Intervention de Christian Hutin

Réunion du 8 juillet 2014 à 15h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Hutin, rapporteur :

Merci de vos questions qui nous rassurent sur le travail effectué. Notre Mission s'est en effet trouvée dans l'oeil du cyclone : nous sommes intervenus, un peu à la manière d'une inspection, dans le cadre nouveau fixé par la convention d'objectifs et de gestion 2013-2017, alors que les caisses d'allocations familiales sont confrontées à la réforme du financement de la branche famille, à la réforme territoriale, à la mise en place, que nous n'avions pas anticipée, de la garantie d'impayés des pensions alimentaires. Aussi nous avons essayé d'être le plus pragmatique possible, en nous projetant sur les années à venir, à la lumière des rapports de la Cour des comptes. Il me semble que nos vingt-cinq propositions, élaborées en suivant cette méthode, répondent globalement à la plupart des questions que vous nous posez.

La proposition n° 1, qui pose le principe de la facturation des frais de gestion fondé sur les coûts réels constatés pour les prestations servies pour le compte de tiers par la branche famille, répond ainsi à M. Arnaud Richard. Nous avons constaté que, si des départements rémunéraient la délégation faite aux CAF de la gestion de certaines de leurs compétences, ce financement est très inégal. Le département du Nord, par exemple, y contribue pour 200 000 euros, d'autres ne participent pas du tout. De même, en matière de suivi de l'insertion des bénéficiaires du RSA, alors que, dans le département du Nord, 93 % des dossiers sont instruits par le département, 40 % seulement le sont dans le Pas-de-Calais, ce qui signifie que la majorité des attributaires ne rencontrent par les services concernés, et ne peuvent donc pas intégrer un dispositif d'insertion.

Il nous semble que la COG permet pour le moment aux caisses d'allocations familiales de fonctionner, mais elles ont surtout remarquablement absorbé les charges supplémentaires qui leur ont incombé, comme le RSA. La gestion en est assez exceptionnelle. Les difficultés portent plutôt sur le cadre d'accueil des bénéficiaires. Certains locaux, comme à Bobigny par exemple, sont architecturalement inadaptés. Nous étions assez inquiets des conséquences de la fracture numérique sur la dématérialisation d'un certain nombre de démarches. Or, les solutions retenues semblent assez adaptées, pédagogiques, avec l'aide d'agents d'accueil compétents. Les expérimentations sur les téléphones intelligents fonctionnent également plutôt bien, pas seulement chez les jeunes. Enfin, il reste un accueil sur rendez-vous assez performant.

Le pilotage au niveau national des caisses est sans doute moins visible et moins structuré qu'en matière de santé ou d'emploi, comme nous l'a fait remarquer l'ancien directeur de la CNAF. Nous proposons donc de renforcer cette impulsion centrale et qu'elle puisse s'appuyer sur la mise en place d'une comptabilité analytique permettant de suivre l'évolution et l'adaptation des moyens.

En matière d'indus et de sanctions administratives, il paraît préférable d'envisager une gradation des sanctions et d'en renforcer plutôt le caractère pédagogique, 60 % des plaintes étant classées. Il semble en effet que l'on oscille trop souvent entre le laisser-aller et des sanctions excessives, où les indus sont trop vite assimilés à la fraude.

Les bailleurs doivent eux aussi participer à l'information nécessaire aux CAF. Le système adopté en Belgique pour collecter les données, la Banque Carrefour de sécurité sociale, pourrait être une base de réflexion préparant la mise en place d'un dispositif similaire et respectueux des libertés individuelles en liaison avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés, mais permettant une centralisation efficace des informations, en particulier en matière d'aide au logement.

