Intervention de Sophie Morin

Réunion du 21 mai 2014 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Sophie Morin, secrétaire générale adjointe de la CFDT Défense :

Nous tenons à mentionner ici l'absence quasi-totale de dialogue social au niveau des fédérations nationales sur le projet Balard : une seule réunion s'est tenue, au fin fond de l'îlot Saint-Germain. Les seules informations dont nous disposons sont celles que nous glanons sur l'intranet du ministère, grâce à nos équipes ou lors de réunions de comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) locales. Nous regrettons amèrement ce silence de la part de l'administration vis-à-vis des organisations syndicales.

Cette audition intervient alors que des rumeurs persistantes font état d'une nouvelle attaque contre le budget de la défense : deux milliards d'euros – coût du porte-avions qui manque cruellement à la France et à l'Europe – seraient encore pris à un budget qui a déjà fait l'objet d'arbitrages sévères dans le cadre d'une loi de programmation militaire (LPM) dont, de l'aveu même du ministre de la Défense, l'équilibre est fragile. La défense réduit et réduit encore ses ambitions : 80 000 postes auront été supprimés en moins de dix ans, mais sans réduire les missions. La CFDT s'insurge contre toute velléité qu'aurait l'État de se servir encore sur la bête, au risque de détruire définitivement le modèle français de défense.

Concernant le projet Balard, la CFDT a toujours dénoncé les partenariats public-privé, qui sont davantage sources de scandales et de dérives financières que d'économies pour la sphère publique. Le projet Balard ne dérogera malheureusement pas à cette règle puisque des mises en examen ont déjà été prononcées dans le cadre de l'attribution de ce marché qui, pour le moins, fait débat.

Pour la CFDT, ce projet s'inscrit dans une logique d'ensemble : depuis des années, on cherche à ne plus réaliser en régie nombre de missions de soutien, et à externaliser tout ce qui peut l'être en théorie. Malgré leur manque de moyens, les organisations syndicales du ministère de la Défense ont freiné l'application vorace d'une politique préconisée, à l'époque, par les auditeurs RGPP (révision générale des politiques publiques). Si le ministre de la Défense affirme, comme ses prédécesseurs, ne pas être dogmatique sur ces questions, il n'en demeure pas moins que l'externalisation d'activités se poursuit, souvent à petite échelle et sur décision de la hiérarchie intermédiaire.

Le projet Balard a été décidé par le précédent gouvernement et engagera la Nation pour trente années. C'est, pour la CFDT, un gâchis annoncé. De nombreux rapports de la Cour des comptes viendront, c'est à craindre, dénoncer des dérives, et dresseront un bilan qui sera à n'en pas douter négatif. Mais nous ne pourrons pas revenir en arrière puisque l'État s'est engagé, alors à quoi bon ?

Votre commission organise des auditions consacrées aux modalités du déménagement à Balard, dans un souci d'anticipation. Mais les problèmes posés sont déjà très nombreux, à commencer par le relogement des militaires : malheureusement, ceux qui ont décidé l'ont fait la calculette à la main mais sans se préoccuper des questions sociales – de logement, de transport ou de qualité de vie au travail.

Le regroupement des personnels franciliens du ministère a été décidé – dans une logique d'économie et de cohésion – avant d'être présenté aux organisations syndicales. Ainsi mises devant le fait accompli, celles-ci ne peuvent que déplorer un projet imaginé et lancé de façon théorique, avec une réalisation au fil de l'eau et un industriel qui profite de chaque ajustement, puisque tout changement par rapport à l'expression initiale de besoin est facturé au prix fort. Si la facture du regroupement explose, ce sont bien les personnels qui paient encore l'addition.

Les espaces de travail sont réduits et, ce qui est inquiétant, il n'y aura pas assez de place pour tous après la fermeture des sites programmée pour la fin de l'année 2015. L'esprit de cohésion qui nous a été vendu à l'origine n'existe pas ; au contraire, les services sont disséminés : la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) sera par exemple répartie entre trois bâtiments différents. Dès lors, les personnels d'un même service déjà en fonction à Balard ne communiquent plus et la répartition de la charge de travail n'est plus adaptée.

Le soutien des directions de sites qui ferment est restructuré, et les personnels sont intégrés au sein du service du commissariat des armées, ce qui entraîne des dysfonctionnements. Et que dire quand, alors que les syndicats au CHSCT de l'administration centrale posent la question du soutien technique de la sécurité incendie sur le site de Balard, la réponse démontre la défaillance du système ? C'est simple, l'armée de terre ne peut plus s'en occuper, le secrétariat général pour l'administration (SGA) ne sait pas et l'état-major des armées réfléchit ! Une réunion est prévue au cabinet du ministre pour arbitrer.

De même, la CFDT interpelle les autorités depuis le début du projet Balard sur le problème des horaires des personnels, et demande la mise en place d'un horaire variable qui permettra de faciliter les entrées et sorties et d'éviter les difficultés d'accès au transport et à la restauration. En effet, comment gérer les arrivées et départs des 10 000 personnels civils et militaires quand le réseau parisien des transports est déjà engorgé ?

Madame la présidente, l'arrivée de plus de 10 000 personnes à Balard risque bien d'être une bombe sociale. Les personnels de la défense sont déjà poly-restructurés et sont devenus nomades. De nombreux personnels en fonction à Balard avaient dû rejoindre Bagneux pour un précédent projet : ils devront désormais revenir à Balard… Dans tout le ministère, les services sont en sous-effectifs et en surcharge de travail ; ce qui s'annonce à Balard ne fera qu'accroître les risques psychosociaux déjà présents.

La réalité est loin, très loin de l'objectif annoncé de regrouper des services pour une meilleure cohésion. Les véritables intérêts doivent être ailleurs.

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