Intervention de Emmanuel Macron

Réunion du 17 septembre 2014 à 17h00
Commission des affaires économiques

Emmanuel Macron, ministre de l'Économie, de l'industrie et du numérique :

Il me reste peu de temps pour répondre à tous ; je m'en excuse par avance. Je compléterai mes réponses, autant que possible, par écrit, et je vous propose que nous nous réunissions à nouveau très bientôt et que nous le fassions régulièrement à l'avenir.

Quelle politique conduire pour retenir les grands groupes français sur notre territoire ? Plusieurs instruments ont été créés à cette fin, dont le décret sur les investissements étrangers en France modifié par mon prédécesseur. Au-delà de ce seul texte, j'ai l'intention de structurer l'ensemble de l'apparatus juridique existant. Dans l'affaire Alstom, nous avons dû réagir à chaud, ce qui a posé problème au niveau international en donnant une impression d'arbitraire, alors même que nous avons de bons arguments pour défendre nos grands groupes. Nous ne sommes qu'au début de la réflexion, mais j'aimerais que nous nous inspirions du système américain du CIFUS (Committee on Foreign Investment in the United States), beaucoup plus brutal que le nôtre, pour créer un dispositif global reposant sur une agence indépendante.

Le Président de la République a par ailleurs confié à René Ricol une mission dont l'objet est d'aller chercher dans les « poches » existantes, notamment l'épargne-retraite, des moyens à réinvestir dans les actions, en particulier dans le capital de quelques entreprises stratégiques. Il s'agit, de manière très pragmatique, de tirer profit de ce qui existe : différentes caisses de retraite peuvent ainsi être mobilisées, dans des limites prudentielles tout à fait acceptables.

En ce qui concerne la réforme de l'assurance-vie, le contrat dit euro-croissance a été institué en loi de finances rectificative pour 2013, le décret vient d'être publié par Michel Sapin et le produit commencera d'être commercialisé dans les réseaux d'assurance en fin d'année. Il nous faudra inciter les assureurs à le proposer.

Monsieur Fasquelle, vous avez en quelque sorte résumé à grands traits ce qu'aurait pu être le programme de la droite pendant dix ans. Je n'y insiste pas. C'est de stabilité fiscale que je voulais parler. Notre fiscalité a beaucoup évolué ; l'essentiel est maintenant d'exécuter, année après année, le pacte de responsabilité et le CICE conformément à nos engagements. C'est peut-être frustrant, mais l'on ne peut pas introduire aujourd'hui de nouvelles modifications – j'y reviendrai à propos du CICE. En revanche, dans tous les autres domaines que la fiscalité, notre volonté de réforme doit se traduire en actes. Il y a dans ce pays beaucoup de blocages que l'on peut lever sans toucher aux impôts ni aux charges. Nous avons davantage baissé les charges que tous les gouvernements qui nous ont précédés, et nous avons augmenté les impôts, tout en les réduisant pour certains, dans une proportion qui n'a rien à envier à l'action de nos prédécesseurs entre 2010 et 2012. Je ne défends personne ; nous étions soumis à la pression budgétaire que l'on sait. Bref, il ne faut plus toucher à la fiscalité, mais il faut faire les vraies réformes.

Passons-les donc en revue. Sur le travail du dimanche, la concertation est en cours. Il ne s'agit pas de tout casser ni de toucher à des totems ou à des tabous. Soyons pragmatiques : la décision qui résultera de la concertation visera l'utilité ; là où l'ouverture dominicale n'est pas utile, elle n'aura pas lieu. Quant aux seuils sociaux, ils relèvent de la négociation sur la modernisation du dialogue social qui est elle aussi en cours. Laissons les partenaires sociaux la conclure avant d'en venir au volet politique de la discussion. Sachons respecter la procédure de concertation instituée par la loi Larcher, qui, à l'époque, a paru vertueuse à tous et qui s'applique à une grande partie de notre droit du travail. Les bonnes réformes ne se feront pas à partir de rodomontades. Le bonapartisme de posture a été essayé pendant cinq ans ; il n'a pas réussi. La démocratie sociale, elle, peut réussir. Elle demande un peu plus de temps, j'en conviens, mais si elle convainc tout le monde, elle permet de progresser. La difficulté, c'est qu'aujourd'hui nous n'obtenons pas de résultats.

