Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Lutte contre le terrorisme — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

Au terme de ces débats, je ne reprendrai pas l’ensemble de ce projet, qui, est, je crois, un texte équilibré. Je voudrais simplement dire quels sont les deux points majeurs autour desquels s’articule notre accord.

Il y a d’abord la préservation des libertés, s’agissant notamment, puisque nous avons eu de longs débats sur ce point, du blocage de sites faisant l’apologie du terrorisme ou provoquant directement à la commission d’actes terroristes.

Je ne reviendrai pas sur les excellents propos du ministre, qui ont été relayés d’ailleurs par M. Larrivé à un certain moment du débat, sur le rôle de la police administrative, rôle utile parce que cela nous permet d’être suffisamment réactifs pour bloquer des sites dangereux, mais aussi protecteur. En matière de police administrative, on ne le redira jamais assez, la France dispose d’un juge spécifique, qui peut intervenir rapidement et qui réalise depuis de très longues années déjà une oeuvre majeure en matière de libertés publiques, qu’il s’agisse des droits des étrangers ou des droits de la presse. Faut-il rappeler l’arrêt Frampar pendant la guerre d’Algérie ou toute autre progression des droits et libertés ?

À cet égard, et bien qu’il ne soit plus là, je ferai remarquer à Christian Paul, mais aussi à nos collègues du groupe écologiste qu’en matière de presse, puisqu’il s’agit en réalité d’une diffusion de la pensée, l’intervention du juge judiciaire n’est pas une nécessité incontournable et n’a aucun caractère constitutionnel. Nous pouvons comparer ce que nous faisons ici à la possibilité qu’a le Gouvernement d’interdire des publications pour la jeunesse lorsqu’elles présentent un caractère violent ou pornographique. Que je sache, le Gouvernement peut procéder à une mesure de police administrative. Autrefois, il pouvait même interdire les publications d’origine étrangère.

Mais le Conseil d’État, après un contrôle particulièrement vigilant, a exprimé ses réserves et aujourd’hui, sous la pression des institutions européennes, cette disposition n’est plus en vigueur. Mais cette possibilité existe et elle est tout à fait comparable à celle laissée à l’autorité administrative de bloquer des sites de nature provocatrice en matière de terrorisme.

Une autre grande loi républicaine, comparable à la loi sur la liberté de la presse, est celle relative à la liberté d’association. Dans ce domaine, bien que l’essentiel soit aux mains du juge judiciaire, ce qui est une très bonne chose, le Gouvernement a la possibilité, sur proposition du ministre de l’intérieur, d’interdire des associations particulièrement nocives dès lors qu’elles agissent contre les principes de la République.

Toutes ces mesures sont parfaitement comparables et je tiens à rappeler à mes collègues du groupe écologiste ainsi qu’à Christian Paul qu’elles sont bien dans la norme de notre droit, depuis la loi fondée sur celle des 16 et 24 août 1790 qui formalise la séparation des pouvoirs dans notre pays et intègre dans notre tradition la séparation des activités des tribunaux judiciaires et administratifs.

Je voudrais dire à ceux que la question a émus que l’élargissement de l’article 6 de la loi relative à la confiance dans l’économie numérique, qui prévoit le blocage des sites pornographiques, ne convient pas. En effet, il est beaucoup plus difficile de saisir ce qu’est l’apologie ou la provocation à des actes de terrorisme que de constater qu’une image est pédopornographique. J’ajoute que saisir l’apologie et la provocation au terrorisme, c’est déjà ce que fait le juge sur le fondement de la loi de 1881 en pénalisant les délits de presse. Il saura aussi bien le faire à travers la législation existante.

Un certain nombre de pistes de travail sont clairement ressorties de nos débats et je salue la coproduction, au moins partielle, de nos bancs et de ceux de l’opposition. Il est clair qu’en ce qui concerne la faisabilité du blocage des sites, nous devons miser sur la négociation avec les autres États européens et, si possible, avec un grand État d’outre-Atlantique. Cette négociation doit être fermement engagée par l’État et nous faisons confiance au ministre, qui l’a initiée, pour la conduire dans les meilleures conditions.

Je pense qu’il faudra demain agir sur les données cryptées, car il s’agit d’une véritable préoccupation. Il faudra également agir, dans une direction tout à fait différente, pour prévenir le prosélytisme radical en prison.

Un ensemble d’actions doit être engagé, en particulier la contre-radicalisation, ce qui passe par un discours construit, et surtout diffusé, porteur d’une contre-pédagogie destinée aux mineurs sur le thème du terrorisme.

Il est important que la loi que nous allons voter ne puisse encourager les amalgames. À cet effet, nous devons éviter de parler d’islamisme, fut-il radical, et désigner notre adversaire sous son nom, à savoir le salafisme djihadiste.

J’avais également exprimé dans la discussion générale mon souhait de voir les autorités musulmanes de notre pays prendre position. Elles se sont exprimées très fermement en ce sens, le 16 septembre dernier, en appelant notamment les jeunes pratiquant le culte musulman à ne pas entrer dans le djihad. Je les en remercie. Cette démarche était utile au regard de nos principes républicains.

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