Intervention de Pierre Lellouche

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Avant l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

M. Ciotti a évoqué, à l’adresse de M. le président de la commission des lois, la mobilisation des députés de son groupe à la dernière seconde. Je suis, pour ma part, surpris de la faible mobilisation des élus, y compris sur les bancs de mon propre groupe, face à un sujet aussi grave. Le jour où des attentats se produiront, nous aurons tous l’air fin devant nos électeurs ! Le décalage entre l’agitation médiatique qui entoure certaines questions et la gravité du moment est étonnant. Sans doute les historiens s’y intéresseront-ils, le moment venu.

Je souhaitais voir figurer l’amendement 31 rectifié avant l’article 1er car, face à la véritable hémorragie – au sens propre du terme – de centaines ou de milliers de jeunes Français qui vont faire la guerre et commettre des actes terroristes, en particulier en Syrie et en Irak, il fallait que le Gouvernement envoie un signal fort, qui soit à la fois dissuasif et pédagogique, à l’adresse de toutes les composantes de la communauté nationale. Il s’agissait en effet de proclamer une idée simple : la participation d’un citoyen français à des opérations de guerre hors du territoire national n’est possible que dans le cadre des forces armées ou de sécurité françaises engagées conformément aux lois de la République.

La rédaction proposée, qui tient compte à la fois du recours à des mercenaires pour la sécurisation des navires et des opérations commanditées par l’État – car ces pratiques sont parfois nécessaires –, affirme qu’un jeune Français désireux de s’engager pour une cause noble doit le faire au sein des forces armées ou de sécurité de la République, à l’exclusion de toute autre cadre dans lequel il pourrait prendre les armes à l’étranger. Cela n’exclut nullement, pour de jeunes Français au coeur noble, la possibilité de s’engager, sans armes, dans des organisations humanitaires – la France en a donné l’exemple à travers le monde et j’ai moi-même constaté en Irak la présence de telles organisations. Ce qui doit être interdit, c’est cette hémorragie de jeunes qui vont faire la guerre et décapiter des gens avant de s’exhiber sur Facebook dans des vidéos où ils brandissent des têtes sanguinolentes – j’en ai vu – et de faire l’apologie de leur départ.

Il faut donc créer un délit-obstacle général et édicter une interdiction globale qui soit un message à la France et aux jeunes Français, affirmant l’interdiction de prendre les armes à l’étranger. Vous pourrez alors dérouler votre filet au moyen de l’article 1er, qui vise à permettre de bloquer, à la sortie du territoire, puis à leur retour, des personnes identifiées comme potentiellement dangereuses.

Monsieur le ministre, cette loi serait incomplète sans cette disposition, mais il n’est pas trop tard pour l’y introduire à la faveur de son examen au Sénat, sous la forme d’un amendement gouvernemental qui aurait une grande force pédagogique pour l’opinion, affirmant qu’il est interdit de partir prendre les armes à l’étranger, sous peine de sanctions immédiates.

Je pense que ce texte est incomplet sans cet article ; aussi, je vous suggère vraiment de le placer avant l’article 1er, parce que nous avons besoin de ce message à ce stade. Croyez-moi, si, comme je le crains, nous sommes l’objet d’attentats dans les semaines ou les mois qui viennent, il faudra bien en venir là si le flot continue. Or tout indique malheureusement, compte tenu des conditions de recrutement par internet ou dans nos prisons, que ce flot va continuer, parce que les conditions du déchirement interne du monde musulman, ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de le dire, ont des racines géopolitiques profondes. Nous ne sommes donc absolument pas au bout de l’histoire, ni en Irak, ni en Syrie, ni dans la région du Proche-Orient. Cette hémorragie va se poursuivre, monsieur le ministre : c’est pour cela que ce texte est indispensable.

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