Intervention de Christian Eckert

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Présentation

Christian Eckert, secrétaire d’état chargé du budget :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui au nom du Gouvernement le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, appelé de façon générique DDADUE. Ce type de texte vous est désormais familier, même si le dernier texte d’adaptation au droit de l’Union européenne dont vous ayez eu à connaître en matière économique, promulgué au mois de janvier 2013, a déjà presque deux ans. Toutefois, le présent projet de loi est sans doute l’un des plus riches dont votre assemblée ait eu à connaître en matière de transposition. Je remercie donc particulièrement M. le rapporteur, Christophe Caresche, et les membres de la commission des finances de s’y être plongés en profondeur lors de son examen en commission, ce dont est résulté une amélioration substantielle du texte.

La richesse du projet de loi provient aussi de l’activité législative soutenue du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen en fin de législature. Cette activité a été nourrie par les enseignements tirés de la crise financière et a eu pour conséquence de substantielles avancées de l’intégration économique européenne, donc de nouvelles obligations incombant aux États membres en termes d’adaptation de leur droit économique et financier à l’horizon des années 2015 et 2016. C’est l’ampleur de cette tâche, et à certains égards l’urgence de la mener à bien, qui a amené le Gouvernement à préparer un projet de loi spécifique et à solliciter de votre part, mesdames et messieurs les députés, des habilitations à procéder par ordonnance dans certains cas. Elles vous sont demandées dans l’esprit de dialogue qui nous anime et le Gouvernement a parfaitement noté que les parlementaires ont exprimé en commission le souhait, sur lequel je reviendrai, d’être pleinement associés à la rédaction de certaines dispositions sensibles.

Le projet de loi prévoit la transposition de directives et l’adaptation du droit interne au droit de l’Union européenne dans trois domaines principaux, l’achèvement de l’Union bancaire et financière, la transparence financière des entreprises et la protection des consommateurs. Les quatre premiers articles du texte, l’article 9 et les articles 13 à 16 portent sur l’adoption en droit interne de dispositions à caractère financier contribuant à la consolidation du marché intérieur et du système financier européen. Les deux premiers articles ont pour objet de transposer des directives publiées au printemps relatives à la résolution bancaire appelées BRR et d’autres relatives à la garantie des dépôts. Elles parachèvent l’édifice de l’Union bancaire au moyen du règlement relatif au mécanisme de résolution unique plus connu sous l’acronyme MRU pour la mise en oeuvre duquel le Gouvernement sollicitera toute à l’heure une habilitation par voie d’amendement.

Initiée à l’été 2012 par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne et de la zone euro, l’Union bancaire repose sur plusieurs piliers. Il s’est d’abord agi de mettre en place un mécanisme de supervision unique qui fonctionne et supervisera bientôt directement les 120 plus grands groupes bancaires de la zone euro. Il s’agit d’une avancée majeure. Une deuxième étape a été franchie avec succès avant l’été lors de la finalisation du mécanisme de résolution unique qui fixe des règles visant à faire face à des situations de crise potentielle en organisant un cadre de faillite ordonnée pour les établissements financiers. L’ensemble formé par la directive BRR, la directive sur la garantie des dépôts et le règlement MRU vise à établir des règles harmonisées au niveau européen en matière de résolution bancaire définissant notamment l’ordre et le montant des pertes, en cas de résolution, supportées par les diverses parties prenantes que sont les actionnaires, les créanciers et enfin les déposants au-delà du plafond de garantie fixé à 100 000 euros.

Cette deuxième étape ne sera pleinement franchie qu’à la mise en place au niveau d’un fonds de résolution unique ou FRU européen financé par les banques. Les modalités de contribution des établissements de crédit français au fonds de résolution unique sont en cours de discussion au niveau européen. J’imagine que de nombreux parlementaires ont été approchés pour évoquer ce sujet sensible pour les organismes financiers de notre pays. Compte tenu des enjeux, le Gouvernement demeure particulièrement vigilant afin que l’équité de traitement entre les secteurs bancaires des différents pays participants à l’Union bancaire soit garantie. Un projet de loi de ratification de l’accord intergouvernemental du 21 mai 2014 portant sur cet aspect du mécanisme sera d’ailleurs très prochainement soumis à votre assemblée.

