Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 15 septembre 2014 à 17h00
Lutte contre le terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Implosion aussi des régimes arabes confrontés, depuis le printemps tunisien, à la soif de dignité, à l’envie de sortir enfin de la misère et de l’échec.

Face à cette immense secousse tellurique… le vide. L’ordre de Yalta qui, après Suez, avait succédé à celui des anciennes puissances coloniales, est mort avec la fin de Guerre froide. Quant à la pax americana qui s’est ensuivie, au moment unipolaire américain, il s’est définitivement enlisé dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak.

En Syrie, face à la Russie, alliée de l’Iran et du régime syrien, l’Occident, après avoir hésité, a finalement préféré « sous-traiter » le problème aux puissances régionales – la Turquie et les États du Golfe –, lesquelles ont donné naissance à ce monstre appelé « État islamique ».

En Libye, l’intervention franco-britannique a involontairement provoqué à l’intérieur du pays le chaos que l’on sait, et un véritable flot d’armements est venu nourrir d’autres foyers djihadistes au Mali, dans l’ensemble de la bande sahélo-saharienne et jusqu’au Nigeria.

Entre intervention militaire et non-intervention, livraisons d’armes et frappes aériennes, menace de bombarder, hier les forces d’el-Assad, aujourd’hui celles de ses ennemis djihadistes, choix d’isoler l’Iran et besoin de s’appuyer sur lui, l’Occident cherche en vain une stratégie face à une menace qui ne cesse de muter et de se déplacer, du Moyen-Orient au Sahel et à l’Afrique noire. Voilà pourquoi, mes chers collègues, cette guerre n’en est qu’à ses débuts.

Ce qui la rend pour nous encore plus immédiate, c’est qu’elle trouve son vivier chez nous, parmi ces Français, soit issus de l’immigration, soit convertis à l’islam, qui choisissent, en s’y engageant, de combattre leur propre pays – c’est-à-dire de nous combattre.

On tue des militaires français, eux-mêmes issus de l’immigration, pour l’exemple ; on assassine une petite fille à bout portant, d’une balle dans la tête, parce qu’elle est juive ; on poste sur Facebook des vidéos de jeunes Français convertis ou issus de l’immigration, exhibant leurs kalachnikovs, leurs blessures, voire une tête sanguinolente que l’on vient de trancher, et invitant leurs amis et leurs familles à les rejoindre dans cette guerre joyeuse. Il faut voir ces vidéos, mes chers collègues, pour toucher du doigt la violence extrême, le fanatisme absolu, et mesurer ce qui attend notre pays dans les mois et les années à venir, quand ces terroristes-là rentreront chez nous.

Lors d’une récente visite à Bagdad et à Erbil, nous avons pu, avec certains collègues, mesurer les ravages causés par ces combattants du djihad. Les survivants chrétiens, yézidis ou musulmans, nous ont raconté les exécutions de masse, les viols, les ventes de femmes et la destruction systématique de tout ce qui n’est pas purement islamique.

L’armée islamique compte 40 000 combattants, dont 10 000 étrangers, parmi lesquels se trouve un bon millier de Français. Cette armée est très bien équipée ; elle dispose d’un vaste territoire ; elle est riche de centaines de millions de dollars, lève l’impôt et vend même du pétrole ; elle sait aussi, contrairement à Ben Laden, utiliser à plein les moyens de communication modernes, de l’internet aux réseaux sociaux. Face à une menace d’une telle ampleur – qui, je le répète, ne fait que commencer –, face aux ravages que cause cette propagande d’un type nouveau sur une partie de notre jeunesse, il était plus que temps d’agir.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui ne peut prétendre – on le comprend aisément – aborder toutes les facettes du problème extrêmement complexe auquel nous sommes confrontés.

Si l’appel au djihad rencontre un tel écho chez nous, c’est qu’il révèle, monsieur le ministre, des décennies d’échecs majeurs de notre société : immigration subie et largement non contrôlée, au niveau national comme au niveau européen – l’arrivée de 100 000 clandestins en Italie depuis le début de l’année montre à quel point les accords de Schengen sont dépassés ; échec du modèle français d’intégration ; faiblesse insigne des instances musulmanes, pourtant les mieux placées pour montrer en quoi la dérive djihadiste n’a rien à voir avec la pratique de la religion ; échec de notre politique carcérale, puisque nos prisons sont devenues, avec internet, l’un des viviers de la radicalisation et du recrutement ; échec du renseignement, avec l’identification tardive de Merah et l’arrestation à l’aveuglette de Nemmouche ; absence de coordination efficace à l’échelon européen – et que dire de la complaisance avec laquelle nous avons entretenu les meilleures relations avec des États qui, soit financent le terrorisme depuis des années, soit laissent passer leur frontière par familles entières à des djihadistes européens ? Nul doute que les mois et les années à venir nous donneront, hélas !, l’occasion de revenir sur chacune des dimensions du problème.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui est donc une première étape, certes utile, dans la mesure où il marque une prise de conscience de la gravité de la menace, mais qui ne suffira pas s’il ne s’accompagne pas rapidement d’une série de mesures en matière de contrôle de l’immigration, d’éducation, de mobilisation de la communauté musulmane de France contre l’extrémisme et de politique carcérale, ainsi que d’une meilleure coordination de nos services de renseignements, d’efforts accrus en matière de défense et d’une politique étrangère qui ait un véritable cap et ne se résume pas à suivre les oscillations de la politique américaine.

Nous aurons, lors de la discussion des articles, l’occasion de revenir en détail sur les mesures que vous proposez, monsieur le ministre. Je le dis d’emblée, j’approuve celles qui touchent au contrôle de la propagande mortifère sur internet, de même que les dispositifs prévoyant une meilleure coordination interministérielle dans la lutte contre le terrorisme. Dans le même ordre d’idées, nous soutiendrons l’évolution de notre loi afin de criminaliser les actes commis par les fameux loups solitaires.

Il n’en demeure pas moins que le texte me paraît comporter des insuffisances dans au moins quatre domaines fondamentaux.

Premièrement, le texte est muet sur le financement du terrorisme, alors que la résolution, récente, no 2170 du Conseil de sécurité des Nations unies, renforce les obligations des États en la matière. J’attends du Gouvernement des mesures simples et fortes, en particulier s’agissant du gel des avoirs de ceux, y compris les dirigeants d’États, qui, de près ou de loin, aident au financement du terrorisme ou de la propagande terroriste.

Deuxièmement, il me paraît indispensable, aussi bien à des fins pédagogiques que de dissuasion, de créer dans notre droit une interdiction à tout citoyen français de porter les armes dans un conflit à l’étranger, sauf dans les conditions prévues par la loi.

1 commentaire :

Le 16/09/2015 à 19:05, oliver wallas (auteur compositeur poète ) a dit :

avatar

Monsieur Nous trouvons actuellement sur divers site dont notamment Facebook ce genre de vidéo qui salit l'image de la France https://www.facebook.com/postedeveille.ca/videos/1143077059053937/?fref=nf

Qu'est il possible de faire pour interdire cette propagande

La violence engendre la décadence et la souffrance de tous les êtres oliver wallas Ledlm

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion