Intervention de Stéphane le Foll

Séance en hémicycle du 11 septembre 2014 à 9h30
Agriculture alimentation et forêt — Présentation

Stéphane le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement :

Tous ces débats ont permis de définir une ligne directrice, un projet autour de la combinaison de la performance économique, de la performance environnementale, et de la performance sociale. Nous avons, me semble-t-il, défini quatre grands objectifs.

Le premier est de produire autrement, pour arriver à être performant à la fois sur le plan économique et sur le plan environnemental. Cet objectif s’est décliné dans toutes les discussions sur les produits, phytosanitaires, sur la lutte contre l’antibiorésistance et sur la définition même de l’agroécologie.

Hier, devant l’Assemblée nationale, je suis intervenu sur la question de la directive Nitrates pour dire quelque chose de simple : dans cette nouvelle conception des modèles de production agricole, des choses vont changer. Nous allons nous fixer pour objectif Nous allons nous fixer pour objectif de développer beaucoup plus de matière organique dans les sols, beaucoup plus de microbiologie. Les dernières recherches de l’INRA ont permis de démontrer que la microbiologie permettait de transformer les oxydes nitreux en azote, ce qui permettrait d’éviter le réchauffement climatique. Voilà les enjeux. Plus de matières organiques dans les sols signifiera plus de carbone dans les sols, et il faudra aussi plus d’azote pour faire vivre les sols, leur permettre d’avoir cette capacité de résilience à l’érosion hydrolienne, éolienne, et de constituer un élément de biodiversité, de stockage de carbone, tout en produisant afin d’atteindre l’objectif de combiner performance économique et performance environnementale. Ce projet de loi, et toutes les discussions qui l’ont entouré, porte ces changements importants pour l’avenir de l’agriculture.

Le deuxième objectif est d’enseigner autrement. C’est pourquoi nous avons débattu de l’enseignement agricole, de sa réalité et de ses qualités. La mobilité sociale et la promotion sociale sont des réalités dans l’enseignement agricole. C’est extrêmement précieux au moment où nous devons nous adresser à la jeunesse, où nous devons parler de l’avenir et donner à chaque jeune la capacité de réussir. L’enseignement agricole, au vu des résultats qui sont les siens, est un enseignement d’excellence, et nous devons le promouvoir, le renforcer et le soutenir, comme nous l’avons fait au cours de nos débats.

L’enseignement agricole va aussi permettre, demain, de construire le projet de l’agroécologie. Cet enseignement doit évoluer, et c’est pourquoi nous avons d’ores et déjà intégré dans les référentiels de l’enseignement agricole tous les éléments nouveaux qui vont être introduits, mis en oeuvre et enseignés. Les exploitations de l’enseignement agricole vont aussi être des lieux de démonstration des nouveaux modèles de production, de mise en application de cette nouvelle conception de l’agriculture qui, je le rappelle, combine performance économique et écologique.

Nous avons aussi fait le choix de l’acquisition progressive des diplômes dans l’enseignement agricole pour assurer à celui qui commence un cursus la capacité d’aller jusqu’au bout. Ces messages envoyés à l’enseignement agricole dans le cadre du projet de loi d’avenir de l’agriculture valent aussi pour l’enseignement de manière générale. Permettre de toujours progresser, donner cette capacité à acquérir le savoir et à le transformer en possibilité de trouver un emploi et s’insérer dans le marché du travail, c’est tout l’enjeu de cette partie sur l’enseignement agricole.

Le troisième objectif est de rechercher autrement. Au début de nos discussions, il existait un doute : tout serait fait contre la science, contre la recherche. Et ressurgissait le débat, qui dure depuis des années, des organismes génétiquement modifiés. Nous avons besoin, pour lancer ce processus, pour réussir, au contraire de redonner une capacité à la recherche scientifique française. Nous avons eu des débats importants sur cette question, et l’innovation et la recherche scientifique sont au coeur de ces débats.

