Intervention de Bernard Cazeneuve

Séance en hémicycle du 16 septembre 2014 à 21h30
Lutte contre le terrorisme — Article 1er

Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur :

Premièrement, comme vient de le rappeler Mme Bechtel, le juge administratif est un juge des libertés. Tous les arrêts importants du droit administratif témoignent du fait que le juge administratif a été capable, au fil de l’histoire – et parfois au cours de périodes marquées par une tension extraordinaire – de défendre les libertés publiques de façon remarquable. D’autre part, le fait que le juge administratif se prononce après avoir été saisi en référé n’interdit en rien le juge judiciaire de judiciariser l’affaire sur la base des éléments qui pourraient lui avoir été transmis par l’administration. La loi n’en fait évidemment pas état puisqu’il n’y a aucune automaticité entre la saisine du juge administratif et celle du juge judiciaire, mais celui-ci n’en demeure pas moins libre d’enclencher l’action publique.

Je comprends que, sur de tels sujets, par positionnement politique ou pour faire écho à tel ou tel article de presse qui prend une posture plutôt traditionnelle, il puisse être intéressant de défendre ce type d’arguments. Je crois néanmoins qu’il faut les défendre sur le terrain du droit, et non pas en se fondant sur des impressions, des appréciations, voire des articles de presse plus ou moins exacts. Il faut raisonner à partir de ce que dit le droit. Je tiens à le rappeler, car le débat que nous abordons touche à des questions fondamentales – la sécurité, nos libertés publiques – et qu’à ce titre, il faut être extrêmement rigoureux lorsque l’on convoque telle ou telle notion de droit.

En réponse aux interventions de MM. Féron, Dhuicq et Chevrollier, qui appelait le Gouvernement à davantage de prévention, je rappellerai plusieurs points. Tout d’abord, nous « mettons le paquet » sur la prévention, à ceci près que cette action ne relève pas du domaine législatif et ne figure donc pas dans la loi ; elle n’en existe pas moins. À cet égard, il est bon que l’État mobilise l’ensemble de ses services pour que la prévention soit efficace. J’en citerai deux exemples.

Lorsque la plateforme de signalement que nous avons créée a permis de signaler près de trois cents cas de familles désespérées de constater que l’un de leurs enfants était en situation de rupture, qu’avons-nous fait ? J’ai pris deux circulaires visant à ce que les préfets du ressort territorial des jeunes en question ou de leurs familles se mobilisent en lien avec les procureurs de la République et l’ensemble des services de l’État afin d’aboutir pour chaque cas particulier à une solution spécifique tenant compte des motivations constatées chez l’intéressé lors de son départ ou lorsqu’il a formulé son intention de partir. Ce dispositif s’applique dans tous les départements. Il a empêché un très grand nombre de départs et a permis à de très nombreux jeunes de s’engager dans un processus essentiel de réinsertion et de reprise du dialogue. Nous allons amplifier ce dispositif préventif qui mobilise toutes les administrations de l’État.

Ceci étant, quelle que soit la rupture qui conduit à ce basculement, rien ne saurait l’excuser car rien ne peut le légitimer. Aucune rupture familiale, de quelque nature qu’elle soit – familiale, sociale – ne justifie qu’une personne puisse à un moment donné, au nom de ce que qu’elle a vécu, torturer, exécuter, crucifier. Ce n’est ni envisageable ni acceptable.

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