Intervention de Laurence Hézard

Réunion du 11 septembre 2014 à 11h00
Délégation aux outre-mer

Laurence Hézard, membre du Conseil économique, social et environnemental, rapporteure, au nom de la section des activités économiques, sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte :

Nous retenons avant tout de ce projet de loi la dynamique concrète impulsée par les propositions qu'il contient. Le CESE se soucie toutefois que les objectifs et les actions à engager fassent l'objet d'une hiérarchisation : si certaines propositions peuvent être mises en oeuvre immédiatement, d'autres doivent faire l'objet d'un travail plus approfondi.

Si ce projet de loi permet à tous les acteurs, au niveau national comme au niveau territorial, d'être responsabilisés, chacun voyant ses marges de manoeuvre clairement définies pour mieux s'approprier l'ensemble des dispositifs et les mettre en oeuvre en fonction de son environnement, il aura créé une belle dynamique. Pour autant, nous avons identifié un certain nombre de points qui méritent d'être précisés.

La notion de performance énergétique des bâtiments est intéressante. Elle permet de mobiliser l'ensemble des personnes concernées, du maître d'ouvrage et du maître d'oeuvre aux occupants des bâtiments. Cela implique néanmoins, si l'on veut véritablement réduire l'impact des gaz à effet de serre, de réaliser des économies d'énergie et de maîtriser la facture énergétique, de définir des objectifs qui permettent de prendre les bonnes décisions en termes de matériaux et d'organisation de l'habitat. Les mesures proposées sont intéressantes, leur financement – tiers investisseur, ou implication des collectivités locales – reste à préciser. De même, on ne voit pas très bien ce qui peut inciter aujourd'hui un propriétaire à réaliser des travaux de rénovation, qui exigent souvent de lourds investissements. La question du retour sur investissement demeure un vrai point d'interrogation.

Le problème de la précarité a retenu notre attention. Force est de constater que nombre de personnes en situation précaire habitent dans des logements énergivores, ce qui exige de mettre en place, en amont, des solutions permettant de leur proposer un habitat moins consommateur en énergie. Si le « chèque énergie » trouve sa place dans les dispositifs d'aide aux familles en difficulté, il n'a pour autant pas vocation à financer des travaux de rénovation de l'habitat. Il doit par ailleurs s'accompagner de mesures qui ne relèvent pas de la loi mais de l'action des services publics de proximité, ciblée vers la recherche de solutions individuelles.

Nous notons que le transport fait l'objet du titre III du projet de loi. Les mesures proposées ne nous satisfont pas pleinement, car nous considérons que la solution du tout-électrique n'est pas celle qui doit être retenue. Il faut rester ouvert à des solutions adaptées aux différents usages et aux différents environnements. Il existe aujourd'hui d'autres carburants – le gaz naturel pour véhicules, le GPL – et des moteurs hybrides. Ne les excluons pas, tout en poursuivant les recherches sur les biocarburants de deuxième génération.

Pour maintenir la dynamique de la filière automobile, il est essentiel d'organiser la cohérence entre les objectifs, la réglementation et les incitations fiscales. Cela permettra aux constructeurs automobiles de continuer à travailler sur la réduction de la consommation du nombre de litres par kilomètres mais aussi sur la diminution des gaz à effet de serre et des particules.

Si l'on veut atteindre l'objectif de 32% d'énergies renouvelables en 2030, il est nécessaire de faire évoluer les dispositifs de soutien et de régulation, et de mettre en place un pilotage qui prenne en compte la maturité qu'ont atteinte certaines technologies permettant d'ores et déjà de produire de l'électricité à un coût intéressant. Dans cette optique, nous préconisons d'accroître la transparence et la lisibilité de la contribution au service public de l'électricité (CSPE). La création d'un organisme chargé du pilotage de la CSPE nous paraît à ce titre une bonne mesure. Nous soutenons par ailleurs l'idée qu'il faut simplifier les procédures, bien plus lourdes chez nous que dans d'autres pays, que ce soit au plan administratif ou technique : construire des éoliennes ou des installations photovoltaïques est une bonne chose, mais encore faut-il pouvoir acheminer l'électricité jusqu'au consommateur. D'où l'importance d'appréhender les projets dans leur globalité.

En matière de nucléaire, les membres du CESE expriment, comme l'ensemble de la société civile, des positions contrastées. Unanimes sur la question de la sûreté des centrales actuelles, nous sommes partagés sur la définition du bon mix énergétique, étant entendu que, au-delà des positions de principe défendues par chacun, nous ne disposons pas des éléments nous permettant de privilégier un scénario plutôt qu'un autre. Il faut, pour cela, clarifier pour chaque énergie son coût total, ce qui inclut son coût environnemental, mais également son coût en termes de traitement des déchets, de gestion du risque, de bilan carbone, d'emploi et de formation. Il est indispensable également de pouvoir évaluer l'impact de chaque scénario sur la facture du consommateur.

Ce projet de loi doit être l'occasion de responsabiliser chacun, du décisionnaire – à chacun des niveaux qui émergeront de la future loi sur les territoires – au citoyen. La transition énergétique ne pourra s'accomplir avec succès que si elle implique tous les acteurs, les entreprises comme les ménages, les uns et les autres ayant à repenser leurs modes de consommation, en se tournant, le cas échéant, vers des énergies de proximité.

Nous avons jeté un oeil attentif et parfois critique sur le dispositif de pilotage proposé dans la loi. Un nombre important d'organismes sont créés ; il est important de clarifier leurs rôles respectifs et leurs interactions, comme il est important de clarifier quels sont les organismes existants qui seront supprimés. Mieux vaut être exemplaires que redondants si l'on veut créer une dynamique positive.

Une programmation pluriannuelle sur cinq ans dessinant une trajectoire énergétique est une bonne chose. Il importe néanmoins de conserver des marges de manoeuvre, pour pouvoir s'adapter, le cas échéant, aux évolutions économiques et géopolitiques. Nous devons nous en tenir à des objectifs peu nombreux mais mobilisateurs, et envisager des points d'étape qui permettent d'évaluer, sous forme de bilans, l'efficacité des actions retenues aux niveaux local, régional, ou national. C'est important pour installer la confiance et enclencher une dynamique qui se traduise par des résultats positifs.

En ce qui concerne le développement des Outre-mer, nous nous sommes beaucoup appuyés sur le rapport de notre collègue Patrick Galenon, à qui nous avons emprunté le terme de laboratoire. C'est pour nous un terme très positif dans la mesure où il évoque l'innovation, mais je comprends qu'il puisse avoir des connotations négatives, et sans doute faudra-t-il le préciser. Cette perspective, quoi qu'il en soit, ne peut être envisagée sans que s'opère un véritable transfert de compétences. Les Outre-mer doivent pouvoir saisir cette chance d'un nouveau développement industriel qui peut faire de vos territoires des modèles à suivre pour les zones non-interconnectées.

Le dispositif de la CSPE doit faire l'objet d'une clarification, je n'y reviens pas.

L'émergence d'un nouveau secteur énergétique et industriel dans les zones non-interconnectées aura naturellement un impact, pour l'heure difficile à évaluer en termes d'emploi. Il implique des efforts dans le domaine des compétences et de la formation, ainsi que la mise en place d'un pilotage qui assure la coordination entre les solutions développées localement et la politique énergétique conduite en métropole.

La recherche enfin doit s'attacher à explorer l'ensemble des technologies possibles.

J'en termine avec ces quelques réflexions, plusieurs de nos recommandations, notamment en matière de gouvernance, ayant d'ores et déjà été prises en compte dans la nouvelle rédaction du projet de loi.

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