Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Lutte contre le terrorisme — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Revoilà le fameux blocage administratif des sites, dont nous parlons depuis plusieurs années et contre lequel, même si je suis bien seul ce matin, je continuerai de me battre. Le passage en amont par un juge devrait être un principe incontournable, comme l’affirme d’ailleurs, je le répète, le Conseil national du numérique. De plus, avant juin 2012, les députés socialistes émettaient des réserves et demandaient des évaluations et des moratoires. Je vous épargne toutes les interventions, mais nous pourrions y passer la matinée. J’ai même retrouvé sur un amendement à la loi LOPPSI de 2010, signé notamment par MM. Valls et Urvoas, lesquels expliquaient que l’instauration de mesures de filtrage exigeait une période expérimentale préalable. Or, aujourd’hui, je ne lis plus rien de tout cela dans votre texte.

Je ne reviens pas sur les nombreux avis négatifs émis contre cette mesure. Toutefois, le dernier en date est particulièrement intéressant, puisque le directeur de l’agence nationale de sécurité des systèmes d’information en personne s’estime très réservé d’un point de vue technique, comme je l’ai dit hier soir. Je ne comprends pas que ce gouvernement n’ait pas pris la peine d’écouter les avis d’experts. Pour cause, il serait absurde d’imposer aux fournisseurs d’accès à internet le blocage au niveau de l’URL, qui ne peut être mis en oeuvre dans un réseau que par le biais de la technique particulièrement intrusive, coûteuse et risquée du DPI, même si le ministre de l’intérieur a dit qu’il n’y aurait pas recours. Tout cela vient s’ajouter au caractère déjà illusoire du blocage, puisqu’il est facilement contournable. Par exemple, sur les réseaux sociaux, il n’est pas possible de bloquer un seul contenu – et vous le savez –, à moins de bloquer entièrement le site, ce qui n’est envisageable que dans des pays où la démocratie est une option. Aux dernières nouvelles, ce n’est pas le cas de la France.

Je sais votre attachement au droit, monsieur le ministre, et votre expérience en témoigne. Mais je crains qu’avec l’exercice du pouvoir exécutif vous ayez perdu de vue que le droit a tout à gagner à être applicable. En commission, vous avez introduit la CNIL dans la boucle, lui conférant un nouveau rôle, celui d’un référent chargé de la surveillance. Cela atténue le problème, mais l’ensemble reste assez flou et surtout cela me conforte dans l’idée qu’une réflexion globale doit être menée, puisque vous avez en effet bel et bien récrit et revu l’ensemble du dispositif prévu à l’article 6 de la LCEN, ce qui, de fait, ne concerne pas seulement le terrorisme. Cette réécriture s’étant faite sans étude d’impact, ni concertation préalables, il est difficile de dire si c’est une bonne ou une mauvaise idée.

Après l’examen des textes sur la prostitution et l’égalité femmes-hommes, je le demande une nouvelle fois : il faudrait mener une vraie réflexion sur l’efficacité du dispositif, que l’on sait imparfait, au lieu de le modifier à chaud. En le modifiant ainsi, vous confirmez votre préférence pour le blocage administratif, sans passage préalable par le juge. Ce n’est pas une fatalité, c’est un choix, le vôtre et celui du Gouvernement, que je ne partage pas, car on peut facilement le qualifier de dangereux. C’est pourquoi je propose la suppression des alinéas 3 à 7.

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