Intervention de George Pau-Langevin

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2013 — Enseignement scolaire

George Pau-Langevin, ministre déléguée chargée de la réussite éducative :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je tiens à saluer la qualité des travaux que nous menons depuis ce matin et la qualité des rapports sur les questions qui nous occupent, et à souligner l'orientation choisie par Michel Ménard qui a centré son rapport sur la question du handicap que nous avons tous à coeur.

Le budget de l'enseignement scolaire entérine un fait politique : la priorité donnée à l'éducation par le Président de la République, qui se traduit dans les orientations présentées par mon collègue Vincent Peillon et par la nette hausse des moyens dans un contexte de crise et de maîtrise des dépenses publiques.

Ce budget doit se lire à l'aune des objectifs qui justifient et déterminent notre mission : permettre la réussite de tous en luttant contre le décrochage et en réduisant les inégalités scolaires. Il est significatif également que dans les indicateurs fournis pour apprécier l'action des services figure très souvent la question de réduire les inégalités dans l'école.

Nous avons besoin, dans cette République, de citoyens éclairés qui portent les valeurs que nous partageons tous, à la fois héritage d'une histoire et promesse de vivre ensemble, et qui s'y reconnaissent. C'est l'école qui fait des individus des citoyens. C'est l'école qui offre à chacun les outils de sa propre émancipation, qui forge l'esprit critique. C'est l'école qui permet à chacun de dépasser son identité propre et de se reconnaître dans un destin commun. Chaque fois qu'un enfant échoue à l'école, c'est un peu de tout notre vivre ensemble qui est menacé. C'est un peu la République qui est fragilisée.

L'école doit aussi former les futurs travailleurs. En ce sens, elle est tout à fait en phase avec la vie économique du pays. C'est pourquoi je crois que dans nos discussions, et je sais que cela ne plaît pas toujours aux enseignants d'entendre cela, nous ne pouvons pas nous abstraire du contexte que nous connaissons aujourd'hui. Le débat que nous avons eu sur la compétitivité le montre : nous avons besoin de faire en sorte que les jeunes réussissent à l'école aujourd'hui, pour que notre pays soit compétitif demain. C'est un investissement de long terme, qui sera rentable.

Nous avons aussi besoin que notre système éducatif permette la réussite de tous. Les choix de la droite depuis 2002 – et notamment la politique du chiffre, le zèle dans la suppression des postes d'enseignants ou des RASED – ont contribué au renforcement des inégalités scolaires. Cela a été largement rappelé : 140 000 jeunes sortent chaque année du système sans qualification ni solution.

Il est vrai que, depuis 2005, ont été mis en place un certain nombre de dispositifs de réussite éducative qui suscitent sur le terrain un investissement considérable des élus locaux. La question qui se pose à nous aujourd'hui est de savoir comment coordonner toutes ces initiatives, et surtout de connaître leurs effets en termes de réussite scolaire. Ainsi que l'a annoncé le Président de la République, un référent dans chaque école sera chargé de la prévention du décrochage, du signalement des élèves concernés et de la relation avec les parents. Ce sera sans doute plus efficace que de se heurter à eux et de leur supprimer les allocations familiales, ce qui était totalement inefficace.

Ainsi que vous l'avez tous dit, l'école ne réduit pas les inégalités sociales : elle les maintient, voire les accentue. Des moyens ont pourtant été affectés à l'éducation prioritaire, mais les résultats montrent malheureusement que les ZUS et les territoires périurbains et ruraux sont loin de ce qu'il faudrait. Là encore, un travail doit être engagé pour déterminer comment refonder l'éducation prioritaire et quels dispositifs mettre sur pieds pour atteindre véritablement les résultats que nous souhaitons en matière d'égalité.

Nous avons aussi à réfléchir sur un certain nombre de publics qui ont des difficultés spécifiques. Je pense évidemment aux primoarrivants et aux élèves porteurs de handicap, mais aussi aux enfants des communautés de gens du voyage et de Roms, dont chacun sait que les conditions d'éducation aujourd'hui ne sont pas satisfaisantes.

