Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 20 mai 2014 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international :

Je n'ai pas d'informations en ce sens. Si c'était le cas, il faudrait désavouer la Commission. Quoi qu'il en soit, la négociation ne sera pas bouclée cette année, tant s'en faut. En bref, l'acceptation ou le refus de la proposition d'accord se fera sous bénéfice d'inventaire.

Pour le moment, les négociations israélo-palestiniennes sont bloquées. J'en ai parlé avec les Israéliens, les Palestiniens et les Américains ; ces derniers, toujours optimistes, considèrent que les discussions vont reprendre. Après la conclusion de l'accord de réconciliation entre le Hamas et le Fatah, j'ai rappelé que la France a toujours été favorable à l'unité palestinienne mais que tout nouveau gouvernement devra respecter les conditions connues : reconnaître l'existence de l'État d'Israël, refuser le recours à la violence et accepter l'ensemble des accords conclus.

L'échéance du 29 avril, date fixée par John Kerry pour la fin des négociations israélo-palestiniennes, est dépassée. À ce jour, aucun élément ne montre qu'elles vont reprendre, mais c'est pourtant ce que disent les Palestiniens et les Américains. Dans ce contexte, la France peut-elle prétendre favoriser une solution là où si nombreux sont ceux qui ont échoué ? Si nous pouvons être utiles, nous le serons, mais nous devons éviter de jouer le rôle de l'éléphant dans le magasin de porcelaine.

Une séance de négociation avec l'Iran a eu lieu la semaine dernière. Il était prévu que l'on commencerait à rédiger un accord ; cela n'a pas été possible. Je rappelle que la négociation se termine théoriquement fin juillet mais qu'elle peut être prolongée de six mois en tant que de besoin. Des progrès ont eu lieu à propos du réacteur d'Arak : si les Iraniens veulent trouver une solution, la technique le permet. En revanche, l'absence d'accord est patente pour ce qui concerne l'enrichissement, et les valeurs de référence des négociateurs sont considérablement éloignées : alors que le groupe « 5+1 » évoque quelques centaines de centrifugeuses, l'Iran compte en centaines de milliers ! Cette divergence a des conséquences sur la question du « break out » autrement dit le temps nécessaire pour que nous puissions réagir au cas où l'Iran, ayant signé l'accord, ne respecterait pas sa signature.

Pour le moment, le différend avec la Russie à propos de l'Ukraine n'a pas d'incidence au sein du groupe 5+1 sur la négociation avec l'Iran, les Russes ne tenant pas à ce que les Iraniens se dotent de l'arme nucléaire. La Chine est d'une grande prudence dans cette affaire. Elle est très sensible à l'argument que l'annexion de la Crimée par la Russie donne aux pays qui veulent disposer de l'arme nucléaire. Rappelez-vous : en 1994, l'Ukraine a renoncé au nucléaire en contrepartie du fait que sa sécurité territoriale serait garantie, notamment par la Russie ; vingt ans plus tard, non seulement la Russie ne garantit pas l'intégrité du sol ukrainien mais elle envahit la Crimée. Il en résulte que certains pays sont fondés à se dire qu'ils n'ont pas de meilleure garantie que l'arme atomique. Au cours des 25 dernières années, Afrique du Sud mise à part, les trois pays qui ont renoncé au nucléaire sont la Libye, l'Irak et l'Ukraine ; voilà qui peut donner à penser.

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