Intervention de Bruno Parent

Réunion du 16 juillet 2014 à 10h00
Commission d'enquête sur l'exil des forces vives de france

Bruno Parent, directeur général de la direction générale des finances publiques, DGFiP :

L'exil fiscal est un sujet bien connu de la DGFiP car cela fait plus d'une décennie que l'on réfléchit à ces questions. Et, en dépit des progrès qu'on a pu accomplir, c'est toujours un sujet aussi difficile techniquement.

Plusieurs raisons y concourent. D'abord, notre système d'information a pour objet la gestion fiscale, et non la statistique sur les éventuels exils fiscaux. En faisant écho au questionnaire que vous nous avez fait parvenir, auquel nous allons répondre dans des délais brefs, la distinction entre un national et un étranger n'existe pas dans les fichiers fiscaux. Voilà déjà un premier exemple des failles de notre système d'information. De même, certaines informations ne sont disponibles qu'à l'issue d'un cycle de traitement qui peut être considéré comme long. Pour quelqu'un de connu à l'impôt de solidarité sur la fortune – ISF – en juin 2012 et qui, pour des raisons diverses, ne se trouverait plus être déclarant à cet impôt en juin 2013, il ne sera possible de comprendre sa situation – s'agit-il d'une défaillance ? D'un départ à l'étranger ? Y-a-t-il des biens taxables en France ? – qu'après un dialogue avec lui, qui n'interviendra qu'à l'automne 2013 et se dénouera éventuellement en 2014 : ce n'est donc qu'en 2014 au mieux qu'on y verra clair sur un départ éventuel intervenu au deuxième trimestre 2012. Ces délais sont aussi des garanties pour le contribuable évidemment.

Troisièmement, la fiabilité de certains éléments que l'on peut porter à votre connaissance est parfois très imparfaite. Aussi, pour les non-résidents imposables à la taxe d'habitation ou à la taxe foncière sur notre territoire, nos fichiers sont faits de telle sorte que l'on va compter autant de contribuables qu'il a de biens sur le territoire. On aboutit donc à une majoration de nos chiffres.

Le plus difficile est de passer en quelque sorte de la photographie au film. Si on peut affirmer qu'au titre de telle année, X contribuables, qui autrefois payaient Y d'impôt sur le revenu, se sont délocalisés, on ne peut additionner – ce serait une aberration – les cohortes ainsi constatées et en déduire sur une longue période l'importance de l'impôt sur le revenu perdu par le budget de l'État.

Ce sont de vraies difficultés que nous n'avons pas réussi à surmonter comme les difficultés de recoupement, notamment avec les éléments dont dispose le ministère des Affaires étrangères au travers des consulats. Il n'y a pas d'identifiant commun et il n'y a donc pas de possibilité de faire des travaux statistiques de qualité.

Il faut trouver un équilibre entre le souhait d'améliorer la connaissance statistique d'un phénomène et les obligations pesant sur les contribuables. Nous ne questionnons pas ceux-ci de manière détaillée sur des éléments éventuellement utiles pour cette analyse, en particulier pour les biens professionnels qui sont exonérés d'ISF.

Enfin, on ne peut être que frappé par l'amalgame fait médiatiquement entre départ à l'étranger et motivation fiscale, celle-ci existe mais elle n'explique pas toujours ce départ et n'est pas exclusive d'autres motivations. Le passage entre les statistiques brutes et les conclusions à en tirer au regard de notre système fiscal doit donc être abordé avec prudence.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion