Intervention de Jean-Pierre Philibert

Réunion du 3 juin 2014 à 9h00
Délégation aux outre-mer

Jean-Pierre Philibert, président de la Fédération des entreprises d'outre-mer :

Je suis heureux que nous poursuivions ainsi nos échanges, avec la même liberté de parole. Nous avons obtenu ensemble des résultats concrets, notamment le maintien de la défiscalisation outre-mer. Nous devons beaucoup à la Délégation, qui a mené des travaux de qualité et a fait preuve d'une grande détermination sur cette question.

M. Mouchard, qui a notamment été le coordonnateur de l'Agence française de développement pour l'océan Indien, La Réunion et Mayotte, succède aujourd'hui à Mme Iasnogorodski au poste de délégué général de la FEDOM. Mme Iasnogorodski va diriger notre think tank aux côtés de mon prédécesseur, M. Guy Dupont. Cette structure nous aide à réfléchir aux meilleurs moyens de faire fonctionner les économies ultramarines et à mieux anticiper les réformes concernant les Outre-mer, souvent discutées dans l'urgence. Nous restons trop souvent sur la défensive, notamment vis-à-vis des médias métropolitains, qui continuent à ignorer les réalités et à véhiculer, chaque semaine, des poncifs sur les Outre-mer.

Le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé des mesures nouvelles pour les Outre-mer dans le cadre d'une déclinaison du pacte de responsabilité et de solidarité – ce dernier terme a son importance. La ministre des Outre-mer les a confirmées.

Cependant, trois mesures existantes, pourtant indispensables aux économies ultramarines, apparaissent menacées. Il s'agit, d'abord, des abattements appliqués à l'impôt sur les sociétés, à la taxe foncière, à la cotisation foncière des entreprises et à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, tels qu'ils résultent de la loi pour le développement économique des Outre-mer de 2009. Ces abattements étant soumis à dégressivité à compter de 2014, leur taux est appelé à diminuer au cours des quatre prochaines années, jusqu'en 2017. Qui plus est, l'abattement appliqué à l'impôt sur les sociétés est assorti de conditions : l'entreprise doit utiliser une partie du bénéfice exonéré pour réaliser des dépenses de formation professionnelle et verser une contribution au Fonds d'expérimentation pour la jeunesse. Nous souhaitons que ce dispositif, qui a fait ses preuves, soit prorogé au-delà de 2017.

La deuxième mesure menacée est le dispositif dit de la « TVA non perçue récupérable », objet, en ce moment même, d'une enquête du ministère des Finances. Son principal défaut tient à son nom, qui le rend difficilement justifiable aux yeux de ses détracteurs. Il constitue pourtant une aide précieuse à l'investissement, le dispositif ayant été recentré sur les investissements neufs. À notre demande, Bercy a confié à un cabinet privé le soin de réaliser une étude auprès des entreprises disposées à ouvrir leurs livres de comptes. Nous avons mobilisé notre réseau, et cette enquête se déroule dans de bonnes conditions. Nous sollicitons l'attention de la Délégation sur cette question. Vous pourriez notamment demander que l'on vous adresse, en temps et en heure, les conclusions de l'étude.

Troisième disposition susceptible d'être remise en cause : l'aide au fret. Une mission a été confiée à M. le préfet Lacroix sur ce sujet. Il s'agit d'une allocation européenne, à laquelle s'ajoute une aide nationale, qui représente la moitié de son montant. L'allocation européenne est gérée par les régions, alors que l'aide nationale est administrée par l'État. À la Martinique, le dispositif est géré en totalité par l'État. Le Gouvernement souhaite que cette aide, qui s'applique aux échanges entre les Outre-mer et le continent européen, soit recentrée sur le fret régional – par exemple entre les îles de la Caraïbe ou entre La Réunion et Mayotte. Nous y sommes favorables : cela contribuerait au développement des marchés régionaux. Cependant, les conseils régionaux sont très inquiets : ils risquent de récupérer la compétence d'administrer l'aide au fret, sans bénéficier des moyens correspondants. Votre collègue, M Serge Letchimy, a déjà posé plusieurs questions à ce sujet.

En outre, les formalités à accomplir pour obtenir cette aide découragent les entreprises. D'où la chute des crédits inscrits en loi de finances au titre de l'aide au fret : ils sont passés d'environ 25 millions d'euros, il y a quelques années, à 6 millions en 2014. Les enquêtes sont encore en cours, et aucune décision n'a été prise à ce stade. Nous sollicitons l'attention de la Délégation sur ce point également. Vous pourriez demander au ministère des Finances de vous faire part de l'état de ses réflexions.

Il convient certainement de réaliser des économies, mais la réforme de ces trois dispositifs ne nous paraît pas une bonne piste pour ce faire. Quoi qu'il en soit, l'amélioration de la compétitivité des entreprises ultramarines passe nécessairement par une diminution du coût du travail. Or, il n'est ni possible ni souhaitable de nous engager dans une course aux bas salaires avec les pays voisins. Cela n'a d'ailleurs jamais été la position de la FEDOM. Il convient donc de diminuer les charges. Mme Iasnogorodski va vous présenter les mesures que nous proposons à cet effet.

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