Intervention de Kheira Bouziane-Laroussi

Séance en hémicycle du 8 novembre 2012 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2013 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaKheira Bouziane-Laroussi :

Madame la présidente, messieurs les ministres, chers collègues, un budget est toujours la traduction et l'expression d'une volonté politique, de choix et de moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs que la puissance publique se fixe.

Ce budget, à l'instar de celui de l'enseignement, traduit la volonté affirmée du président François Hollande de faire de la jeunesse et de l'éducation ses priorités.

La mission budgétaire « Travail et emploi » affiche les objectifs fermes du Gouvernement, qui entend renforcer les crédits pour réduire le chômage.

Elle traduit en outre un effort en direction de la jeunesse avec le financement des emplois d'avenir ainsi que le maintien du financement de l'apprentissage. Le budget de la mission comprend en effet les crédits alloués à cette formation initiale sous contrat de travail, qui permet aux jeunes de 16 à 25 ans d'acquérir une qualification professionnelle validée par un diplôme ou un titre homologué en vue de leur insertion directe dans l'emploi. Plus de 1,4 million de jeunes sont aujourd'hui engagés dans cette voie. Son financement est largement abondé par la participation des entreprises, calculé sur la masse salariale et fonction de l'âge de l'apprenti et de la formation suivie.

Ce mode de financement, s'il reste très éclaté, avec une logique sectorielle et verticale, obère son utilisation. Pour améliorer l'efficacité dans l'utilisation des moyens alloués, il serait opportun qu'une réflexion sur une réforme globale du financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle en général soit envisagée.

Valoriser l'enseignement professionnel, l'apprentissage, l'alternance, c'est contribuer de manière déterminante à la richesse de notre pays, au développement des entreprises et au redressement productif. L'enseignement professionnel sera valorisé s'il est en mesure de proposer des parcours de réussite différenciés, variés et personnalisés. Aussi l'entreprise, les centres de formation d'apprentis, l'AFPA, les maisons familiales et rurales, le monde associatif, l'éducation nationale et l'ensemble des acteurs doivent-ils former le socle solide et indispensable de l'encadrement et de l'accompagnement des jeunes. Pour ce faire, nous devons engager une profonde réflexion sur l'ensemble des dispositifs de la formation professionnelle, qu'elle soit initiale ou continue, assurée par l'éducation nationale ou par d'autres structures.

Pour éviter les doublons, une mutualisation, un rapprochement, une complémentarité doivent être recherchés entre la formation professionnelle, l'enseignement professionnel de l'éducation nationale et la formation professionnelle consulaire ou associative.

Au-delà des partenariats entre les acteurs de l'emploi et de l'économie, il faudra réussir le rapprochement de l'école et de l'entreprise. Toutes les voies de la formation professionnelle doivent être développées. L'apprentissage, qui certes doit progresser, ne doit pas se faire au détriment des autres types de formations dispensées par l'enseignement professionnel, technologique ou agricole. Chaque jeune doit trouver sa voie en fonction de ses aspirations et de ses capacités. L'offre doit donc être diversifiée pour répondre aux besoins de tous les parcours et à tous les âges.

Les acteurs de l'apprentissage sont nombreux et divers : CFA, CFA interprofessionnel, CFA agricole, CFA de l'éducation nationale, CFAI, entreprises, maisons familiales et rurales, lycées des métiers. Leurs actions doivent se compléter et non se concurrencer, leurs moyens de fonctionnement doivent être assurés et pérennisés. Un rapprochement des ministères de l'éducation nationale, de l'emploi et de l'agriculture sur le sujet de la formation professionnelle au sens large me paraît souhaitable et judicieux pour qu'elle soit optimisée.

Le service public de l'orientation promis et attendu aura toute sa place auprès des acteurs intermédiaires : organismes consulaires, missions locales, associations d'insertion, etc. Tous ces acteurs constituent de puissants relais des actions de promotion et d'information, et sont aussi des acteurs importants de l'accompagnement des jeunes et de leur réussite.

Parmi les acteurs participant au développement de l'apprentissage, nous devons souligner plus particulièrement le travail remarquable des régions dont l'action est au plus près de la réalité économique de leur territoire. Elles prennent toutes les initiatives pour développer cette filière de formation et y consacrent près de 30 % de leur budget.

Au travers de nombreuses expériences, les régions ont réussi à accroître l'attractivité de cette voie de formation pour les jeunes en s'attachant à des efforts qualitatifs de revalorisation de l'apprentissage, que ce soit par les méthodes d'enseignement ou par les conditions matérielles tels que l'hébergement, le transport, etc. Réduire les décrochages et les ruptures en cours de formation a toujours été un de leurs objectifs.

