Intervention de Daniel Gibbes

Réunion du 17 juin 2014 à 17h00
Délégation aux outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Gibbes, rapporteur :

Mes chers collègues, je prends le relais après notre président, M. Jean-Claude Fruteau, et je souhaite, à présent, vous présenter la troisième partie du rapport, c'est-à-dire celle qui a trait à nos propositions, indépendamment du renforcement du CICE.

Les deux premières mesures que nous préconisons – à savoir le soutien à l'embauche du premier salarié par les très petites entreprises et le développement d'une politique contractuelle avec les collectivités publiques régies par l'article 74 de la Constitution – nous ont été dictées par la prise en considération des deux observations suivantes :

– d'une part, l'extension du CICE peut marquer le pas dans certains DOM (par exemple la Guyane) à cause du problème de l'avance des frais correspondant aux coûts salariaux ; bien sûr, les entreprises peuvent prétendre au préfinancement du CICE par le biais d'un crédit de trésorerie attribué par Oséo, la filiale de la Banque publique d'investissement (BPI) ; cependant, les formalités pour obtenir ce prêt peuvent dérouter les micro-entreprises ou les PME ;

– d'autre part, on doit relever que le CICE n'est pas applicable dans les collectivités publiques dotées de l'autonomie fiscale (par exemple, l'île de Saint-Martin).

Il nous a donc paru nécessaire, en appui au CICE, ou de manière subsidiaire à ce dispositif, lorsqu'il n'est pas applicable, de prévoir des mesures adaptées à la situation locale.

J'évoquerai d'abord la mesure visant à soutenir l'embauche du premier salarié.

Comme cela a été indiqué dans le rapport, il est possible de dénombrer environ 98 000 entreprises unipersonnelles dans les quatre DOM que sont la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et La Réunion, entreprises qui ne disposent d'aucun salarié mais qui pourraient constituer des viviers d'emplois.

Les embauches que ces entreprises pourraient effectuer sont éligibles aux exonérations fiscales de la LODEOM et au CICE. Néanmoins, les chefs d'entreprise hésitent à procéder à un premier recrutement.

Il faut donc les aider à prendre cette décision en agissant concomitamment sur quatre facteurs : la capacité de gestion de l'entrepreneur ; la capacité économique de l'entreprise à supporter une augmentation de ses charges fixes, compte tenu de ses perspectives de développement ; l'aptitude de l'entrepreneur à reconfigurer l'outil de production pour l'adapter à la présence de nouveaux actifs ; et enfin, l'allégement, au moins provisoire, des coûts salariaux restant à la charge de l'entreprise, malgré les exonérations ou les déductions fiscales.

Par suite, il faut créer un accompagnement, financé par l'État, pour ces petites entreprises. Cet accompagnement, de la même manière, pourrait comporter quatre prestations : une aide pour évaluer le potentiel et les besoins de l'entreprise, une aide dans le cadre de la démarche de recrutement, un soutien pour la gestion administrative du salarié recruté et enfin, l'attribution de prêts d'honneur.

La mesure pourrait s'inscrire dans le cadre de la convention « Agir pour l'emploi et la création d'activité », actuellement négociée entre l'État et la Caisse des dépôts et consignations. En effet, en se plaçant du point de vue des salariés susceptibles d'être recrutés, elle pourrait être ciblée sur l'embauche de jeunes demandeurs d'emplois inscrits localement et comporter une orientation en faveur des bénéficiaires des minima sociaux.

Telle est donc notre première proposition, mis à part le renforcement du CICE dont a parlé M. le président Fruteau. Dans le rapport, il s'agit de la proposition n° 2.

J'en viens maintenant à la question du développement d'une politique contractuelle avec les collectivités d'outre-mer dotées de l'autonomie fiscale.

Les collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution ne disposent pas du CICE, dans la mesure où leurs entreprises ne sont pas soumises aux impôts d'État.

Certes, elles pourraient l'instituer, en introduisant ce dispositif dans leur réglementation. Mais il convient d'observer que la dépense fiscale qui en résulterait risquerait aussi de compromettre l'équilibre de leurs finances publiques – un équilibre souvent fragile. D'autre part, la mise en place de ce dispositif pourrait être parfois contraire à des accords passés avec l'État et comportant des engagements précis de la part des COM en matière de dépenses et de recettes.

Pour éviter cependant qu'avec l'absence du CICE une opportunité de développement ne soit perdue pour les entreprises, il conviendrait que les collectivités d'outre-mer puissent contracter avec l'État sur des objectifs précis dont le montant pourrait compenser la dépense fiscale non réalisée.

Ces objectifs pourraient porter sur tous les aspects du développement économique régional. En outre, ils pourraient être assortis d'études d'impact reposant sur des analyses statistiques précises. En effet, en règle générale, les études statistiques concernant les COM et produites par les pouvoirs publics – par exemple à Saint-Martin – restent souvent insuffisantes.

Le développement d'une politique contractuelle avec l'État concernant les collectivités d'outre-mer constitue la proposition 3 du rapport.

Les deux propositions suivantes ont pour objet de consolider ou d'améliorer des mesures figurant dans la LODEOM. Il s'agit de proroger de cinq ans les abattements fiscaux dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d'activité et d'élargir le régime de l'aide au fret.

J'exposerai d'abord la question de la prorogation de cinq ans des abattements dont bénéficient les entreprises dans les zones franches d'activité.