J’évoquais l’exemple du travail de l’INRA sur le rôle des micro-organismes dans les sols. Mais il existe de nombreux autres sujets, et bien d’autres enjeux. Rechercher autrement, c’est aussi l’un des messages de cette loi d’avenir. Nous devons nous appuyer sur l’innovation et la recherche. C’est pour cela que nous avons décidé de mettre en place l’Institut agronomique, vétérinaire et forestier de France – le terme forestier a été introduit à la demande de Jean-Yves Caullet – afin que cette force de recherche permette de porter le message de l’agroécologie dans toutes ses dimensions : sanitaire, agricole et agronomique, forestière. Cela donnera du corps à l’ensemble que représente l’agriculture, la forêt et l’agroalimentaire. Surtout, cela donnera une force supplémentaire à la recherche, c’est aussi un enjeu de ce projet de loi.

Quatrième objectif de ce projet de loi : développer autrement. C’est un enjeu majeur. Notre projet de développement est de combiner performance économique et performance environnementale, d’assurer la viabilité et valoriser la diversité de l’ensemble des agricultures. Je n’ai pas oublié nos débats sur l’agriculture de montagne et les nombreuses interventions, de nuit, le matin ou l’après-midi, pour défendre cette agriculture. Elle a sa place au sein de cette diversité.

Développer autrement, c’est aussi considérer que demain, notre agriculture aura besoin de chefs d’exploitation, qu’on les nomme agriculteurs, cultivateurs, paysans ou éleveurs, peu importe. Cette diversité des mots montre d’ailleurs bien la diversité des fonctions dans l’agriculture. Aujourd’hui, nous ne sommes pas toujours capables de les synthétiser en une seule dénomination. Mais c’est aussi une force. Que fait cette loi d’avenir ? Elle ne cherche pas à trancher cette question : elle cherche au contraire à rassembler, à synthétiser.

En matière d’installation, le projet de loi vise à offrir un cadre nouveau pour la gestion du foncier – j’ai rappelé nos débats sur le rôle des SAFER, l’accès au foncier, l’agrandissement et l’installation – parce que demain, nous aurons besoin d’une agriculture avec des agriculteurs. C’est le message fort de cette loi. Et pour avoir des agriculteurs, il faut que nous installions des jeunes. C’est pourquoi nous nous sommes dotés d’outils dans le cadre de cette loi permettant d’assurer le renouvellement. Il en va ainsi de l’activité minimale d’assujettissement – l’AMA – qui permettra aux jeunes qui s’installent de savoir que ce n’est pas la surface qui va compter, mais l’activité économique qui sera développée. Les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers – les CDPENAF – permettront de gérer les terres agricoles face aux enjeux urbanistiques et aux projets d’infrastructures.

Il faut protéger la terre agricole pour l’avenir, je l’ai dit au cours de nos débats. Si l’on se projette dans les années à venir, la France qui compte aujourd’hui 65 millions d’habitants dépassera la barre des 70 millions d’habitants. Nous ne pourrons pas continuer à consommer de l’espace agricole sans prendre la précaution de le préserver pour l’avenir, car c’est notre capacité de production agricole, et donc alimentaire, qui serait remise en cause. Et cela aussi, nous l’anticipons.

Développer autrement, ce fut aussi l’objet de nos débats sur les GIEE. La création de ces structures manifeste la volonté de créer un cadre. Nos débats ont été extrêmement intéressants, et j’ai rappelé qu’ils se sont conclus par cette belle citation de René Char par André Chassaigne. Il faut un cadre, mais souple. Tout est possible à condition que chacun des acteurs, et en particulier les agriculteurs, puisse s’en saisir pour développer des projets, des objectifs territoriaux et agricoles, des relations contractuelles avec les collectivités territoriales et les associations. C’est aussi cela que l’on trouve dans ce projet de loi, dans nos débats et qui fera la force de cette future loi.

Nous avons aussi parlé de la forêt et évoqué des objectifs économiques qui sont au coeur d’un débat aujourd’hui. Comment est-il possible que la grande forêt française ne puisse subvenir à nos besoins ? Comment pouvons-nous accepter que cette grande forêt puisse produire des billes de bois que nous exportons, alors que nous importons ensuite des produits transformés ? Il convient donc de mobiliser cette ressource, de l’organiser et de procéder à des regroupements, dans le cadre des groupements d’intérêt économique environnementaux et forestiers.

À ce sujet, la création du Fonds stratégique de la forêt et du bois est très importante, et le débat se poursuivra lors de la discussion du projet de loi de finances.

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