement par un amendement auquel nous avons travaillé en commun afin que toute situation contentieuse, formée par une collectivité territoriale avant le 1er juin 2014, puisse déboucher sur une convention nouvelle, en mettant toutes les parties autour de la table. C’est là une solution très attendue par un grand nombre de collectivités.

Voilà donc, mes chers collègues, un texte certes court mais majeur, dont les conséquences financières favorables pour les collectivités sont importantes. Technique dans sa forme, ce texte est très attendu, notamment par les communes de taille modeste, comme l’a rappelé M. Chassaigne, car elles n’ont pas les capacités financières requises pour faire face aux dépenses induites. Enfin, c’est un texte dont nous espérons tous qu’il sera adopté avec la même unanimité à l’Assemblée nationale et au Sénat, lequel – je reprends là encore une remarque de M. Chassaigne – devrait se prononcer très rapidement, peut-être même avant le mois de septembre.

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