Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 26 juin 2014 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la vie parlementaire connaît suffisamment d’épisodes de confrontations, de tensions et d’oppositions pour que nous puissions aussi apprécier, lorsqu’ils se présentent, les moments de consensus et de rassemblement tel que celui qui, je l’espère, débute à présent.

Le projet de loi pour l’égalité entre les hommes et les femmes dont nous reprenons aujourd’hui l’examen en seconde lecture constitue en effet un texte doublement important.

Important, il l’est d’abord par les dispositions qu’il contient et qui permettront demain à la société française de continuer son chemin vers l’égalité réelle, c’est-à-dire concrète, pleine et entière entre les hommes et les femmes de ce pays. Mais il l’est aussi, et peut-être plus encore, par le haut niveau de consensus qui a jusqu’à présent présidé à sa discussion devant le Parlement et qui démontre, si besoin en était, qu’il n’y a pas, sur un tel sujet, de majorité ou d’opposition qui tienne.

L’égalité, c’est une promesse, c’est sans doute même la promesse républicaine par excellence, car la République sans l’égalité, c’est un projet politique qui est d’avance voué à l’échec. Au cours de nos débats, nous avons chacun de notre place pu donner corps à cette idée à la fois simple et essentielle selon laquelle parler des droits des femmes n’est pas, comme on l’entend encore parfois, porter un ensemble de revendications catégorielles.

Lutter contre les violences domestiques, c’est en réalité protéger les familles. Garantir le paiement des pensions alimentaires, c’est en réalité offrir plus de sécurité économique aux mères comme à leurs enfants. Défendre le principe de l’égalité salariale, c’est faire reculer l’arbitraire dans le monde du travail. Défendre les droits des femmes, c’est en réalité vouloir une société plus ouverte et plus juste envers l’ensemble de ses membres et pas seulement envers les femmes. Enfin, parler des droits des femmes, c’est porter un projet pour la société tout entière.

Soixante-dix ans après l’ordonnance du gouvernement provisoire qui, le 21 avril 1944, reconnut pour la première fois l’égalité politique entre les hommes et les femmes, quarante ans après la loi Veil par laquelle les femmes sont enfin devenues actrices de leur propre vie, il s’agit aujourd’hui, et dans le prolongement des initiatives qui avaient été prises lors de la précédente législature, de franchir un nouveau cap pour ancrer cette exigence d’égalité entre hommes et femmes dans la réalité qui est celle de la France de 2014.

Il y a certes les avancées d’hier dont nous sommes dans cet hémicycle les héritières et les héritiers et qu’il nous appartient à ce titre de défendre avec la plus grande détermination, car, comme nous l’avons vu récemment de l’autre côté des Pyrénées, rien n’est jamais totalement acquis lorsque faiblit la volonté politique.

Mais il y a aussi, mes chers collègues, les défis de notre temps auxquels ce projet de loi a l’ambition de répondre. C’est l’égalité professionnelle et salariale d’abord, cela a été dit mais je veux à mon tour le rappeler : on ne peut accepter qu’à compétence égale une femme gagne jusqu’à 28 % de moins qu’un d’homme. C’est aussi la lutte contre les discriminations qui, de fait, privent certaines femmes d’une partie de leurs droits. C’est la lutte contre la précarité qui frappe aujourd’hui d’abord les femmes. C’est, enfin et surtout, la lutte contre les violences faites aux femmes.

Dans ce débat, comme il l’a fait en première lecture, le groupe UDI entend donc prendre ses responsabilités. Passé à la faveur de son examen par le Sénat puis par notre assemblée de vingt-cinq à plus de cent articles, ce projet de loi est riche d’initiatives de toute nature dont la plupart méritent d’être saluées.

Souvent pourtant une question demeure, celle de savoir si par-delà les mots, le dispositif proposé répond réellement aux enjeux. Car telle est bien au fond, la seule véritable question. Je veux d’abord évoquer la question des violences dont sont spécifiquement victimes les femmes.

