Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

…– et je ne tomberai pas dans l’outrance en rendant l’opposition responsable d’une situation qui n’est pas née le 6 mai 2012 – ou bien la justice emprisonne davantage.

Un examen de bonne foi montre à l’évidence que la justice française est sévère : la moyenne des peines fermes d’emprisonnement est passée d’environ huit mois à plus de onze mois entre 2007 et 2011 ; 30 % des peines prononcées, hors contentieux routier, sont de la prison ferme, contre 5,5 % par exemple chez notre voisin allemand.

Cette politique a eu un effet : celui d’établir un record de surpopulation carcérale. Malgré un programme intensif de construction de prisons qui a englouti le gros des crédits nouveaux et à venir de la justice, la vétusté de notre système pénitentiaire et sa surpopulation valent à la France des condamnations répétées de la Cour européenne des droits de l’homme pour traitements dégradants.

Les dispositifs d’alternatives à la prison, la réinsertion, le suivi des détenus, la prise en charge psychiatrique, ont été systématiquement négligés, comme le rappelait notre rapporteur dans son rapport sur la surpopulation carcérale et comme le notait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans son rapport d’activité 2013. La politique de prévention a connu à peu près le même sort.

Et les victimes, me direz-vous ? Elles ont été instrumentalisées, mais ont-elles été aidées, accompagnées ? Comme l’a rappelé Mme la garde des sceaux, le budget qui leur était consacré a constamment diminué, d’environ 10 %, entre 2010 et 2012, si bien que les associations d’aides aux victimes ont dû réduire leurs permanences.

Toutes les décisions de la dernière mandature ont, non pas créé certes, mais participé à l’aggravation du phénomène de surpopulation carcérale. La loi de 2007 sur la récidive a instauré les peines plancher. La loi sur la rétention de sûreté de 2008 a limité les réductions de peines mais a créé une « peine après la peine », au mépris du principe fondamental selon lequel un individu ne peut être puni deux fois pour les mêmes faits. Le Conseil constitutionnel en avait heureusement limité fortement la rétroactivité, précaution que la loi de 2009 sur la récidive criminelle a pu contourner. La loi pénitentiaire de 2009, qui a restreint l’exercice des droits fondamentaux des personnes détenues en donnant un pouvoir d’appréciation supplémentaire à l’administration pénitentiaire, est allée dans le même sens. La seconde loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, dite LOPPSI 2, nie le principe d’individualisation des peines en appliquant désormais les peines plancher aux primo-délinquants et non plus aux seuls récidivistes.

Cette situation de surpopulation carcérale rend difficile l’accueil des prévenus, le suivi des condamnés, le travail de l’administration pénitentiaire et constitue un facteur important, sans être le seul, d’augmentation de la réitération et de la récidive. Lors de la visite que nous avons effectuée hier avec Cécile Duflot, les personnels de la maison d’arrêt de Villepinte ont employé ces mêmes mots. Mise en service en 1993, prévue à l’origine pour 588 places, Villepinte accueille aujourd’hui près de 1 000 détenus. Le Contrôleur général des lieux de privation de la liberté y avait noté l’extrême violence des relations entre les détenus et entre ceux-ci et l’administration pénitentiaire. Bien sûr, comme dans d’autres prisons, certains prévenus dorment à même le sol et la douche n’est possible qu’une fois tous les deux jours. Il n’y a pas quoi être fier de cette situation. Certes, vous ne l’avez pas créée, mais vous n’avez rien fait pour y remédier. Vous l’avez même aggravée.

Aujourd’hui, les sorties sèches, qui avaient été dénoncées avec vigueur par l’ancien président de la commission des lois M. Warsmann, sont la règle pour plus de 95 % des personnes condamnées à des courtes peines. Un tiers des détenus passe moins de trois mois en détention. Dès lors, quel est le sens de la peine, alors qu’il est impossible d’engager la moindre démarche de réinsertion ou de soins sur d’aussi courtes périodes ?

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