Intervention de Jean-Louis Bal

Séance en hémicycle du 11 juin 2014 à 15h00
Débat sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique — Table ronde

Jean-Louis Bal, président du syndicat des énergies renouvelables :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, en tant que président du syndicat des énergies renouvelables, je parlerai d’énergies renouvelables, en rappelant, tout d’abord, l’état d’avancement de leur développement.

Vous savez que, dans le cadre du Grenelle de l’environnement et de la directive européenne de 2009, a été fixé un objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans le mix en énergie finale à l’horizon 2020, partant d’un niveau de 9 % l’année de référence, 2005. Ce niveau est resté stable jusqu’au début de 2008. Un point de passage avait été fixé à 14 % en 2012 ; on est arrivé fin 2012 à 13,7 %, ce qui est en apparence un bon résultat. En conduisant une analyse filière par filière, on se rend compte que l’essentiel des progrès accomplis entre 2008 et 2012 l’ont été par les biocarburants, pour un peu plus de 40 % de l’accroissement. Or cet accroissement des biocarburants n’est pas extrapolable à l’horizon 2020.

On constate, d’autre part, dans les filières telles que l’éolien terrestre et le solaire photovoltaïque, qui ont connu un bon développement jusqu’en 2011, un très net ralentissement ces dernières années.

On observe aussi une bonne progression de tout ce qui est production de chaleur, notamment par pompes à chaleur, mais également à partir de la biomasse, qu’il s’agisse du chauffage au bois domestique ou des installations collectives ou industrielles. Néanmoins, malgré cette bonne progression, en phase avec les scénarios jusqu’en 2012, l’extrapolation jusqu’en 2020 ne nous permet pas, vu les moyens accordés aujourd’hui à l’ADEME via le Fonds chaleur, d’espérer tenir les objectifs en 2020.

Notre estimation, à partir d’une extrapolation jusqu’en 2020 pour l’ensemble des filières, est que l’on arrivera, si rien ne change d’ici là, à 17 %, et non aux 20 % annoncés.

Les raisons de ces prévisions pessimistes tiennent globalement au cadre économique, qui s’est détérioré : nous avons eu des stop and go, bien connus, notamment sur la filière solaire photovoltaïque. Elles tiennent également à l’instabilité du cadre économique, avec une fiscalité de plus en plus lourde, et des coûts de raccordement en croissance constante, qui handicapent le développement des filières. L’encadrement administratif s’est par ailleurs renforcé au fil du temps, avec un empilement de procédures. L’exemple de l’éolien vaut à cet égard aussi pour la méthanisation. Les durées de réalisation de projets sont de l’ordre de sept à huit ans, quand un même projet se fait chez nos voisins allemands en deux ou trois ans.

Quelles conclusions en tirons-nous et qu’attendons-nous de la loi sur la transition énergétique ? Nous faisons le constat que les énergies renouvelables restent un relais de croissance qui peut être important, et qu’il y a toujours un énorme intérêt en termes d’environnement – à savoir de gaz à effet de serre à éviter –, de balance commerciale, de création d’emplois. Nous suggérons donc un renforcement de la politique de développement des énergies renouvelables. Nous identifions à cet égard les principaux points suivants.

Il faut, tout d’abord, des objectifs – mais nous n’en avons jamais manqué : dans les lois POPE, Grenelle…, on a toujours eu des objectifs ambitieux. La ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a annoncé dans la presse un objectif global de 32 % d’énergies renouvelables en 2030, selon la déclinaison suivante : 40 % en énergie, 38 % en production de chaleur, 15 % dans les transports. C’est un objectif qui nous paraît ambitieux, d’autant plus qu’il est probable que l’on n’atteindra pas les 23 % en 2020.

Se fixer des objectifs nous paraît toutefois largement insuffisant. Ce qui nous a semblé manquer les années précédentes, c’est une trajectoire – non seulement définir le point d’arrivée mais aussi la trajectoire à suivre pour y parvenir – et un instrument de pilotage : il faut, lorsqu’on ne suit pas la trajectoire annoncée, que l’on puisse rectifier les politiques en cours de route, ce qui demande un suivi, des indicateurs et une instance de décision qui puisse prendre les bonnes décisions en temps utile.

En troisième lieu, il nous semble important que les instruments de soutien au développement des énergies renouvelables soient visibles et pérennes, ce qui n’exclut pas des évolutions mais programmées et négociées avec la profession. Nous savons que figurera dans le projet de loi une évolution des systèmes de soutien aux énergies renouvelables électriques vers plus d’intégration des mécanismes de marché. Si cela se fait de façon programmée avec la profession, cela peut être une réussite et ne pas compromettre l’atteinte d’objectifs ultérieurs.

La quatrième chose que nous attendons de la loi, c’est une simplification drastique des différentes procédures encadrant le développement des énergies renouvelables, sans que ce soit au détriment des citoyens ni de la protection de l’environnement. Certaines redondances peuvent être évitées. Il peut y avoir un encadrement des recours contre les autorisations délivrées. Nous avons donc un certain nombre de propositions, dont la principale est de regrouper, pour chacune des filières, l’ensemble des autorisations sous une autorisation unique. Des expérimentations sont en cours ; il faudra les généraliser le plus rapidement possible.

Au sujet de la simplification du cadre réglementaire, je voudrais saluer les premiers résultats obtenus dans le cadre de la loi dite « Brottes », avec la suppression des zones de développement de l’éolien et celle de la règle des cinq mâts. Ça ne se traduit pas encore par une progression des raccordements, parce que – M. Brottes le sait bien – cela ne portera ses fruits que dans un an ou deux, le temps que les projets libérés par la suppression de ces règles aillent au terme de leur instruction.

Tels sont les points principaux, eu égard à ce que nous attendons de la loi de transition énergétique. Je voudrais en évoquer un dernier, qui n’est pas souvent cité : la nécessité d’un projet spécifique pour les zones électriques insulaires, départements d’outre-mer et Corse, où les coûts de l’énergie sont très différents de ceux de la métropole, et qui ont des ressources en énergies renouvelables également spécifiques. Il ne faudrait pas les oublier.

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