C’est un sujet de préoccupation au plan national, mais je voudrais saisir l’occasion de cette discussion pour dire – et je pèse mes mots – l’urgence à laquelle nous faisons face en la matière dans les collectivités d’outre-mer, et tout particulièrement en Nouvelle-Calédonie où, comme vous le savez car je n’ai cessé de le répéter dans cet hémicycle, près d’une femme sur quatre a été, est ou sera, en 2014, victime de violences au sein même de son foyer. Notre priorité absolue doit donc aller à l’accueil et à l’accompagnement de ces femmes, pour qu’elles soient encore plus nombreuses à trouver le courage de porter plainte.

Je veux saluer, madame la ministre, le dispositif de l’ordonnance de protection tel qu’il figure dans ce projet de loi, et le groupe UDI proposera de le compléter à la marge, en prévoyant de rendre systématique l’obligation pour le conjoint violent de quitter le domicile commun. Au-delà, madame la ministre, c’est bien un cri d’alarme que je veux lancer car, en Nouvelle-Calédonie comme dans la plupart des outremers, c’est à une véritable question de société que nous faisons face désormais.

En matière de lutte contre les formes de précarité qui frappent spécifiquement les femmes, ce projet de loi a été enrichi d’initiatives bienvenues en ce qui concerne notamment le problème des pensions alimentaires impayées, qui s’apparente aujourd’hui pour de nombreuses femmes à un aller simple vers la pauvreté, quand ce n’est pas la grande pauvreté. Pour aller plus loin, le groupe UDI propose d’étudier l’opportunité de créer un organisme indépendant dont la mission serait précisément de garantir le versement de ces pensions, au besoin en se substituant au parent débiteur lorsque celui-ci se révèle insolvable.

Je veux enfin revenir sur le problème de l’égalité salariale. En la matière, ce projet de loi a le mérite d’ouvrir une nouvelle voie en mobilisant le levier de la commande publique pour inciter les entreprises à s’engager vis-à-vis de leurs salariés pour une égalité pleine et entière en matière de rémunérations entre les hommes et les femmes. C’est incontestablement une avancée que je tiens à saluer. Pour autant, je maintiensn comme je l’avais fait en première lecture, que dans son état actuel ce dispositif me semble incomplet dans la mesure, et c’est là une évidence, où toutes les entreprises ne candidatent pas aux marchés publics. Dans cette perspective, le groupe UDI vous propose donc de mobiliser le seul levier à même de permettre sur ce point un changement réel de la société française : celui des exonérations fiscales dont bénéficient ces entreprises.

C’est là, mes chers collègues, un point décisif. L’égalité salariale est loin d’être un sujet neuf, et je rappelle ici que son principe a même été gravé dans la loi de la République le 22 décembre 1972, soit voici déjà tout de même plus de quarante ans !

Depuis cette date, les initiatives se sont succédé, qu’elles qu’aient été les majorités, et si les résultats ont parfois été au rendez-vous, il demeure néanmoins qu’une femme ne peut toujours pas aujourd’hui prétendre gagner autant qu’un homme.

Aller plus loin n’est pas une simple option, c’est une véritable exigence, sans quoi le constat restera encore longtemps le même, et c’est à un autre gouvernement et à une autre assemblée qu’il reviendra de prendre les initiatives qui s’imposent.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, cette seconde lecture constitue à nos yeux un débat important. C’est l’occasion, loin des jeux partisans qui occupent si souvent notre hémicycle, de changer notre société et de la rendre plus juste.

Pour conclure, je tiens à réaffirmer que l’égalité homme-femme ne doit en aucun cas être l’objet de politique politicienne. Que les femmes ne doivent plus, dans cet hémicycle comme ailleurs, faire l’objet de comportements déplacés. Si bien du chemin reste à faire, nous en avons conscience, alors ne laissons pas passer cette belle occasion de faire progresser ensemble la cause des femmes.

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