Intervention de Philippe Nauche

Séance en hémicycle du 12 juin 2014 à 9h30
Maintien d'une administration et de politiques publiques dédiées aux français rapatriés d'outre-mer — Discussion d'une proposition de résolution

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Nauche :

Politicienne, cette proposition l’est dans la mesure où l’ensemble des dispositions mises en place depuis 2012 sont considérées comme non avenues. Vous faites comme s’il ne se passait rien, comme s’il n’y avait pas d’actions du Gouvernement, soutenu par sa majorité. Je tiens à reprendre chaque point de la proposition de résolution afin de justifier cette position.

Premier point : concernant l’adossement à l’ONAC, dès le 1er janvier 2014, de toutes les structures chargées des rapatriés et des harkis, issues de la Mission interministérielle aux rapatriés et de l’Agence nationale pour l’indemnisation des français d’outre-mer, Élie Aboud feint de considérer que « ce nouveau dispositif a pour conséquence de faire disparaître la référence aux rapatriés, Français d’outre-mer, de toute dénomination ministérielle ou administrative ». Or cette mesure n’est justifiée que par la très nette réduction d’activité survenue au cours des dernières années au sein de la MIR et de l’ANIFOM ; elle a pour objectif essentiel de pérenniser l’action entreprise.

J’en veux pour preuve la nouvelle action budgétaire en faveur des rapatriés, qui représente 17,8 millions d’euros en 2014. Par ailleurs, le Service central des rapatriés, basé à Agen, est maintenu : il devient un pôle spécialisé de l’ONAC mais continue d’instruire les dossiers, les aides versées restant les mêmes, avec le bénéfice de la simplification et du guichet unique que constituera désormais l’ONAC. Enfin, le Gouvernement mène une réflexion, avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, pour examiner les modalités qui permettraient d’associer davantage les rapatriés et les harkis au fonctionnement de l’établissement.

Deuxième illustration du caractère politicien de ce texte : l’exigence de la poursuite de l’action sociale de l’ONAC à destination des harkis en tant qu’anciens combattants, ou de leurs veuves, ainsi que l’exigence d’un effort de même nature en direction des réinstallés dans une profession non salariée en situation de détresse sociale. C’est nier que, depuis sa prise de fonctions, la politique menée par Kader Arif, sous l’autorité du Président de la République et du Premier ministre, poursuit trois priorités : un effort renouvelé en faveur de l’histoire et de la mémoire des harkis et des rapatriés, la mise en place d’instruments de solidarité favorisant la réussite des harkis et de leurs enfants, et la consolidation d’un dialogue plus efficace et plus transparent avec les pouvoirs publics.

Parmi les mesures adoptées, on peut citer les aides au rachat des cotisations retraite pour les rapatriés et les harkis, couvrant de 50 à 100 % du montant des rachats de cotisations, l’allocation de reconnaissance, les aides relatives au logement – aides locatives, à l’acquisition d’un logement, à l’amélioration de l’habitat pour les propriétaires et au désendettement immobilier –, ou encore les secours sociaux de l’ONAC. Contrairement à ce qu’insinue cette proposition de résolution, il n’a jamais été question de remettre en cause ces aides, bien au contraire. Je pense que le secrétaire d’État nous l’expliquera tout à l’heure.

Troisième point : la poursuite par l’État de ses actions en faveur des enfants d’anciens supplétifs à la recherche d’un emploi stable ou d’une formation. La loi de programmation militaire 2014-2019 prévoit de porter à cinq ans, contre trois actuellement, la durée durant laquelle un enfant de harkis peut figurer sur les listes d’aptitudes. En outre, une action de sensibilisation va être menée par le secrétaire d’État chargé des anciens combattants et de la mémoire afin de favoriser le recrutement d’enfants de harkis inscrits sur les listes d’aptitude de la fonction publique territoriale.

Par ailleurs, des bourses scolaires et universitaires, ainsi que d’autres aides à la formation, ont été instaurées par les lois de 1994 et 2005, afin de prendre notamment en charge les frais de formation professionnelle et de permis de conduire des enfants de harkis. Les aides en faveur des enfants de harkis pour l’accès à l’emploi sont non seulement maintenues, mais amplifiées par le Gouvernement.

Enfin, signalons le soutien financier accordé sous forme de subventions aux associations représentatives proposant des projets d’insertion ou des formations qualifiantes en faveur des enfants d’anciens combattants harkis.

Quatrième point : la facilitation des recherches des personnes d’origine européenne disparues en Algérie, surtout en 1962, et présumées décédées. Depuis 2004, une liste révisée de 2 230 personnes disparues a été établie. Je rappelle qu’au cours de la visite d’État du Président François Hollande à Alger, les 19 et 20 décembre 2012, les chefs d’État français et algérien ont signé la déclaration d’Alger sur l’amitié et la coopération entre l’Algérie et la France.

Parmi les objectifs de cette coopération, figurent la question de la mémoire commune et en particulier l’échange d’informations pour la localisation de sépultures de disparus pendant la guerre d’Algérie. Les autorités françaises, notamment les consulats en Algérie, travaillent par ailleurs de concert avec les autorités algériennes pour recenser, regrouper et rénover les sépultures civiles françaises en Algérie.

Le cinquième point concerne la réparation intégrale du préjudice subi. Selon le rapport de la Cour des comptes pour l’année 2009, l’ANIFOM a distribué 14 milliards d’euros entre 1970 et 1997, représentant 58 % de la somme des biens perdus il y a cinquante ans et évalués par elle. Derrière ce voeu, le message de prise en considération de l’indemnisation de la totalité des biens perdus par les rapatriés est à mettre en lien avec le dernier point de la proposition de résolution : l’Algérie doit payer.

Le sixième et dernier point pose un certain nombre de questions sous couvert d’approbation de l’amélioration des relations entre l’Algérie et la France : rechercher avec l’Algérie des moyens de clôturer le dossier de l’indemnisation.

Les associations de rapatriés considèrent que la France a compensé 58 % des pertes matérielles, mais que la totalité de ces indemnisations auraient dû être le fait de l’Algérie. Dans cette logique, Alger devrait rembourser les 42 % restants. L’idée de fond de cette proposition de résolution, est que l’ancienne colonie doit rendre à la France ce qu’elle aurait injustement gardé ! Le triste débat de 2005 sur le rôle positif de la colonisation résonne encore dans cet hémicycle !

On souhaiterait raviver une fracture coloniale, entre la France et l’Algérie, mais aussi au sein de la population française, qu’on ne s’y prendrait pas mieux !

Le vote d’une telle disposition serait, j’en suis convaincu, paradoxalement, un sérieux coup porté au renouveau des relations franco-algériennes louées dans l’exposé des motifs. Ce serait d’autant moins opportun que l’Algérie est devenue aujourd’hui un partenaire incontournable de la France dans la lutte contre le terrorisme dans la zone sahélo-saharienne. Vous l’aurez compris, le groupe SRC ne peut donc voter cette proposition de résolution irresponsable.

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