Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 7 juillet 2014 à 16h00
Agriculture alimentation et forêt — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, je souhaite, comme je l’avais fait lors de l’examen de ce texte en première lecture, saluer le travail et l’ambition du Gouvernement sur certaines dispositions tant attendues par nos populations.

En recueillant l’ensemble des suffrages de la majorité présidentielle, ici comme au Sénat, ce texte a démontré notre capacité à dégager un consensus afin d’offrir des perspectives durables aux filières agricoles, agroalimentaires et sylvicoles, leviers de la compétitivité économique, sociale et environnementale de nos régions. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne nos territoires ultramarins.

La présence, au sein de ce texte, d’un titre spécifique consacré aux territoires ultramarins est la preuve que le Gouvernement a pris toute la mesure des enjeux de nos territoires, où les acteurs locaux doivent s’organiser en tenant compte de conditions particulièrement hostiles qui affaiblissent malheureusement leur compétitivité.

L’adaptation du contrat de génération au contexte ultramarin est ainsi particulièrement bienvenue. L’âge limite d’accès au contrat de génération, fixé à trente-cinq ans, contre trente ans sur le reste du territoire français, démontre bien notre ambition de lutter contre le chômage endémique des jeunes, qui atteint la barre des 50 % dans le département de la Guyane.

La création des groupements d’intérêt économique et environnemental devrait permettre de concilier performance économique et environnementale, en prenant mieux en compte, par exemple, la réalité qu’est l’agriculture vivrière et familiale, de type abattis, encore largement dominante dans une partie des outre-mer.

La création du Comité d’orientation stratégique et de développement agricole reflète également notre volonté d’associer l’ensemble des acteurs d’un même territoire – à savoir l’État, les collectivités, les organisations professionnelles et la chambre d’agriculture – au processus d’élaboration des politiques agricoles.

En effet, si le bois me semble quelque peu délaissé par ce texte – j’avais déjà dit que j’en étais désolé lors de mon intervention de janvier dernier –, le programme régional de la forêt et du bois déterminera avec une plus grande précision les performances techniques des différents bois, qui constituent une ressource abondante, mais encore sous-exploitée en Guyane, notamment dans le secteur de la construction, qui demeure le poumon de notre économie locale.

Vous me permettrez, monsieur le ministre, de profiter de mon discours à cette tribune pour appeler votre attention sur deux questions propres à la Guyane et qui me paraissent si importantes qu’elles pourraient mériter que des outils législatifs spécifiques soient conçus pour y répondre.

Premièrement, j’aimerais évoquer la réalité de l’exploitation de la ressource sylvicole en Guyane, qui me paraît particulièrement préjudiciable dans un territoire où la forêt est omniprésente et qui accuse, au regard de l’Hexagone, un important retard dans son développement. La filière sylvicole guyanaise ne concerne en effet, actuellement, qu’un volume annuel quelque peu dérisoire de 16 000 arbres, soit environ 65 000 mètres cubes de grumes produits, sur 850 000 hectares de forêt aménagée et dédiée. Elle est très largement bridée par des normes de production certifiée peut-être trop contraignantes et souffre d’un véritable déficit de structuration qui, hélas !, ne fait pas l’objet, dans ce projet de loi, d’une attention suffisante.

Il nous appartient de réfléchir, dans l’intérêt de la Guyane et de la France tout entière, aux conditions de reprise des recommandations de l’avis rendu en 2012 par le Conseil économique, social et environnemental, notamment en ce qui concerne les dimensions environnementales, sociales ou économiques, susceptibles de faire de l’industrie forestière l’un des leviers de développement de ce territoire français d’Amazonie.

Deuxièmement, je souhaite revenir sur la question du foncier, qu’il soit d’usage agricole ou non. Nous, élus Guyanais, n’avons de cesse que de rappeler l’absurdité de la situation que nous vivons en la matière. Comment admettre que ce territoire, aussi grand que le Portugal, mais peuplé de moins de 300 000 âmes, souffre d’une pression foncière insupportable, car comparable à celle observée sur la Côte d’Azur ?

Les raisons en sont multiples. D’abord, 90 % du territoire relèvent du domaine privé de l’État. Ensuite, la situation est aussi la conséquence d’un manque criant de moyens humains : les services de France Domaine, du cadastre ou encore de la DAAF – la direction de l’agriculture et de la forêt – n’ont pas des effectifs suffisants. En matière agricole, enfin, la mise à disposition du foncier pour les exploitants est rendue plus difficile. En effet, le foncier est géré, non par une SAFER, mais par l’outil législatif ad hoc que constitue l’EPAG, l’établissement public d’aménagement de la Guyane.

Les compétences de ce dernier dépassent largement le domaine agricole. Il octroie un très fort pouvoir décisionnel aux communes, tout en péchant par l’absence de représentants des filières agricoles, pourtant les premières concernées. Nous espérons que les nouvelles dispositions retenues seront de nature à renforcer les conditions de transparence de l’attribution de foncier en Guyane, afin d’atténuer les frustrations observées çà et là.

Si je vous en parle ici, monsieur le ministre, c’est parce que j’entrevois l’urgence de nous atteler à la résolution pacifiée de cette question. Sachez, en tout cas, que nous comptons fortement sur l’appui et l’aide du Gouvernement, afin que la gestion du foncier ne soit pas source de frustrations et de troubles sociaux.

Je terminerai mon propos en rappelant l’immensité des défis liés aux réalités de cette immense forêt amazonienne. Je pense notamment à l’orpaillage clandestin, à la lutte contre le biopiratage, ou encore à l’accès et au partage des avantages tirés de la biodiversité, qui seront certainement abordés par le projet de loi-cadre sur la biodiversité, que nous examinerons dans quelques semaines. Nous sommes d’ores et déjà persuadés de la nécessité de réaffirmer la place des régions ultramarines, particulièrement de l’Amazonie, en tant que véritables atouts pour la République.

Monsieur le ministre, vous avez prêté une oreille attentive à nos propositions lors de nos discussions en commission. C’est pourquoi, dans une relation de confiance, je soutiendrai sans réserve ce projet de loi d’avenir pour l’agriculture, qui, à mon sens, est une pierre de plus dans la construction d’une République plus juste et mieux préparée aux défis de demain.

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