L'autonomie des antennes territoriales devrait effectivement, monsieur Richard, être renforcée, c'est ce que défend Mme Valérie Létard, sénatrice du Nord, et la Mission propose que les comités territoriaux dans les bassins de vie comprenant plus de 200 000 allocataires puissent en bénéficier. Les actions en direction de la jeunesse, par exemple, supposent en effet une intervention locale. L'exemple du département du Nord montre que les actions sont différentes suivant les villes d'implantation des antennes et la diversité des traditions et des interventions locales.

Les différences entre les départements en matière de gestion du RSA par les caisses d'allocations familiales sont énormes. Lors de notre déplacement à Beauvais, nous avons constaté que les relations entre le conseil général et la caisse sont inexistantes dans un cadre très disparate, rural au Nord et urbain au Sud.

En matière de financement du fonds de solidarité logement, nous proposons de mettre en place une participation minimale obligatoire de l'ensemble des fournisseurs d'énergie publics et privés, conformément à la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, EDF ayant toujours rempli ses obligations à ce titre, les autres fournisseurs, comme POWEO, le faisant par conventionnement depuis que la loi leur en fait obligation, mais dans des conditions très floues.

Les CAF ont un rôle essentiel dans les contrats de ville, or elles sont en train de s'en éloigner. Il faut inverser cette tendance.

Si nous n'avons pas pu auditionner l'Assemblée des départements de France, elle nous a remis une contribution que nous avons prise en compte.

Dans beaucoup de secteurs, les appels à projets sont trop nombreux, occupant un salarié à temps plein. Une programmation et des contrats pluriannuels, sur trois ans par exemple, permettrait une utilisation plus rationnelle des compétences.

L'idée des crèches mixtes collectivités locales-entreprises nous est venue à Lille où la CAF a une crèche d'entreprise. Lorsqu'une entreprise dispose d'une crèche de taille suffisante, elle pourrait s'ouvrir à la collectivité et favoriser une mixité sociale bienvenue. Ces initiatives nouvelles sont à encourager.

La visite du relais d'assistants maternels (RAM) de ma commune, qui comprend 220 assistantes maternelles toutes inscrites au RAM, m'a montré l'ambiance chaleureuse et la réactivité extraordinaire de cette structure, capable de répondre à l'urgence, aux demandes spécifiques aux personnes handicapées, aux enfants malades. Aussi nous proposons, lorsque c'est possible, en secteur urbain, de rendre obligatoire l'adhésion des assistants maternels au RAM pour obtenir l'agrément. Les assistants maternels pourront ainsi accéder, par exemple, à une formation aux premiers secours bienvenue.

En matière de rythmes scolaires, les maires qui nous ont écrit nous ont fait part de leur inquiétude de voir les activités actuellement assurées par les centres sociaux réorientées vers ces besoins nouveaux. La prudence s'impose, la situation étant très différente suivant les communes, mais les financements des centres sociaux doivent être maintenus. Or, on a constaté que, dans un certain nombre d'endroits, des activités avaient été gelées. Ce n'est pas le cas à Paris qui semble avoir disposé d'une dérogation exceptionnelle, alors qu'en province tout était gelé… Ces pratiques n'ont pas amélioré, à leurs débuts, l'image de la mise en place des nouveaux rythmes scolaires.

Nous devrions pouvoir, tous ensemble, préconiser la suppression de la gestion trimestrielle de l'allocation aux adultes handicapés. La lourdeur de la procédure pour les personnes concernées n'est pas acceptable. Le retour à une gestion annuelle serait le minimum. De même, il serait opportun d'appliquer un calcul unique pour la minoration des ressources des allocataires en situation de chômage afin de ne plus faire varier cette minoration en fonction des allocations dont ils bénéficient. Tous nos interlocuteurs nous ont indiqué que ce serait, en fait, faire gagner de l'argent aux CAF et que cela éviterait, pour des sommes dérisoires, de créer des indus et des procédures ingérables… La fraude réelle, 119 millions d'euros, existe, et n'est, certes, pas négligeable : elle doit être combattue, mais l'essentiel des indus devrait ne faire l'objet que de sanctions administratives modérées.

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