En ce qui concerne le CICE, j'attends avec impatience les conclusions de la mission d'information dont le député Blein est rapporteur. Ce dispositif a besoin de deux choses. La première – j'y ai fait allusion – est la stabilité. Le CICE est assurément perfectible, mais nous devons d'abord le laisser fonctionner pour que les acteurs s'en saisissent. Le supprimer dans un secteur – la banque, la grande distribution – dont on estimerait qu'il en bénéficie trop poserait un problème juridique, car le dispositif est constitutionnel et de droit européen. En outre, cela donnerait une impression d'instabilité aux acteurs qui n'oseraient plus l'utiliser, de peur que la suppression ne s'étende ensuite à d'autres secteurs.

Deuxièmement, nous devons faire preuve de transparence. J'ai donc personnellement demandé aux organisations syndicales et patronales de suivre branche par branche l'utilisation du CICE. Vous devriez également pouvoir le faire dans les territoires. La transparence peut certes être limitée par le secret fiscal, mais les entreprises doivent communiquer dans le cadre du dialogue social et conformément à la loi. Nous devons y veiller ensemble, car c'est la transparence qui restaurera la confiance.

Sur ce sujet, nous ne devons pas faire preuve de défiance a priori mais d'exigence a posteriori. En d'autres termes, lorsque vous constatez des excès, de mauvais comportements, il faut le dire, et nous essaierons d'y remédier ensemble.

J'en viens aux problèmes de financement et de trésorerie des PME et TPE. On n'en parle pas suffisamment, mais les solutions de trésorerie ont été fortement développées par Bpifrance dès 2013. L'année passée, la mobilisation de créances professionnelles a connu une croissance de 11 %. S'y ajoute le préfinancement du CICE. Lors des Assises du financement, le Président de la République a annoncé une augmentation de la capacité de soutien de Bpifrance à la trésorerie des PME, qui s'élèvera à 5 milliards d'euros en 2015. De votre côté, n'hésitez pas à faire appel à la BPI dans les territoires : pour de nombreux dossiers, les seuils régionaux d'intervention ne sont pas dépassés, de sorte que les succursales régionales sont compétentes. Enfin, un fonds de garantie des crédits de trésorerie pour 10 000 TPE sera créé au cours des mois à venir.

Les délais de paiement, qui représentent quelque 600 milliards d'euros, font souvent des petites entreprises les premières banques des grandes. J'accorderai une attention spécifique à ce problème majeur pour notre économie. Des mesures ont déjà été adoptées pour y remédier : la loi consommation inclut un dispositif de sanction et j'ai demandé à la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de lancer une série d'enquêtes sur ce sujet en particulier. Nous n'hésiterons pas à aller jusqu'au bout de cette démarche. En la matière, on le sait, les pouvoirs publics eux-mêmes ne sont pas toujours irréprochables ; je veillerai spécialement à ce que l'objectif consistant à réduire les délais de paiement de l'État à vingt jours soit atteint.

J'ai d'ailleurs demandé à tous les médiateurs, dont celui du crédit, de me faire rapport, ce qui me permettra de dresser à votre intention un bilan de leur action lors d'une prochaine séance.

En ce qui concerne l'organisation de la chaîne productive, dont relève la question de M. Piron, je serai particulièrement vigilant vis-à-vis de la cannibalisation de certains acteurs des filières. Le ministère de l'économie dispose d'instruments pour combattre ces pratiques, notamment les assignations. Dans ce domaine aussi, nous saurons aller jusqu'au bout, pour donner l'exemple. N'hésitez pas à nous faire part des dysfonctionnements que vous observez.

