Intervention de Annie Le Houerou

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 9h30
Lutte contre la concurrence sociale déloyale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnie Le Houerou :

Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, je souhaite en premier lieu féliciter les députés Gilles Savary, Chantal Guittet et Michel Piron, de s’être saisis, dès le premier semestre 2013 de la question du dumping social résultant du détachement des travailleurs.

Les conséquences de l’application abusive des dispositions de la directive européenne de 1996 sont catastrophiques sur l’emploi en France.

Un travailleur détaché travaille dans un État membre parce que son employeur l’affecte provisoirement, le temps d’une mission, dans un autre État membre. Cependant, le droit européen n’oblige pas les États membres à fixer un salaire minimum, n’impose pas aux entreprises d’exercer une activité substantielle au sein de leur pays d’origine et ne fixe pas de limite de temps aux situations de détachement. On trouve donc des entreprises dites « boîtes aux lettres » dans les pays où le droit social est a minima.

La directive de 1996 prévoit que le droit du travail applicable au travailleur détaché est celui du pays d’accueil mais que l’affiliation au système de sécurité sociale reste celle du pays d’origine. Ses dispositions, dont l’objectif affiché étaient de de protéger les travailleurs et les marchés du travail des États membres, ont entraîné deux fléaux, économique et social, la désindustrialisation et le chômage.

L’arrivée massive de travailleurs à bas coût déstabilise des filières de production entières. Je puis témoigner que dans ma circonscription, l’agriculture et l’agro-alimentaire en font un usage abusif, accentuant de manière très sensible les chiffres du chômage.

Nos industries subissent également une concurrence déloyale de la part d’autres pays européens : je citerai l’exemple de l’industrie de la viande allemande, qui s’est développée sur la base d’un coût moyen du travail de six euros de l’heure, sans salaire minimum ni convention collective, alors que le coût horaire est d’environ vingt euros chez nous, en Bretagne.

Je me réjouis de l’impulsion française, de la détermination de notre Président de la République et de Michel Sapin pour sensibiliser nos amis européens, en particulier allemands, afin d’adopter un salaire minimum.

Cette proposition de loi visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale, du nom de baptême que lui a donné Richard Ferrand, marque de réelles avancées. et le travail réalisé par les rapporteurs, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, ont permis d’aboutir à un texte simple et dont l’application sera, nous l’espérons, efficace.

Ce texte responsabilise les donneurs d’ordre. Il renforce l’obligation de déclaration préalable de détachement en l’élevant au niveau législatif. Le prestataire étranger devra effectuer une déclaration préalable de détachement auprès de l’inspection du travail. Le donneur d’ordre et le maître d’ouvrage devront être vigilants et vérifier que cette obligation de déclaration a bien été respectée. La procédure est simple. Des sanctions administratives seront désormais possibles à l’égard des donneurs d’ordre ou des maîtres d’ouvrage en cas de non-respect des obligations de déclaration. Une amende de deux mille à quatre mille euros par salarié détaché sera appliquée à tout contrevenant. Un syndicat pourra en outre ester en justice afin de défendre les droits d’un salarié détaché, ceci sans mandat de la part de ce salarié.

Ce texte marque un progrès. Il met en oeuvre les préconisations des rapports parlementaires : constitution d’une liste noire d’entreprises et de prestataires de services indélicats, dont on attend un effet dissuasif, amélioration du dispositif par la loi et le contrôle, extension de la possibilité de recours aux organisations syndicales.

Nous sommes toutefois conscients qu’il n’empêchera pas tous les abus ni toutes les fraudes. L’inspection du travail devra avoir les moyens d’appliquer la loi. Mais le véritable défi est de travailler sans relâche au niveau européen pour aboutir à une Europe où les règles sociales seront harmonisées.

Ce sera la meilleure des réponses à cette concurrence sociale déloyale, qui a pour première origine les droits réduits des salariés dans les autres pays européens.

Les résultats des élections européennes ne nous ont pas confortés dans ce sens. Pourtant, une autre Europe est possible, plus sociale, plus protectrice pour les plus faibles et, en particulier, les salariés. Nous soutenons notre Président de la République, qui doit se faire entendre au Conseil européen, aujourd’hui et demain. Il défendra une convergence fiscale et sociale et l’instauration d’un salaire minimum en Europe.

Le travail que les parlementaires ont réalisé pour aboutir à ce texte est un excellent argument pour convaincre tant nos partenaires européens que nos concitoyens de la nécessité, mais aussi de la possibilité, de faire avancer l’Europe sociale.

Ce texte sera apprécié autant par nos chefs d’entreprise que par les salariés qu’ils emploient.

Nous voterons donc cette proposition de loi avec enthousiasme.

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