Intervention de Eva Sas

Séance en hémicycle du 15 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEva Sas :

En première lecture de ce projet de loi de finances rectificative, puis lors de l’examen du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, nous avons déposé des amendements constructifs, pour proposer un changement de cap de la politique gouvernementale. Nous visions trois objectifs simples : mieux cibler les aides aux entreprises, aider directement l’emploi au travers des contrats d’apprentissage et des emplois d’avenir, et investir dans la transition écologique.

Nous avons été constructifs en proposant d’abord un ciblage plus précis des aides aux entreprises, notamment le crédit d’impôt compétitivité emploi – CICE – et le crédit d’impôt recherche – CIR –, afin d’éviter les effets d’aubaine pour les entreprises qui, parfois, n’ont pas besoin de ces aides.

S’il faut soutenir les PME, simplifier leurs démarches administratives, aider leur développement, à l’inverse, nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller l’argent public, fruit de l’effort des contribuables, pour que de grands groupes champions de l’optimisation fiscale bénéficient d’une manne dont ils n’ont pas besoin. Il faut rappeler ici que les entreprises du CAC 40 captent 1 milliard sur les 5 milliards d’euros du CIR, alors même que ce crédit d’impôt était destiné, à l’origine, aux PME.

Cette mesure est utile, il faut la développer, la simplifier et la sécuriser pour les PME, mais elle ne doit plus être détournée de son objectif premier. Le rapport de la Cour des comptes de juillet 2013 est très clair. Nous pouvons mieux cibler le dispositif « sans remettre en cause son efficacité ». Alors que tant de PME éprouvent des difficultés à obtenir le CIR, il est particulièrement anormal que les grands groupes, eux, en captent facilement une part aussi importante.

Les amendements que nous proposions étaient simples : plafonner le CIR au niveau des groupes, interdire l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité pour l’augmentation des dividendes ou la rémunération des dirigeants. Pourtant, nous n’avons pas été entendus.

Nous avons été constructifs, ensuite, en proposant de soutenir les emplois d’avenir. Ces contrats que l’on dit « aidés », le sont en fait beaucoup moins que ceux créés par le CICE, qui coûteront au contribuable 60 000 euros par emploi, alors qu’un emploi d’avenir ne revient qu’à 12 000 euros par an. Ce sont des contrats utiles, qui permettent à notre jeunesse de construire son parcours professionnel.

Nous avons été constructifs, également, en proposant de développer les contrats d’apprentissage, dont les chiffres sont en baisse constante depuis 2012. Cette baisse a même atteint 13,7 % au premier trimestre 2014. L’amendement de Mathieu Hanotin a ainsi manqué d’être adopté, à 4 voix près. Et s’il a reçu un tel accueil dans l’hémicycle, c’est parce que ce sont des mesures simples et efficaces qui préparent l’avenir de la jeunesse et de nos entreprises.

Nous avons été constructifs, enfin, en proposant de soutenir la transition écologique pour faire émerger un nouveau modèle de développement, porteur d’emplois et protecteur de l’environnement. J’y reviendrai, mais cela supposait, a minima, de maintenir le budget du ministère de l’écologie.

Au travers de ces propositions, nous avions un objectif central : utiliser au mieux l’argent public, qui est le fruit de nos impôts, renforcer l’efficacité de nos politiques de création d’emplois et construire un nouveau modèle économique porteur d’avenir autour de la transition écologique. Nous avons défendu ces amendements en convergence avec une partie de la majorité. Malgré cet esprit constructif, force est de constater que nos demandes n’ont pas été entendues, comme d’autres émanant d’autres parties de votre majorité.

Plus gênant encore, lors de l’examen du PLFRSS, comportant l’autre volet de votre pacte de responsabilité, vous avez dû recourir à la réserve des votes concernant une partie du texte, notamment pour éviter que le Parlement n’adopte l’allégement de la CSG pour les ménages aux revenus modestes et les classes moyennes. Ces allégements d’impôts auraient pourtant répondu aux attentes des Français, à qui vous avez demandé tant d’efforts depuis le début de cette législature.

Nous avons effectué notre travail de parlementaires et fait des propositions pour améliorer ce projet de loi, en défendant des mesures souhaitées par une grande partie des Français. Vous n’avez pas voulu les adopter à ce stade, et nous le regrettons. Mais Paris ne s’est pas fait en un jour, et si des mesures sont prises demain en faveur des ménages, ainsi que l’a laissé entendre le Président de la République hier, nous pourrons dire que nos débats n’auront pas été inutiles.

En revanche, nous n’avons pas décelé de volonté quelconque en matière d’écologie dans les propos du Président de la République. Si nous nous sommes engagés chez les écologistes, c’est que nous avions la conviction profonde que l’écologie doit être au coeur de nos politiques publiques.

Nous ne pouvons plus rester sans rien faire devant la dégradation de notre environnement et l’épuisement de nos ressources. Notre qualité de vie s’en ressent chaque jour, les nuisances liées au trafic routier et aérien s’amplifient, les particules fines sont responsables de 42 000 morts prématurées chaque année, la qualité de notre alimentation se dégrade et nous n’agissons pas assez face au principal danger qui menace l’avenir de nos enfants : le réchauffement climatique. Le dernier rapport du GIEC est malheureusement clair : au rythme où la température de la terre se réchauffe, nous aurons dépassé les deux degrés Celsius supplémentaires d’ici à 2030, le niveau de la mer pourrait s’élever d’un mètre d’ici à la fin du siècle, et les événements climatiques extrêmes, que nous connaissons déjà, se multiplieront. Nous ne pouvons rester sans rien faire.

Comme le disait Pierre Radanne, j’ai deux nouvelles : une mauvaise et une bonne. La mauvaise, c’est que c’est grave ; la bonne, c’est que nous avons les solutions. Vous connaissez les solutions : une agriculture biologique accessible à tous, des économies d’énergie avec, d’abord, l’isolation des logements, le développement des énergies renouvelables – éolienne et solaire –, des projets de transports collectifs. Non seulement ces solutions nous apporteront une meilleure qualité de vie, à nous et à nos enfants, mais elles peuvent aussi créer des emplois. Vous ne pouvez l’ignorer, car les études se multiplient et vont toutes dans le même sens.

La Commission européenne a évalué, en janvier, qu’une politique d’investissements dans la transition énergétique pourrait créer 1,2 million d’emplois en Europe à l’horizon 2030, pour un coût proche de zéro car les investissements, estimés à 22 milliards d’euros par an, seraient entièrement compensés par les économies réalisées sur la facture énergétique. Dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, les auditions d’entreprises comme Saint-Gobain ou du syndicat des énergies renouvelables ont montré également que 220 000 emplois pouvaient être créés dans l’isolation des logements et 150 000 dans les énergies renouvelables.

Alors, qu’attendons-nous pour soutenir le développement de l’économie verte ? Pourquoi constatons-nous, au contraire, dans ce collectif budgétaire, que l’écologie ne fait pas partie de vos priorités, puisque vous amputez son budget de 288 millions d’euros ? Pourquoi choisissez-vous de couper les crédits des investissements d’avenir consacrés à l’innovation pour la transition écologique et énergétique, aux villes et aux territoires durables ?

Pis encore, vous introduisez dans ce PLFR une révision à la baisse de la taxe poids lourds, devenue simple péage de transit, dont le réseau taxable est divisé par trois et les recettes par deux. Que sont devenues les ambitions du Grenelle de l’environnement de diminuer le trafic des poids lourds sur nos routes ? Comment favorisera-t-on le développement du fret ferroviaire et du transport fluvial ? Sans cette taxe, comment réalisera-t-on demain les projets de bus, de métros, de tramways, nécessaires pour permettre à tous de se déplacer et désengorger nos villes, congestionnées par le trafic automobile ?

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que nous abordons cette nouvelle lecture avec quelque inquiétude. Nous avons déposé un nouvel amendement visant à rétablir le budget de l’écologie. C’est pour nous une priorité. Nous vous demandons, parce que notre planète en a besoin et parce que c’est le modèle de développement de demain, de partager notre conviction qu’il faut miser sur l’économie verte et sur l’écologie. En un mot, nous vous demandons de faire enfin de l’écologie l’une des priorités du Gouvernement.

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