Les mesures de simplification, évoquées par plusieurs d'entre vous, feront partie de la loi croissance. Il s'agit de simplifier les procédures pour les entreprises, en rompant avec les lourdeurs fiscales et administratives pour que l'économie fonctionne mieux. J'y travaille avec Thierry Mandon et je pourrai venir vous présenter ce volet de la loi.

S'agissant d'Alstom, je vais étudier de très près le point que vous avez mentionné, madame la députée. Nous sommes mobilisés pour suivre ce dossier et nous veillerons au respect des engagements souscrits par General Electric. Je reviendrai vers vous à ce sujet.

Comme mon prédécesseur, je compte bien protéger les électro-intensifs ; je l'ai dit à Mme Royal lors de nos premiers échanges. Nous devons leur donner les moyens d'être compétitifs dans le contexte international qui a été rappelé. Pour ce faire, plusieurs mesures ont déjà été prises, qui touchent à la contribution au service public de l'électricité (CSPE) et au coût de transport ; il faut qu'elles soient pérennisées. La loi dite de transition énergétique y contribuera également. Dans cette perspective, l'utilisation de l'énergie hydraulique revêt une importance particulière. Notre dialogue avec le ministère de l'écologie à ce sujet est tout à fait fluide.

En ce qui concerne la télétransmission payante – une modification que j'ignorais et dont la logique m'échappe quelque peu de prime abord –, je vous ferai réponse, monsieur le député, dès que j'aurai pu étudier sérieusement la question.

Le numérique est un vaste sujet que je n'aurai pas le temps de traiter entièrement aujourd'hui. Un volet de la loi croissance lui sera consacré. Pour toutes les professions que nous avons évoquées, la modernisation passe par le numérique. Celui-ci fait partie des filières industrielles prioritaires et figure parmi les 34 plans sous la forme de Big Data et du Cloud computing ; mais c'est aussi, de manière transversale, l'un des leviers permettant d'irriguer notre économie, ainsi que l'État – dont l'efficacité en matière numérique a justement fait l'objet d'une communication ce matin en conseil des ministres. Plus généralement, il nous faut oeuvrer non au niveau législatif, mais en mobilisant les grands groupes français, qui font notre force et notre fierté, afin qu'ils conçoivent leur action et leur organisation au prisme du numérique.

Cela suppose d'adapter les formations et les compétences. Cette réforme, qui va de pair avec celle de la formation professionnelle, est l'une des conditions de réussite de notre mutation économique. Sur ce point également, il me faudra revenir vers vous pour vous répondre plus longuement.

Pour assurer le « service après-vente » du CICE, nous devons mobiliser les experts-comptables, qui seront soulagés de ne pas être sacrifiés ni voués à la vindicte publique ! Quant aux pharmaciens, rassurez-vous : nous défendrons le maillage territorial et la sécurité sanitaire. Il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire, avec eux, pour inventer de nouvelles formes d'activité et une meilleure organisation, notamment de la vente de médicaments. Ces points relèvent de la mission parlementaire dont j'ai suggéré la création au Premier ministre et dont les travaux seront suivis de près par la commission concernée.

La taxe sur les transactions financières ne relève pas de ma compétence. Plusieurs États-membres – onze au départ, dix aujourd'hui – sont convenus de l'introduire d'ici à janvier 2016. Son assiette inclura tous les produits dérivés. Michel Sapin a tenu des propos rassurants à ce sujet et la mobilisation se poursuit pour que cet engagement du Président de la République, souscrit dès l'été 2012, soit honoré. Je suis d'accord avec vous, monsieur le député : le processus est trop long, ce qui nourrit l'incompréhension. Mais il faut le mener à bien, pour préserver la crédibilité de la parole publique.

