Intervention de Alain Marsaud

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Avant l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Marsaud :

Ces amendements en discussion commune ont finalement tous à peu près le même objet car, même s’ils sont rédigés de manière assez différente, ils tendent à combler une lacune existant dans ce texte de loi. Ainsi que je l’ai dit à la tribune, ce projet de loi est un texte éminemment préventif : il fait tout pour empêcher les Français et d’autres nationaux de partir combattre dans des pays de djihad. Mais une grande interrogation demeure : que prévoit-il en termes de répression ? En réalité, il crée le délit d’entreprise individuelle de terrorisme, qui permet de poser quelques questions à ces personnes à leur retour ; mais ce n’est pas suffisant. Or ce délit d’entreprise terroriste individuelle, dont nous reparlerons tout à l’heure lorsqu’il viendra en discussion, sera extrêmement difficile à mettre en oeuvre, comme l’a été d’ailleurs le délit d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste dont j’assume une forme de paternité – pardon de le rappeler – et que j’ai eu l’occasion de mettre en pratique. C’est très difficile ! Et il nous a souvent fallu, tant du côté du législateur que de la magistrature, tenter d’imaginer les meilleurs moyens de faire tenir ce type de délits. Les condamnations pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ont été assez rares par rapport au nombre de poursuites, et nous aurons sans doute le même problème avec l’entreprise terroriste individuelle car les éléments qualificatifs sont assez difficiles à réunir.

J’avais eu l’occasion de dire – cela a pu m’être reproché, mais je le maintiens : nécessité fait loi ! C’est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous propose de retenir la répression et de criminaliser ceux qui s’en vont « combattre hors de France sans l’autorisation expresse des autorités françaises compétentes ». Cela constituerait un délit que je propose de punir de cinq ans d’emprisonnement.

J’estime que votre projet de loi est hémiplégique, car il ne prévoit pas de récupérer tous ces gens qui vont revenir. Qui sont ces gens qui vont revenir ? Sans doute des gars qui sont partis là-bas comme on part à Katmandou ; sans doute des gens qui sont partis faire la vaisselle ou la cuisine ; mais certains autres auront peut-être eu quelques mauvaises intentions : on l’a vu hélas, et on a eu l’occasion de le payer très cher ces derniers temps ! Je vous propose donc tout simplement de retenir ce délit, qui est sans doute plus facile à caractériser et à qualifier pour les services enquêteurs et pour les magistrats que le délit d’entreprise terroriste individuelle.

J’ai entendu sur les bancs de la majorité quelques excès de langage : je me suis même fait accuser de vouloir interdire au général de Gaulle d’aller à Londres lancer son appel du 18-Juin si ce délit avait existé ! Tout ce qui est excessif est insignifiant, naturellement !

Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que vous étiez plein de bonne volonté et que vous souhaitiez entendre un peu – beaucoup ! – l’opposition : cela serait peut-être effectivement l’occasion, non pas de nous faire une bonne manière, mais de rééquilibrer un texte qui en a sans doute besoin. Ce que vous nous proposez en termes de répression sera difficile à mettre en oeuvre – je parle bien de répression : je ne vise pas le départ, car les articles précédents seront d’une certaine efficacité, du moins je l’espère. Par contre, nous n’avons pas les moyens d’accueillir les revenants ni de mettre en place une procédure – interpellation, mise en garde à vue, le juge décidant ensuite si cela relève du contrôle judiciaire, de la détention ou si cela doit se terminer par une relaxe ou un non-lieu.

Voilà donc l’élément qui manque à votre texte : ce n’est pas pour rien que quatre parlementaires de l’opposition, sans se concerter – MM. Lellouche, Ciotti, Myard et moi-même ne nous sommes absolument pas concertés, sinon nous n’aurions présenté qu’un seul amendement –, ont proposé ces amendements allant dans le même sens. Cela montre bien que nous avons constaté, nous qui nous intéressons un peu à ce sujet, qu’il y avait un manque dans votre texte.

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