Intervention de Francis Vercamer

Séance en hémicycle du 21 juillet 2014 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrancis Vercamer :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, nous commençons aujourd’hui l’examen en deuxième lecture du projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale, après le rejet de votre texte par le Sénat.

Sans doute, en commençant l’examen de ce texte devant le Parlement, n’imaginiez-vous pas, madame la ministre, monsieur le ministre, à quel point celui-ci aurait une dimension rectificative. Il rectifie en effet la portée des engagements de baisse de charges formulés par le Président de la République devant les Français le 31 décembre dernier puis par le Premier ministre dans cet hémicycle en avril. De ce fait, il rectifie également l’approche que nous pouvions nous-mêmes avoir de ce pacte de responsabilité et de solidarité qui s’annonçait comme un tournant de la politique économique et sociale menée depuis le début du quinquennat.

Le débat parlementaire sur ce projet de loi a enfin rectifié, sinon les contours de votre majorité, tout au moins les relations que le Gouvernement peut entretenir avec une partie d’entre elle. L’adoption avec seulement dix-huit voix d’avance de ce projet de loi en première lecture dans notre assemblée et son rejet au Sénat augurent mal de la cohésion de votre majorité à l’approche de la session budgétaire de l’automne. Ce qui devrait d’autant plus vous inquiéter que cette session s’annonce, à vous en croire, comme la session des choix fondamentaux visant à réduire la dépense publique.

En effet, les baisses de charges et de cotisations envisagées par ce texte pour les salariés et les entreprises ne s’appliqueront qu’au 1er janvier prochain. Cette baisse de charges entraînant pour les organismes de Sécurité sociale, en l’occurrence la branche famille, une baisse de recettes, vous vous gardez bien de préciser par quelles économies vous entendez compenser celle-ci, renvoyant les choix à l’automne – sauf à ce que vous choisissiez à nouveau de reporter ces choix fondamentaux, méthode qui vous permet de préserver, après bien des déboires et avec bien des difficultés, votre majorité. Méthode dont ce texte est l’illustration. En effet, pas une seule des grandes mesures d’exonération et de baisse de charges que vous proposez aujourd’hui ne s’appliquera avant le 1erjanvier prochain.

Avec le pacte de responsabilité, le Gouvernement aura donc perdu un an : une année sans prendre les mesures fiscales indispensables pour soutenir le pouvoir d’achat et redonner des marges de compétitivité à nos entreprises. Il aurait pu donner, dès cette année, un signe fort dans le domaine fiscal, en direction des salariés et des entreprises.

En la matière, depuis 2012, vous partez de loin : vous avez d’abord supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires de plus de neuf millions de salariés. Vous avez ensuite, pour un montant de 13 milliards d’euros, supprimé des allégements de charges qui bénéficiaient à nos entreprises. En cumulant cette mesure avec l’alourdissement de la fiscalité des entreprises de 14 milliards d’impôts supplémentaires depuis 2012, c’est un fardeau de plus de 27 milliards d’euros de fiscalité nouvelle qui pèse sur la compétitivité de nos entreprises.

Il était donc nécessaire d’adresser aux salariés, aux employeurs, dès cette année, un signal fort, tant pour conforter le pouvoir d’achat que pour alléger les charges qui pèsent sur le travail, donc sur nos entreprises. Ce n’était pas seulement nécessaire, mais urgent. Or vous ne répondez pas à cette urgence.

De la même manière, votre projet de loi ne répond pas à l’exigence de sincérité qui doit présider à tout exercice budgétaire. En effet, l’équilibre financier sur lequel ce projet de loi est construit repose sur une hypothèse de croissance de 1 %, alors même que l’INSEE ne table que sur une croissance de 0,7 %. Depuis lors, cette prévision de croissance a encore été fragilisée par la lourde chute de l’activité industrielle enregistrée en mai. Là encore, la réalité économique apporte à votre texte un rectificatif qui, malheureusement pour notre pays, ne va pas dans le bon sens.

Non, décidément, ce projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale ne s’inscrit pas dans une démarche responsable et solidaire. Il n’est pas responsable parce qu’il repose, nous venons de le voir, sur une hypothèse de croissance d’ores et déjà erronée. Il n’est pas responsable parce qu’il évite toute mesure structurelle concernant l’avenir de notre protection sociale, la structure de son financement et la manière dont nous abordons de nouveaux enjeux, notamment en matière de santé publique.

Ce faisant, ce projet de loi évite les seules dispositions en mesure de rétablir, sur le long terme, l’équilibre des comptes sociaux. Vous différez ces mesures qui, seules, peuvent pourtant donner du sens aux efforts que vous imposez à nos concitoyens. Vous allez même jusqu’à supprimer des crédits, pourtant indispensables, pour la modernisation des hôpitaux, alors même que bien des établissements attendent le feu vert de l’État pour investir dans la rénovation de leurs équipements, et que cette modernisation est source, à terme, d’économies. Nous doutons que le Gouvernement puisse engager une maîtrise durable des dépenses de santé en sacrifiant les crédits de modernisation de nos équipements hospitaliers.

Il n’y a pas davantage de précision quant à la réforme de l’organisation de notre système de santé, la constitution de véritables parcours de soins, le rôle de l’hôpital en articulation avec la médecine de ville, le développement de l’hospitalisation à domicile ou de la chirurgie ambulatoire.

De même, ce projet de loi n’est pas davantage solidaire, parce que les seuls efforts d’économies qu’il contient, vous les faites reposer sur les classes moyennes, mais également sur les plus modestes, par le biais du gel des prestations sociales ; c’est vrai notamment pour les retraités, qui se voient infliger dix-huit mois de gel de la revalorisation de leurs pensions.

Alors que nous abordons la deuxième lecture de ce texte, le groupe UDI entend rester fidèle à sa logique d’opposition constructive, déterminée et responsable. Quand un texte ne nous semble pas aller dans le bon sens, nous privilégions d’abord un travail de proposition pour en améliorer les dispositions. Nous formulerons ainsi des propositions pour accélérer et amplifier les baisses de charges envisagées par le Gouvernement, et pour qu’elles s’appliquent dès le 1erseptembre prochain, sans attendre l’année 2015. Nous inviterons par ailleurs le Gouvernement à redéfinir sa position sur la suppression des crédits de modernisation des établissements de santé. Nous l’inciterons également à ne pas alourdir les contraintes administratives pesant sur les entreprises, en particulier dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire.

Certes, nous ne nous faisons pas d’illusion sur la capacité du Gouvernement à écouter ces propositions, alors même qu’il est aux prises avec la tentation de sécession d’une partie de sa majorité. Peut-être aurons-nous néanmoins plus de chance avec nos propositions concernant les charges des particuliers employeurs ? En effet, le secteur de l’emploi à domicile concerne encore aujourd’hui 3,6 millions de particuliers employeurs et 1,6 million de salariés. En 2012, les particuliers employeurs ont versé 12,2 milliards d’euros de salaires nets et cotisations sociales pour 1,8 milliard d’heures rémunérées.

Le secteur des services à la personne était alors l’un des plus dynamiques et connaissait l’un des plus forts taux de recrutement du pays. Ce secteur connaît depuis une dégradation inédite ainsi qu’une recrudescence du travail non déclaré. Ce sont 29,5 millions d’heures qui ont été déclarées en moins en 2013 par rapport à 2012, soit près de 16 500 emplois en équivalent temps plein détruits. Pour la première fois en 2013, la masse salariale nette du secteur des particuliers employeurs recule en rythme annuel de 2,2 %.

Le groupe UDI estime que porter à 2 euros par heure la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs permettrait d’adresser un message fort de confiance à nos concitoyens et à nos concitoyennes employeurs à domicile. Cette mesure les conforterait dans leur capacité à créer de l’emploi et à agir pour plus de cohésion sociale et de solidarité locale. La commission des affaires sociales du Sénat avait adopté, la semaine dernière, un amendement portant à 1,50 euro la déduction forfaitaire.

Nous souhaitons que l’Assemblée nationale puisse se prononcer en faveur d’une mesure permettant un allégement de charges pour les particuliers employeurs. Cette mesure contribuerait à faire reculer à nouveau le travail non déclaré et participerait ainsi à l’amélioration des conditions d’emploi dans ce secteur aux effectifs non négligeables.

C’est donc en espérant malgré tout de la part du Gouvernement une réelle capacité d’écoute que le groupe UDI aborde cette deuxième lecture. Il est cependant bien évident que, si l’attitude du Gouvernement devait être identique à celle qu’il a adoptée lors du premier examen de ce projet de loi, nous ne pourrions que confirmer notre vote contre ce texte.

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