Intervention de David Douillet

Séance en hémicycle du 3 juin 2014 à 21h30
Prévention de la récidive et individualisation des peines — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavid Douillet :

La réalité de ces prisons saturées est la même pour les personnels qui y travaillent au quotidien, dont vous semblez faire bien peu de cas. Dès les premières minutes de l’incarcération inhumaine, c’est le chemin de la récidive qui commence.

Votre projet de loi ne répondra que de manière très marginale à l’engorgement de nos prisons, dans la mesure où les 8 000 à 20 000 personnes qui seraient demain concernées par la contrainte pénale bénéficient déjà aujourd’hui de la possibilité d’être condamnées à un sursis avec mise à l’épreuve.

Je souhaiterais maintenant évoquer la tragédie du musée juif de Bruxelles, qui n’est pas sans rappeler l’affaire Merah, et qui nous impose aujourd’hui une double responsabilité.

Nous devons d’abord combler un vide juridique qui empêche la justice d’engager des poursuites contre les Français qui se rendent sur un terrain de conflit pour participer au djihad et reviennent ensuite sur le territoire national avec des intentions meurtrières. Le ministre de l’intérieur s’est engagé plus tôt dans la journée à présenter rapidement un projet de loi en ce sens, ce qui ne doit pas nous dispenser d’un examen attentif de l’amendement de Gérald Darmanin visant à pénaliser les voyages dans le but de se former ou de participer à une guerre dénoncée par l’État français.

Nous devons ensuite nous donner les moyens pour lutter efficacement contre le radicalisme religieux dans nos prisons françaises, qui sont devenues un lieu de recrutement privilégié, pour les islamistes radicaux notamment.

Délinquant multirécidiviste, Mehdi Nemmouche a été condamné à sept reprises et incarcéré cinq fois. D’après les autorités, c’est lors de sa dernière période de détention, dans le sud de la France, entre 2007 et 2012, que le suspect s’est radicalisé.

La radicalisation tient, pour certains, à un manque d’encadrement religieux spécifique. Les jeunes qui arrivent en prison sont très rapidement la proie d’imams radicaux autoproclamés en l’absence d’encadrement spécifique. Les jeunes détenus, en détresse psychologique, sont évidemment perméables aux discours radicaux. Les meneurs, qui promettent avec un cynisme absolu de nouvelles perspectives et un avenir plus reluisant à ces jeunes en perdition, n’ont pas de mal à les pousser sur la pente dangereuse de la radicalisation.

Nemmouche n’est pas le premier à faire les frais de leurs prêches sauvages. Ainsi, Merah, auteur des tueries de Toulouse et de Montauban en mars 2012, incarcéré pour un délit de droit commun, avait lui aussi basculé dans l’islam radical. Selon les chiffres avancés par l’administration pénitentiaire, 400 personnes se seraient ainsi radicalisées au cours de leur incarcération, une quarantaine d’entre elles étant jugées très dangereuses.

Nos moyens sont aujourd’hui très limités. Seuls une dizaine d’agents spécialisés travaillent actuellement sur le phénomène de la radicalisation pour l’ensemble des prisons françaises. Si l’incarcération ne peut être la seule raison, elle n’en reste pas moins un vecteur aggravant dans les conditions actuelles de détention. Le projet de loi qui sera présenté par le ministre de l’intérieur devra nécessairement, que vous le vouliez ou non, se saisir de la question.

Dernier point, s’il y a des prisonniers, il y a aussi quasi systématiquement des victimes. J’aimerais que, pendant tous ces débats, nous pensions aussi à elles.

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