Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur pour avis :

de la commission des affaires sociales pour le financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage. Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a choisi de consacrer un avis budgétaire au compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » créé en 2011 afin de globaliser les fonds destinés à l'apprentissage. J'ai l'honneur d'en être rapporteur.

La création de cet avis me semble utile à double titre. Tout d'abord je pense que nous devons poursuivre les efforts de revalorisation de l'apprentissage, qui est une voie de réussite et d'excellence. Je pense ensuite que nous devons faire le point sur le financement de l'apprentissage afin d'en préparer une réforme, nécessaire à mes yeux. En effet, le financement de l'apprentissage apparaît aujourd'hui trop éclaté, de multiples dispositifs de nature très différente y concourant.

Il s'agit, en premier lieu, de la taxe d'apprentissage, dont le montant collecté en 2011 s'élevait à 1,9 milliard d'euros. Le produit de cette taxe est divisé en deux fractions inégales. Le quota représente 53 % de la collecte en 2012, alimente le compte d'affectation spéciale et finance les centres de formation d'apprentis. Il faut rappeler que le quota sera porté à 55 % en 2013, 57 % en 2014 et 59 % en 2015. Le « hors quota » ou barème représente 47 % du produit de la taxe en 2012. Il est réservé aux premières formations technologiques et professionnelles. À la taxe d'apprentissage sont assimilées deux autres contributions qui participent au financement de ce cursus, la contribution au développement de l'apprentissage – 722 millions d'euros en 2011 – et la contribution supplémentaire à l'apprentissage – 235 millions prévus en 2013 – créée par la loi de finances de 2011 et portant de 3 à 4 % le quota d'alternants dans les entreprises de plus de 250 salariés.

En plus de ces taxes, pour inciter les employeurs à recruter des apprentis, divers avantages fiscaux et sociaux ont été institués, telle l'exonération de cotisations sociales sur les salaires des apprentis, totale pour les entreprises artisanales comptant moins de onze salariés, partielle pour les autres. Cela représente 1,3 milliard d'euros en 2012. L'indemnité compensatrice forfaitaire versée par les régions représente 800 millions d'euros en 2012 et le crédit d'impôt pour les employeurs d'apprentis 470 millions d'euros. L'exonération d'impôt sur le revenu de l'apprenti représente elle 285 millions d'euros. À ces avantages pérennes se sont ajoutées trois mesures temporaires de soutien financier : le dispositif « zéro charges » – 29 millions d'euros versés pour 2009-2010 –, la prime à l'embauche d'un apprenti – 196 millions d'euros pour la même période – et la prime à l'embauche d'un alternant supplémentaire – 40 millions d'euros pour 2011-2012.

Cette brève présentation des montants et des dispositifs en jeu montre, mes chers collègues, la complexité du financement de l'apprentissage. Trois pistes de réforme ont été évoquées lors des auditions que j'ai menées pour réaliser cet avis budgétaire.

Tout d'abord, il semble nécessaire de réduire le nombre d'organismes collecteurs de la taxe d'apprentissage ou OCTA. On dénombre aujourd'hui 144 OCTA, répartis en 63 établissements consulaires, 55 OCTA nationaux et 26 OCTA régionaux. Leur nombre a déjà été fortement réduit – comme le rappelait M. le ministre lors de son audition, il en existait 563 en 2003 – mais il semble néanmoins trop élevé pour permettre une gestion optimale des financements. Il provoque une forte concurrence entre les structures. À titre de comparaison, depuis la loi de 2009, il existe 20 OPCA pour la formation professionnelle.

On constate en outre d'importants écarts de collecte entre les OCTA. Trois organismes concentrent 30 % des montants et les dix plus importants réunissent 51 % de la taxe alors que plus de cent OCTA gèrent moins de 10 millions d'euros, dont 56 moins de 2 millions. Les frais de gestion varient également fortement selon les organismes. Le coût moyen d'un dossier serait compris entre quelques dizaines d'euros et plus de 2 500 euros. Pour l'ensemble des OCTA, les frais de gestion atteignent 30,3 millions d'euros.

Deux pistes de réforme des OCTA sont envisageables. La première consisterait à revoir les conditions d'agrément et à relever le seuil minimum obligatoire de collecte, à l'instar de ce qui a été accompli pour les OPCA. Ce seuil est actuellement fixé à deux millions d'euros pour les OCTA à caractère national et à un million d'euros pour les OCTA à caractère régional. À titre de comparaison, il est de cent millions d'euros pour les OPCA.

Une deuxième réforme possible consisterait à rapprocher OPCA et OCTA, ce qui impliquerait une gestion paritaire de l'apprentissage mais opérerait une véritable rationalisation du circuit de collecte. La branche de l'hôtellerie restauration a déjà mis en oeuvre un tel dispositif. Cette solution semble intéressante car elle permettrait de constituer une politique globale de formation professionnelle et d'apprentissage.

Lors de votre audition par la commission, monsieur le ministre Thierry Repentin, vous vous êtes montré favorable à une réduction du nombre des OCTA et je m'en réjouis. Au-delà, il me semble indispensable d'accroître la transparence sur l'affectation des fonds de l'apprentissage. Une meilleure information entre les financeurs et les bénéficiaires apparaît pour le moins nécessaire afin d'instituer les relations de partenariat les plus efficaces possibles. Une réflexion sur la répartition des fonds devrait également être menée.

Enfin, pour ce qui concerne le financement de l'apprentissage, le bonus accordé aux entreprises de 250 salariés et plus dont le nombre de jeunes alternants dépasse le seuil de 4 % des effectifs a fait l'objet de nombreuses critiques lors des auditions que j'ai menées. Son montant serait trop faible pour être réellement incitatif et son obtention auprès de pôle emploi s'avérerait difficile en pratique.

Face à cette situation, je pense que le dispositif pourrait être aménagé. Son assiette pourrait tout d'abord être élargie. Les salariés embauchés suite à un contrat d'alternance dans l'entreprise pourraient se voir comptabilisés dans la part des effectifs ouvrant droit au bonus pendant une durée à définir. De nombreuses personnes auditionnées ont, de manière plus générale, insisté sur la nécessité de revoir les modalités de calcul du quota d'alternants.

L'engagement fort pris par l'ancien Gouvernement en faveur de l'apprentissage s'est traduit par une hausse du nombre d'entrées dans cette formation en 2011. Les premiers effets positifs de la loi du 28 juillet 2011 se font sentir comme le montrent les éléments de bilan développés dans mon avis budgétaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion