Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 15 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dès l’annnonce, par le Président de la République, du lancement du pacte de responsabilité et de solidarité, le 31 décembre 2013, le groupe UDI s’est dit ouvert au dialogue. Nous aurions en effet pu le soutenir car il reposait sur une idée simple que nous avons toujours défendue : baisser fortement les charges fiscales et sociales pesant sur les entreprises en diminuant corrélativement les dépenses publiques pour financer ces baisses, afin de faire remonter le niveau de l’emploi en France. En nous abstenant majoritairement sur le programme de stabilité budgétaire pour 2015-2017, nous avons répété notre souhait que ce pacte tourne définitivement la page des deux premières années du quinquennat en apportant une réponse puissante à l’urgent problème du chômage. Malheureusement, plus de six mois après les annonces, il est à présent clair que M. le Premier ministre n’a pas la majorité de sa politique. Face à une majorité qui se fissure, le Gouvernement n’ose plus avancer et recule même parfois.

Le collectif budgétaire pour 2014, que le Sénat, dans sa grande sagesse, a rejeté, comme d’ailleurs tous les textes budgétaires depuis le début de la législature, est donc un quadruple aveu d’échec du Gouvernement, qui a échoué à redresser les comptes publics de notre pays dans la justice, à relancer la compétitivité de nos entreprises, à améliorer le pouvoir d’achat des ménages et à renouer avec la croissance.

En premier lieu, alors que le Gouvernement avait voulu faire croire que la hausse massive des impôts serait payée par les ménages les plus riches, ce sont en fait les classes modestes et moyennes qui ont été les plus affectées par la hausse massive des prélèvements obligatoires sur les ménages. Rappelons que le Premier ministre d’alors promettait, le 27 septembre 2012, que « neuf contribuables sur dix » ne seraient pas concernés par la hausse de la fiscalité.

Mais le peuple français a bien vu que l’augmentation des impôts et des cotisations sociales a bien davantage frappé les classes moyennes que les très riches et que ce sont les deux tiers des Français qui ont payé la note. Oui, ce sont bien les classes moyennes qui ont payé en 2013 la majorité des 14 milliards d’euros d’impôts nouveaux sur les ménages décidés par le Gouvernement. Gel du barème de l’impôt sur le revenu, fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, amputation de 0,3 % des retraites perçues par les retraités imposables, augmentation de 6 euros de la redevance audiovisuelle, relèvement du forfait social sur la participation et l’intéressement constituent autant de mesures qui ont gravement amputé le pouvoir d’achat des ménages. Celui-ci a connu une baisse globale de 0,9 %, une première depuis 1984, soit une baisse moyenne de 1,9 % du pouvoir d’achat de chaque ménage, puisque le nombre de ménages augmente d’environ 1 % par an.

En 2014, la politique menée a également eu des effets désastreux sur les ménages modestes. La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille et la suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé, ajoutées à l’extension en année pleine de la fiscalisation des heures supplémentaires et à l’abaissement du plafond du quotient familial pour chaque demi-part, ont fait entrer dans l’impôt sur le revenu un nombre considérable de nos concitoyens. Ce nombre est estimé à près d’un million de foyers en deux ans et demi, d’après les chiffres de notre rapporteure générale.

Pourtant, les revenus de ces concitoyens souvent modestes n’ont pas augmenté. La pause fiscale promise par le Président de la République en réponse au ras-le-bol fiscal des ménages n’a donc été qu’un mirage. N’oublions pas les 6,5 milliards d’euros liés à l’augmentation de la TVA au 1er janvier 2014, qui a touché l’ensemble de nos concitoyens. Vous dénonciez cette mesure lorsque vous étiez dans l’opposition, chers collègues socialistes, mais une fois majoritaires, vous l’avez rétablie après l’avoir annulée. Il ne s’agissait plus, semble-t-il, d’une mauvaise solution, contrairement à ce que vous disiez quand vous étiez dans l’opposition.

La France, selon le rapport publié par Eurostat la semaine dernière, est le troisième pays d’Europe pour le poids de ses prélèvements obligatoires. C’est pourquoi le Gouvernement, voyant les tensions s’accroître fortement, a présenté en urgence une mesure visant à compenser en partie les effets catastrophiques de sa politique. Ainsi, les mesures proposées à l’article 1er du présent projet de loi visent à rendre non imposables 1,9 million de foyers qui seraient, sinon, soumis à l’impôt sur le revenu. Mais la moitié d’entre eux étaient probablement devenus imposables du fait des mesures prévues par la loi de finances pour 2014. Votre politique, monsieur le secrétaire d’État, c’est deux pas en arrière, un pas en avant ! Après avoir ponctionné le pouvoir d’achat des ménages français de plus de 20 milliards d’euros en deux ans, vous leur en rendez 1,16, soit 6 % de la hausse ! Votre politique relève de l’amateurisme le plus complet et ne fait que renforcer la défiance de nos concitoyens à l’égard du Gouvernement. Le pacte de confiance est rompu et les mesures proposées ne sont pas à la hauteur des enjeux.

En outre, comme le dit dans un style très « Cour des comptes » notre collègue Dominique Lefebvre, la mesure du Gouvernement fait sortir de l’impôt sur le revenu autant de contribuables qu’il y en était entré, mais il n’est pas certain que ce sont les mêmes. Nous vous le confirmons. Nous sommes même certains du contraire ! À cet égard, monsieur le secrétaire d’État, nous souhaiterions obtenir une réponse précise à une question toute simple : combien de foyers fiscaux non imposables au titre des revenus de 2012 et devenus imposables au titre des revenus de 2013 en raison des mesures prévues par la loi de finances pour 2014 vont redevenir non imposables ? Nous n’avons toujours pas la réponse à cette question simple.

En outre, qu’en est-il des pertes de recettes de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales découlant de la sortie de l’impôt sur le revenu de 1,9 million de foyers fiscaux ? Vos errements économiques placent la représentation nationale mais aussi, et de manière bien plus grave, l’ensemble des Français dans une incertitude peu supportable. C’est pourquoi le groupe UDI vous demande, par le biais d’amendements, de revenir immédiatement sur les trois mesures injustes qui ont fait basculer plus d’un million de nos concitoyens dans l’impôt sur le revenu.

En second lieu, votre politique a échoué à redresser les comptes publics de notre pays. Rappelons que le candidat Hollande promettait pendant la campagne présidentielle de ramener le déficit de la France à 3 % dès 2013. Les déficits publics se sont réduits beaucoup plus lentement en raison des erreurs de stratégie économique et budgétaire du Gouvernement et de sa majorité. Les déficits publics atteindront, selon la Cour des comptes, environ 4 % du PIB en 2014 et l’objectif de 3 % fixé par Bruxelles pour 2015 semble d’ores et déjà hors d’atteinte, à moins de prendre des mesures drastiques pour le soutien desquelles le Gouvernement n’aura pas de majorité. Le gouvernement dont vous êtes membre, monsieur le secrétaire d’État, sera donc condamné à demander un nouveau report de cet objectif, parions là-dessus dès ce soir une bouteille de champagne – une bouteille de chez moi.

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