Intervention de Sonia Lagarde

Séance en hémicycle du 18 septembre 2014 à 9h35
Adaptation au droit de l'union européenne en matière économique et financière — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSonia Lagarde :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la présidente, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’Europe a connu, ces dernières années, une succession de crises particulièrement violentes. En 2008, la crise des subprimes, en provenance des États-Unis, a durablement ébranlé l’équilibre européen, et seule une coordination efficace, une volonté politique et des moyens considérables ont pu l’enrayer.

Cette crise à peine surmontée, la crise des dettes souveraines a éclaté. Les premières mesures de sauvetage de la Grèce ont été engagées dès 2010, le Mécanisme européen de stabilité financière a été voté en 2012, puis un second plan d’aide a été décidé en juillet 2012. Cette crise extrêmement grave a mis en lumière les failles profondes de l’organisation européenne en matière économique et financière.

De nombreux sommets européens se sont tenus et ont débouché sur un acte essentiel : le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé le 2 mars 2012, après des mois de travail acharné, par les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne, à l’exception du Royaume-Uni et de la République tchèque. À ce rassemblement de vingt-cinq États, la France, le Président de la République et le Gouvernement français ont largement contribué.

Je ne reviendrai pas ici sur l’engagement numéro 11 du candidat Hollande, qui promettait, contre toute attente et en dépit de tous les efforts engagés, qu’il renégocierait le traité européen. La mise en oeuvre de l’ambition du candidat Hollande aurait immédiatement eu des conséquences extrêmement graves pour l’Union européenne, en la privant des outils nécessaires, notamment le Mécanisme européen de stabilité mis en place pour combattre la crise, et en la plaçant à la merci des marchés financiers.

Mais le candidat, devenu Président de la République, s’est heurté dès le lendemain de son élection au principe de réalité. Sa promesse de campagne, finalement abandonnée dans un reniement salutaire, a suscité un grand sentiment d’incompréhension parmi nos partenaires européens. Le groupe UDI a vivement déploré cette situation, au moment où la France aurait plus que jamais dû être un élément stable et moteur de l’Union européenne. Les députés du groupe UDI, qui avaient appelé le Gouvernement à ratifier le traité au plus vite, ont bien entendu voté en ce sens en octobre 2012.

Cette étape était importante, nécessaire, mais, nous le savons, la crise n’est pas encore tout à fait derrière nous, et beaucoup reste à faire pour que l’Union européenne se dote de tous les instruments qui garantiront enfin la stabilité financière et l’intégration économique.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui va dans ce sens. Un travail législatif très important a été engagé au niveau européen ces derniers mois, dans de nombreux domaines, pour tirer les enseignements de ces crises successives.

Les textes adoptés par le Parlement européen et le Conseil doivent désormais être traduits en droit français, afin que soient mises en place au niveau national les obligations qui en découlent pour les États membres.

Comme notre rapporteur l’a rappelé, les sujets abordés sont multiples, relevant aussi bien du droit bancaire, du droit boursier, du droit des assurances que du droit de la consommation, du droit comptable ou de l’open data. Le projet de loi comporte par ailleurs une série de dispositions diverses relatives à des secteurs particuliers comme le nucléaire.

Les députés du groupe UDI, profondément européens, en sont convaincus : ces réformes sont essentielles, pour consolider tant le marché intérieur que le système financier européen.

Toutefois, nous ne pouvons que regretter la rapidité de l’examen par la représentation nationale d’un projet de loi aussi dense, reflet de mois de débats au niveau européen. Les députés du groupe UDI auraient souhaité, tout comme notre rapporteur, qui l’a d’ailleurs souligné lors de l’examen du texte en commission des finances, que, sur des sujets aussi importants, un véritable débat parlementaire ait lieu.

Par ce projet de loi, en effet, le Gouvernement nous demande l’autorisation de transposer de nombreuses directives par voie d’ordonnances. Or, le texte qui nous est soumis n’encadre en rien l’action de l’exécutif.

Monsieur le rapporteur, vous nous assurez que des parlementaires participeront à un groupe de travail qui élaborera certaines ordonnances, et vous nous rappelez que nous pourrons toujours intervenir lors de la ratification. Toutefois, nous craignons que cela ne soit pas suffisant, et nous déplorons que le Gouvernement demande ainsi aux parlementaires de se démunir de leurs prérogatives, alors que nous connaissons parfaitement la pression que peut exercer le système bancaire sur le ministère des finances.

Par ailleurs, nous déplorons que l’impact financier des réformes proposées n’ait pas été évalué. La Fédération bancaire française nous a d’ailleurs mis en garde au sujet du financement du Fonds de résolution unique. À cet égard, je rappelle que le produit de la taxe de risque systémique mise en place en 2011 est affecté au budget général de l’État, et non à un fonds systémique spécifique. Nous serions étonnés que le Gouvernement décide de supprimer cette taxe au profit du financement du Fonds de résolution unique, et qu’il se passe d’une recette annuelle de près d’un milliard d’euros. Pour éviter que les banques ne subissent une double peine, il faut absolument encadrer la délégation que nous accordons au Gouvernement.

Autre sujet sur lequel nous devons faire usage de notre droit d’amendement : l’article 8, qui a engendré de nombreux débats en commission des finances, la semaine dernière. En effet, il est primordial de lutter pour la transparence des activités économiques et financières et, au-delà, du secteur bancaire, ainsi que d’appliquer ces mêmes principes aux industries extractives : nous espérons que des améliorations en ce sens pourront être apportées au cours du débat.

Pour conclure, je souhaiterais redire ici le profond engagement européen du groupe UDI. Oui, une Europe plus forte est nécessaire. Nous n’avons pas le droit de tergiverser, car la crise n’est pas derrière nous : nous le voyons tous les jours avec l’explosion du chômage et la multiplication des plans sociaux. Les Français sont inquiets et attendent une Europe qui les protège de la crise.

Il est évident que l’Union européenne doit évoluer et ne pas rester figée sur son modèle d’origine – qui était d’ailleurs, dès ses prémices, appelé à se perfectionner.

Nous devons donc faire le choix courageux du fédéralisme budgétaire, car nous avons besoin de règles communes, sans lesquelles l’union économique à laquelle nous appartenons ne pourra pas fonctionner durablement. Nous avons besoin d’une Europe plus politique, véritablement intégrée, à l’opposé de l’Europe intergouvernementale que nous connaissons aujourd’hui. La gravité de la situation actuelle a démontré qu’il ne peut exister de zone monétaire unique sans une gouvernance économique, budgétaire et fiscale des États qui partagent la même monnaie.

C’est ce qui nous permettra de sortir de la crise d’ampleur mondiale que nous affrontons, et de préparer la croissance de demain.

Toutefois, nous demandons au Gouvernement de ne pas se substituer à la représentation nationale. Un débat de fond est nécessaire, et nous nous opposerons à tout amoindrissement du travail parlementaire. Le Parlement, s’il est tenu de procéder à des transpositions exhaustives et fidèles, dispose néanmoins d’une certaine marge de manoeuvre et doit pouvoir jouer pleinement son rôle au stade de la transposition des textes européens.

Pour autant, les députés du groupe UDI ne s’opposeront pas à ce projet de loi.

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