Intervention de Guénhaël Huet

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuénhaël Huet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la première finalité du droit pénal est de protéger la société et non d’exonérer de leurs responsabilités les auteurs d’actes délictueux ou criminels. Cette affirmation n’exclut certes pas qu’il soit opportun et utile d’assurer le suivi et la réinsertion des condamnés mais il importe, sur un sujet aussi sensible, de bien hiérarchiser les objectifs, ce qui n’est malheureusement pas le cas de ce projet de loi.

Votre réforme, madame la ministre, est inopportune et dangereuse.

C’est une réforme inopportune car elle est fondée sur de mauvais constats. Selon vous, la politique judiciaire de la France reposerait sur le tout carcéral. Les statistiques du Conseil de l’Europe, plusieurs orateurs l’ont rappelé, montrent précisément le contraire avec, pour la France, un taux d’incarcération inférieur à la moyenne des pays voisins.

Certes, les prisons sont surchargées, mais chacun sait que cette situation est due à un manque de places et que ce n’est pas en diminuant le nombre de personnes incarcérées que le problème sera résolu. Que dirait-on d’une réforme hospitalière qui, au lieu de soigner les malades, viserait à les faire sortir des établissements de santé ?

C’est une réforme inopportune également car elle se fonde sur un sophisme qui affirme que la prison crée la récidive alors que bon nombre de criminologues, et vous le savez, pensent et disent exactement l’inverse.

C’est une réforme inopportune encore car elle se limite en fait à prendre le contre-pied de ce qui a été fait ces dernières années pour lutter contre la récidive avec, notamment, l’instauration des peines planchers qui, dans de nombreux cas, ont fait la démonstration de leur utilité.

C’est une réforme inopportune, car elle prétend restaurer le principe de l’individualisation de la peine introduit depuis très longtemps dans notre droit pénal, et qui n’a jamais été remis en cause par les législations les plus récentes.

C’est une réforme dangereuse car elle adresse un très mauvais signal aux délinquants, notamment récidivistes, qui ne vont pas manquer de sentir souffler le vent de l’impunité puisqu’ils vont bien comprendre que l’emprisonnement va devenir l’exception.

C’est une réforme dangereuse car elle n’est pas accompagnée des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre. Vous êtes dans le déni de réalité car il sera difficile, et vous le savez, d’assurer le suivi des condamnés à une contrainte pénale, surtout depuis l’extension de son champ d’application, faute de moyens humains et matériels. En fait, si vous aviez été un tant soit peu logique, vous auriez dû d’abord faire la réforme de la probation et ensuite seulement la réforme pénale.

C’est une réforme dangereuse car elle révèle une conception néfaste de la règle de droit, qui n’intervient plus maintenant que pour légitimer une situation de fait alors que la vraie finalité de la norme juridique, notamment en matière pénale, est d’anticiper et de prévenir des comportements contraires à l’ordre public. Avec ce projet de loi, c’est une nouvelle fuite en avant qui nous est proposée.

C’est une réforme dangereuse car elle va encore creuser le fossé entre la loi et une opinion publique excédée dans sa vie quotidienne par des actes délictueux qui ne sont souvent assortis d’aucune sanction réelle.

En réalité, madame la ministre, les seuls oubliés de votre projet de loi sont une fois de plus les victimes.

La première mission de l’État est d’assurer la sécurité de tous, et notamment des plus faibles et donc des plus exposés et des plus vulnérables. En assurant cette sécurité, l’État garantit la liberté individuelle, et il est important de rappeler qu’une société démocratique repose sur cet équilibre entre la sécurité et la liberté.

Fondé sur une idéologie laxiste dont votre gouvernement et la majorité sont coutumiers, ce texte va à l’encontre de la recherche de cet équilibre entre la sécurité et la liberté. C’est pour cette raison fondamentale que cette réforme est insuffisante et dangereuse. C’est pour cette raison que cette réforme, aussi éloignée des réalités que contraire à l’intérêt général, doit être rejetée.

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