Il en va de même du plan de croissance de juin 2012, qui fut un instrument de mobilisation politique. Aujourd'hui, un plan de 300 milliards d'euros se prépare. Notre devoir à tous est d'en faire une réalité, au-delà de l'annonce de chiffres. Nous avons fêté en début de semaine, lors des Assises du financement et de l'investissement, le project bond qui a abouti, porté par Axione ; c'est formidable, mais il est alarmant qu'il n'y en ait eu qu'un. Si nous avons mieux mobilisé les financements de la Banque européenne d'investissement (BEI) en 2013, nous nous heurtons ici à un problème très concret d'organisation et de mobilisation sur le terrain. Le Président de la République a donc demandé la semaine dernière aux préfets de région de jouer le rôle de guichets d'entrée. Afin d'y veiller, j'organiserai une réunion de suivi au ministère de l'économie, en lien avec mes collègues, et je vous invite à nous signaler tous les projets dans lesquels de l'argent européen peut être investi à la place de l'argent public français. Car nous devons gérer intelligemment la raréfaction de l'argent public, en réalisant des économies sur le fonctionnement plutôt que sur l'investissement, mais aussi en utilisant l'argent européen que nous nous sommes battus pour obtenir. Or pour le faire, il faut apporter des projets. La solution vient du terrain, du concret.

Sur les cas particuliers d'entreprises qui ont été cités, j'apporterai à chacun la réponse que je lui dois d'ici à demain après-midi.

1 commentaire :

Le 10/10/2014 à 14:37, Loi pour petits ? (Comptabilité) a dit :

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1°) Mr HAMMADI comment peut-on orienter l'épargne vers l'investissement à long terme (l'assurance-vie des petits et moyens épargnants), lorsqu'on laisse spolier des contrats d'Assurance-vie en France depuis cette crise 2008 sous Mr SARKOZY comme sous Mr HOLLANDE. En ne se mouillant pas sérieusement pour le droit de transfert, avec Mr Alain SUGUENOT.

2°) Sachez tous que le petit Ministre Emmanuel MACRON avait depuis plus d'un an, un courrier à l'Elysée sur le sujet, et n'y répondait pas. Alors qu'en 2010 à l'Elysée Cédric GOUBET Chef de Cabinet chez SARKOZY, ils ont répondu "NON à la promesse de campagne 2007 le transfert" et annoncé les Lois finances 2011 taxation au fil de la source, Multisupport comme les Monosupports déjà.

3°) Quand on a aussi un Ministre comme Mr Arnaud MONTEBOURG, qui ne connaît rien à la réalité de l'assurance vie, et qu'un Député PS (Cohérence Socialiste)refusant lui aussi comme Mr HAMMADI de recevoir pour voir et bien comprendre les dégâts de la crise 2008. Mr Bernard SPITZ et ses gros peuvent se frotter les mains. Mais le FN ramassera lui e jour des urnes à venir.

Jean-Pierre JOUYET ex de la CDC, avait ben dit : "Je prendrai soins du fric des Livrets A et LDD" en se fichant de nous les épargnants (petits), un Président Bancaire (ceidf) a bien dit, après la compréhension de ce droit de transfert en Assurance vie. Les citoyens ne savent pas qu'ils ne sont pas propriétaire de leurs capitaux, Mr FASQUELLE n'avait-il pas dit aussi : "Si nous avons problème avec les dettes fonds de pensions, pas de problème nous avons l'épargne des Français". Donc le mot Liberté fait rire en France, confirmation il est impossible de retirer à la banque dans une serviette, valise en coupure 10 000€ OU 100 000€. Par contre donner un RIB pour virer, OUI. Tant que l'argent reste dans le circuit financier, sachez que René RICOL c'est bien lui qui en 2009, a dit à Pte Maillot aux assurances : "Ne laissez pas tomber les Banques..." ça veut tout dire

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