Enfin, l’Europe s’est attachée à la redéfinition et l’harmonisation des règles prudentielles applicables aux établissements financiers afin d’en limiter les aspects procycliques et de prévenir les faillites dites systémiques. Les banques ont été dotées d’un tel régime par le paquet CRD4CRR que la France aura prochainement transposé intégralement. Les organismes d’assurance seront dotés d’un mécanisme équivalent prévu par la directive bien connue « Solvabilité 2 ». Cette directive constitue une refonte globale du régime prudentiel encadrant l’exercice des activités d’assurance et de réassurance en Europe. Elle renforcera les exigences applicables en matière de solvabilité mais aussi de gouvernance, de contrôle et de transparence. Les travaux de transposition en droit interne de la directive « Solvabilité 2 » dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2016 sont menés sous forme d’une consultation intensive à laquelle sont associés l’ensemble des acteurs concernés.

Un second groupe de dispositions prévues par le présent projet de loi a trait aux obligations applicables aux entreprises. Je pense notamment aux transpositions de la directive « Transparence » à l’article 6 et de la directive « Comptable » aux articles 7 et 8. La transposition de la directive « Transparence » s’inscrit dans le cadre du choc de simplification souhaité par le Président de la République grâce à des mesures concrètes en faveur des entreprises, les PME en particulier. La transposition de la directive prolongera de deux à trois mois le délai de publication des rapports financiers semestriels, ce qui évitera l’effet de surcharge d’information en fin d’été amenant analystes et investisseurs à se concentrer sur les entreprises de premier plan au détriment des ETI et aux PME auxquelles la disposition prévue permettra d’attirer davantage l’attention du marché et d’accéder à de nouveaux financements.

D’autre part, la directive « Transparence » prévoit la suppression de l’obligation de produire une information financière trimestrielle qui entraînait des coûts administratifs élevés et incitait le marché à se concentrer sur la performance de court terme des entreprises. En matière d’information financière, l’activité normative européenne a également abouti à une directive « Comptable » unique au mois de juin 2013. Sur le fondement de cette directive, le Gouvernement a déjà opéré d’importantes simplifications des obligations comptables au profit de près d’un million et demi d’entreprises par une ordonnance prise sur le fondement de la loi de simplification du 2 janvier 2014. Il nous faut à présent achever la transposition en mettant à jour certains articles du code de commerce.

Ce travail sera effectué à grands principes constants. La stabilité normative est aussi gage de simplification et les dirigeants d’entreprise insistent beaucoup sur ce point lorsque nous les rencontrons. La directive « Comptable » comprend par ailleurs une mesure aussi nouvelle qu’’importante relative à la transparence des industries extractives, qui est transposée à l’article 8 du projet de loi et dont j’ai mesuré lors des travaux en commission qu’elle concentrait bien des interventions parlementaires. Cette mesure, la France l’a activement défendue à Bruxelles lors de la négociation du texte. Elle vise à renforcer la responsabilité sociale des entreprises du secteur extractif et d’exploitation des forêts.

À cette fin, elle leur impose de publier chaque année un rapport détaillé, projet par projet, des sommes qu’elles versent aux gouvernements des pays où elles exercent leur activité. L’objectif d’une telle transparence est clair : elle vise à faire connaître précisément aux citoyens et à la société civile des pays riches en matières premières, en premier lieu les pays en développement, les revenus générés par leur exploitation et à mieux en vérifier l’usage par leurs autorités. Ce dispositif européen répond à celui que les États-Unis ont adopté en 2010 et la France promeut son adoption par l’ensemble des membres du G8 et du G20. Le texte prévoit une double publication des informations non seulement au registre du commerce et des sociétés mais également sur le site internet des sociétés afin de garantir un accès simple et gratuit de tout citoyen à ces informations.

Enfin, le présent projet de loi prévoit diverses transpositions renforçant la protection des consommateurs. L’article 10 propose d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive « Crédit immobilier » qui améliore l’information des consommateurs, introduit des règles de bonne conduite pour les prêteurs en matière de crédit immobilier et prévoit une harmonisation de l’information publicitaire et précontractuelle ainsi que la définition d’un cadre pour l’exercice de l’activité d’intermédiaire de crédit immobilier.

L’article 11 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance les dispositions de la directive relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation visant à généraliser la mise en place de mécanismes de résolution amiable des litiges de consommation dans tous les secteurs professionnels. Il s’agit là d’une avancée importante pour les consommateurs français en termes de recours grâce à laquelle ils feront valoir leurs droits aisément et gratuitement. En cas de litige persistant avec un professionnel, les consommateurs pourront s’adresser à un médiateur clairement identifié afin de résoudre le différend, évitant ainsi un éventuel recours à la justice. L’habilitation par voie d’ordonnance est demandée au Parlement en raison du calendrier mais le projet d’ordonnance s’inscrit bien entendu dans la continuité des grands principes de la médiation conventionnelle définie dans le code de procédure civile. Le Gouvernement a bien noté les inquiétudes relatives aux garanties de qualité et d’indépendance des procédures de médiation.

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