Dans le programme « Vie de l'élève », certains éléments concernent plus particulièrement la réussite éducative. Il en est ainsi d'abord, évidemment, pour les élèves handicapés. Il a beaucoup été question du travail que nous avons à faire ensemble sur ce sujet. La politique d'inclusion des élèves porteurs de handicap doit se poursuivre. En revanche, si les crédits de ce programme sont en hausse, nous n'avons pas totalement réglé la question de la qualité des personnes qui accompagnent les enfants. C'est la raison pour laquelle Marie-Arlette Carlotti et moi avons lancé un groupe de travail sur la professionnalisation des AVS-i et missionné des inspecteurs de l'IGAS pour faire le bilan de la situation des enfants handicapés. Et c'est aussi la raison pour laquelle je souhaite donner une ampleur particulière lors du 3 décembre, journée des personnes handicapées, à la question de la scolarisation des enfants porteurs de handicap.

S'agissant de la santé scolaire, l'école a une grande responsabilité. Il est extrêmement important d'assurer le suivi de la santé des élèves, notamment de dépister et diagnostiquer des troubles susceptibles d'entraver les apprentissages, d'accueillir les élèves atteints de maladie chronique, et de faciliter leur accès aux soins en général. Malheureusement, nous savons que ce que nous faisons n'est pas totalement satisfaisant. Nous manquons de personnel qualifié et, surtout, nous devons régler la question de l'attractivité de ces professions puisqu'aujourd'hui, nous n'avons pas le vivier nécessaire pour recruter. Nous serons très attentifs aux préconisations qu'a faites Martine Pinville sur ces sujets.

S'agissant de l'action sociale, ce qui a été fait n'est pas totalement satisfaisant. Il est quand même extraordinaire, dans une crise aussi grave que celle que nous avons connue, que les budgets destinés aux fonds sociaux aient été gelés par le précédent gouvernement. C'est tout à fait inacceptable. Nous avons prévu pour l'année prochaine une hausse des crédits pour les bourses et pour les fonds sociaux. Il est particulièrement important d'être en mesure d'apporter des aides aux familles en grande difficulté, tant pour les cantines que dans les fonds sociaux collégiens et lycéens. Nous savons qu'aujourd'hui, beaucoup de collégiens ne peuvent accéder à certains soins de dentition ou de vue, ce qui pèse indiscutablement sur la qualité de leur scolarisation.

Cette question des jeunes qui vivent dans des familles en grande précarité est un souci pour ce gouvernement. Le Premier ministre a engagé le travail sur la question. Ma collègue Dominique Bertinotti et moi avons lancé un groupe de travail sur la situation des familles vulnérables et son incidence sur la réussite éducative, présidé par Pierre-Yves Madignier, président d'ATD Quart monde, et Dominique Versini, et nous pourrons approfondir la question lors de la conférence des 10 et 11 décembre.

Vous le voyez, ce budget est à la fois ambitieux et transitoire. Il est ambitieux car il offre une réponse immédiate à des problèmes très concrets, ceux que nous rencontrons sur le terrain, tant sur les questions du handicap que de la santé ou de l'action sociale. Mais il ne s'agit que d'une étape puisque beaucoup de questions ne sont pas encore tranchées, celles qui font l'objet de la grande concertation et se retrouveront dans la grande loi de refondation de l'école.

Par conséquent, c'est sans doute après la discussion de cette loi que nous pourrons changer un certain nombre de choses pour les élèves les plus en difficulté. Il faudra aller plus loin en matière de handicap, ainsi que dans la refonte de l'éducation prioritaire, qui manifestement n'est pas satisfaisante. Nous pourrons aussi aller plus loin dans les dispositifs de réussite éducative, qui contiennent de bonnes choses mais qui manquent d'un pilotage national et d'une bonne évaluation. Enfin, véritablement, nous avons besoin d'améliorer la concertation et le travail en partenariat. L'éducation nationale a une responsabilité éminente dans la réussite de nos enfants, mais elle a besoin d'agréger autour d'elle un certain nombre de partenaires – les familles, les collectivités territoriales, les grandes associations d'éducation populaire.

La réussite de nos enfants est le travail de tous. Nous sommes tous prêts à nous y atteler parce qu'en faisant réussir les enfants, et notamment ceux qui sont en difficulté aujourd'hui, nous préparons l'avenir de notre pays. Par conséquent, c'est un sujet qui nous concerne tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et RRDP.)

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