Intervention de Alain Marsaud

Séance en hémicycle du 17 septembre 2014 à 15h00
Lutte contre le terrorisme — Avant l'article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Marsaud :

Je ne répondrai pas au ministre car je sens qu’il est entièrement hermétique à notre proposition. Je vais donc répondre au rapporteur.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez dit, globalement : « il y a de bons et de mauvais conflits ; il va donc falloir faire le tri ». Historiquement ou géographiquement parlant, je vous avoue que je ne vois pas trop quels sont actuellement les bons conflits… mais admettons qu’il y en ait.

Face à cela, il y a un principe essentiel, qui est celui de l’opportunité des poursuites, principe selon lequel le procureur n’engagerait pas les poursuites à l’égard de tel ou tel porteur de kalachnikov dans tel ou tel pays.

Ce principe s’est appliqué il n’y a pas tellement longtemps. Vous le savez ou vous ne le savez pas, monsieur le rapporteur, mais il y a quelque temps, on était peu regardant sur les gars qui allaient combattre en Syrie, au motif qu’ils allaient combattre M. Assad. On n’a rien fait pour les poursuivre, ces gars-là, y compris ceux qui sont revenus. C’est peut-être comme cela, d’ailleurs, qu’on a raté MM. Merah et Nemmouche. Bref, nous n’allons faire de procès à personne. Maintenant, il paraît qu’on poursuit tout le monde, que tous les djihadistes sont mauvais. On ne fait plus le tri entre le bon grain et l’ivraie.

Monsieur le rapporteur, ce principe d’opportunité des poursuites nous met à l’abri d’une mauvaise interprétation. Si vous avez de bons conflits, de bons combats, vous n’aurez qu’à y envoyer les Français.

Vous parlez de la loi de 2012. Elle permet effectivement de poursuivre ceux qui se rendent coupables d’association de malfaiteurs terroristes à l’étranger. Certes, mais la difficulté de mise en application d’une disposition, celle d’association de malfaiteurs terroristes, subsiste. Encore une fois, je vous le dis : c’est sans doute une des incriminations les plus difficiles à mettre en oeuvre dans notre droit, ce qui explique d’ailleurs un certain nombre de relaxes ou d’acquittements après des poursuites que la cour ou le tribunal a jugé hasardeuses.

Hier, je reprochais au ministre de faire beaucoup dans la prévention et peu dans la répression. En réalité, le délit que nous proposons de constituer est préventif parce que si vous dites à un gars : « tu ne dois pas partir là-bas car tu risques de commettre le délit d’association de malfaiteurs ou d’entreprise individuelle terroriste », il vous rira au nez. En effet, il ne viendra pas à l’idée de cette personne de chercher de quoi est constitué ce délit.

Ce sera autre chose si vous le mettez en garde en disant : « si tu vas porter les armes en Irak ou en Syrie – vous voyez ces combattants sur ces deux photographies – et si on te prend en photo, ou en vidéo comme le dit mon collègue Lellouche, on te demandera des nouvelles lorsque tu reviendras. » Je crois qu’effectivement, on entre là dans un système de prévention. L’idéal serait alors que, premièrement, la personne ne parte pas, deuxièmement, qu’elle ne porte pas les armes et troisièmement, qu’elle évite de se faire photographier. Mais si, justement, cette personne évite de se faire photographier et de faire des vidéos, ce sera peut-être déjà un des éléments d’avancée de ce texte car cela sera de nature à nuire au prosélytisme auquel elle veut se livrer.

1 commentaire :

Le 21/09/2014 à 23:24, chb17 a dit :

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« On était peu regardants... au motif qu'ils allaient combattre al Assad » en Syrie.

Le Député Marsaud invoque l'opportunité de poursuivre, pour trier le bon terroriste du mauvais : il s'agit donc d'envoyer des troupes non officielles faire un sale boulot que l'armée ne peut assumer en l'état des "coalitions internationales". Quitte à désavouer ensuite (voire incriminer, via cette loi) ceux qui auraient travaillé avec trop d'enthousiasme, et auraient le mauvais goût de revenir vivants.

Il s'agit aussi de donner plus de pouvoir à l'exécutif, en instrumentalisant la représentation nationale dans une opération de verrouillage des libertés.

Eh ben.

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