Comme vous le savez, il existe des abattements fiscaux spécifiques qui portent sur les bénéfices, sur les bases d'imposition des taxes foncières et sur la contribution économique territoriale et qui concernent les entreprises opérant au sein des zones franches d'activité.

Selon les cas, ces abattements prennent fin en 2017 ou en 2018. Par ailleurs, la dégressivité des taux d'abattement débute à partir de l'année 2015.

Ces abattements constituent une aide non négligeable pour les entreprises. Aussi, pourrait-il être intéressant de les proroger. Nous avons pensé à une durée de 5 ans.

Cela pourrait se faire en reportant la dégressivité des taux de 5 ans, c'est-à-dire en la faisant débuter en 2020. À partir de là, les taux qui s'arrêtent en 2017 seraient reportés en 2022 (impôt sur les bénéfices) et ceux qui s'arrêtent en 2018 seraient reportés en 2023 (autres contributions). Telle est notre proposition 4.

J'en viens maintenant à l'amélioration du régime de l'aide au fret.

Comme cela est dit dans le rapport, l'aide au fret est actuellement limitée aux échanges entre l'outre-mer et l'Union européenne.

Cette aide ne favorise donc pas l'intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement économique régional. Toutefois, les relations commerciales régionales sont très importantes aussi pour soutenir l'emploi.

Par suite, il pourrait être intéressant d'élargir l'aide au fret à l'ensemble des importations et des exportations, en cessant de réserver cette subvention exclusivement aux produits en provenance ou en direction de l'Union européenne. Telle est notre proposition 5.

Enfin, nous avons encore songé à deux propositions pour favoriser la compétitivité des entreprises outre-mer. Il s'agit du maintien du régime de la TVA non perçue récupérable et de l'adaptation du crédit d'impôt développement durable outre-mer, en prévoyant un taux unique de 50 % pour les travaux de rénovation.

Je parlerai tout d'abord du maintien du régime de la TVA non perçue récupérable.

Cette procédure – née d'une décision ministérielle de 1953 – n'a été codifiée qu'en 2009, dans l'article 295 A du code général des impôts.

Le mécanisme général de la procédure est le suivant : les livraisons ou les importations dans les départements de la Martinique, de la Guadeloupe ou de La Réunion de biens d'investissement neufs et exonérés de la TVA donnent néanmoins lieu à une déduction de cette taxe, lorsque le destinataire de la livraison ou l'importateur est assujetti à la TVA et qu'il dispose d'un établissement dans ces départements.

Jusqu'en 2009 – date de la codification de la procédure – cette dernière était ouverte non seulement aux investissements, mais aussi aux intrants. Cette éligibilité initiale des intrants devait permettre aux entreprises bénéficiaires de baisser le coût de leur production et donc de baisser les prix de vente.

Depuis 2009 – et la reconduction de la procédure pour les seuls investissements – le mécanisme est devenu exclusivement une aide à la formation brute du capital fixe. Le système est d'ailleurs reconnu comme tel par la Commission européenne, puisque le montant de l'aide qu'il procure doit être comptabilisé dans le cumul d'aide maximum autorisé pour chaque investissement.

Cette aide semble cependant remise en cause, aujourd'hui, par le ministère du Budget. Une étude est actuellement en cours, conduite par le ministère des Outre-mer, pour évaluer l'impact du dispositif.

Il semble cependant évident que la suppression de la procédure ne pourrait que nuire à la compétitivité des entreprises des DOM.

Notre proposition 6 demande donc le maintien du régime existant de la TVA non perçue récupérable.

Je dirai enfin quelques mots sur l'adaptation du crédit d'impôt développement durable outre-mer, pour favoriser le secteur de la rénovation.

L'article 200 quater du code général des impôts prévoit un crédit d'impôt développement durable pour les personnes physiques qui procèdent à des travaux d'amélioration énergétique dans leur résidence principale.

Jusqu'en 2014, il y avait dix taux possibles de crédit d'impôt en fonction des revenus imposables des foyers fiscaux. À partir de cette date, les taux ont été ramenés au nombre de deux (25 et 15 %).

Pour relancer le secteur de la rénovation outre-mer – qui est fortement pourvoyeur d'emplois, notamment pour les artisans – il est proposé de modifier la réglementation du crédit d'impôt développement durable en prévoyant qu'il s'étendra, dans les territoires ultramarins, à tous les travaux de rénovation, dans la limite d'un bouquet de travaux précis (études, gros oeuvre, charpente, couverture, plomberie, électricité, carrelage, menuiserie, étanchéité et peinture). Le taux unique retenu pour ce bouquet de travaux pourra être de 50 %.

Ce système améliorera naturellement la compétitivité du secteur car le crédit d'impôt compensera le surcoût des travaux de rénovation existant outre-mer et dû à l'éloignement. Il constitue donc notre septième et dernière proposition.

Je tiens à dire, pour conclure, que la réalisation de ce rapport d'information a été effectuée dans un délai contraint. Avec le président et les membres de la Délégation, nous avons, dans un premier temps, décidé de respecter ce délai, mais nous avons rapidement envisagé d'élargir notre travail jusqu'à définir un véritable pacte adapté à chacun de nos territoires. C'est ainsi que, dans le rapport, nous avons évoqué la possibilité d'aider le tourisme et les activités de rénovation ; toutefois, dans le cadre de ce pacte à venir, il y aura certainement d'autres secteurs à prendre en compte, par exemple la défiscalisation des activités de démolition, lors de la construction d'immeubles neufs.

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