Dans le contexte d'un retour à l'équilibre des finances publiques, il faut se féliciter que l'ensemble des moyens consacrés à l'apprentissage pour les régions aient été préservés. Cependant, il nous faut mieux appréhender les besoins spécifiques des apprentis en matière de besoins et de frais connexes à la formation.

L'apprentissage, par le cumul potentiel de trois lieux de vie pour l'apprenti que sont l'hébergement familial, le centre de formation et l'entreprise, rend particulièrement cruciale la problématique d'hébergement en cas d'éloignement. Faire en sorte que les aspects matériels et financiers ne soient plus un frein, permettrait de sécuriser et rassurer les jeunes et leur famille.

Un dernier constat s'impose malgré les campagnes d'information et les différentes actions publiques. Le jeune et sa famille souffrent d'un déficit d'accompagnement et d'information. Les parcours apprentissage ne semblent pas sécurisés, laissant trop d'incertitudes pour faire des choix efficaces et appropriés. Il convient d'offrir une meilleure information en adéquation entre l'orientation des jeunes et les secteurs éprouvant des besoins de recrutement.

Promouvoir l'apprentissage c'est bien, mais il faut reconnaître que sur le terrain certains jeunes ne peuvent y accéder malgré leur volonté de suivre une formation en alternance. Nous devrons rester particulièrement vigilants à ces situations de discrimination que rencontrent certains de nos jeunes pour trouver une entreprise ou un maître de stage en vue de concrétiser un projet de formation en alternance. Cela concerne notamment les apprentis les plus âgés, les jeunes filles, les apprentis en difficulté scolaire ou sociale, ou encore les jeunes souffrant d'un handicap. Discrimination sociale, spatiale, ou à caractère raciste – et en disant cela, je mesure mes mots – sous-représentation des filles, mise à l'écart des handicapés, illettrisme : toutes ces discriminations constatées dans le monde du travail n'épargnent pas, hélas ! les apprentis.

Mais je ne me contenterai pas d'énumérer ces insuffisances. Je suis persuadée que nous pouvons conduire une politique forte qui apportera des solutions et valorisera la voie professionnelle et celle de l'apprentissage. Bon nombre d'acteurs sur le terrain ont mis en place des expérimentations pour lever les contraintes et les freins.

Aujourd'hui, il convient de passer de l'expérimentation à la diffusion de ces pratiques. Pour l'apprentissage, ce sont 825 millions d'euros qui sont inscrits au compte d'affectation spécial « Financement national du développement de la modernisation de l'apprentissage ». Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2013 sont en progression de 4 %, compte tenu des 250 millions d'euros de crédits destinés au développement de l'apprentissage et dus aux régions, inscrits au compte d'affectation spécial.

Au-delà de ce budget, nous devrons conduire parallèlement une profonde réflexion et refonte de l'apprentissage. Nous devrons nous attacher à l'amélioration de l'adéquation entre l'offre de formation, les besoins des individus et ceux de l'économie. Depuis l'orientation jusqu'à l'insertion professionnelle, il faut mettre l'accent sur les moyens de l'accompagnement de ces parcours de formation afin de favoriser des parcours sereins. L'attrait de l'apprentissage auprès des jeunes est lié à la capacité d'offrir des perspectives d'insertion professionnelle. Un de nos objectifs pourrait être de favoriser une meilleure interconnexion et une meilleure connaissance mutuelle des acteurs.

Nous devrons aussi garantir la préservation et le développement d'une offre de formation sur chacun des bassins, dans une logique d'aménagement et de développement du territoire.

L'entreprise, avec le maître d'apprentissage, constitue un élément central de la formation des apprentis. Il est donc indispensable que les responsables institutionnels et opérationnels de l'apprentissage puissent entretenir avec le monde de l'entreprise un partenariat solide et de qualité pour la reconnaissance de leur action dans la formation du jeune, impliquer davantage les entreprises, accentuer le rôle des développeurs qui devront élargir leur champ d'action et concerner tous les secteurs économiques, renforcer le partenariat avec les branches professionnelles et conforter la coopération avec les structures.

Il nous faudra aussi assurer le suivi de ces jeunes et veiller à répondre plus rapidement aux situations de décrochage.

Je conclurai mon intervention en évoquant un sujet qui me tient à coeur et qui a été soulevé par une chambre de métiers et de l'artisanat. Il concerne la mise en oeuvre d'une disposition créée par l'article 28 de la loi du 24 novembre 2009 qui vise à intégrer dans les marchés publics la clause d'insertion en direction des jeunes en apprentissage. Je trouve cette demande intéressante à double titre car elle permet d'aider les entreprises à valoriser leur action en direction de l'apprentissage et de permettre aussi aux jeunes d'avoir des lieux.

Monsieur le ministre, cette expérimentation devait faire l'objet d'une évaluation. Or l'ancien gouvernement ne l'a pas faite, ce que je regrette. Pouvez-vous nous donner votre position sur ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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