Intervention de Michel Sordi

Séance en hémicycle du 1er octobre 2014 à 15h00
Transition énergétique — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Sordi :

Hormis la production de la centrale de Fessenheim, qui est de 1 800 mégawatts, soit environ 80 % de l’énergie consommée dans la région, l’Alsace ne dispose que de 150 mégawatts en production thermique.

Quant à l’hydroélectricité produite grâce au Rhin, si elle est abondante en été, lors de la fonte des glaciers, elle très faible en hiver, lorsque le fleuve atteint son étiage hivernal – au point que, en étiage décennal, il ne produit plus que 350 mégawatts. Sans la centrale nucléaire de Fessenheim, la production de l’Alsace en hiver serait donc de 500 mégawatts, alors que sa consommation, fortement influencée par l’industrie, atteint des pointes de 2 900 mégawatts. Une telle situation serait intenable sachant que la centrale nucléaire la plus proche se situe à près de 300 kilomètres.

Naturellement l’Alsace, comme d’autres régions, s’est lancée dans les économies d’énergie et souhaite développer les énergies renouvelables.

Cependant, elle ne compte aucune centrale solaire. Or les appels d’offres nationaux de la Commission de régulation de l’énergie ne retiennent que des sites situés au sud de la Loire, ce qui limite fortement les possibilités de développer une puissance photovoltaïque dans notre région.

Côté éolien, aucune installation ne fonctionne en Alsace, et le potentiel est faible en raison de l’orientation de la région : on pourrait produire tout au plus 50 MW.

La géothermie profonde pourra fournir de la chaleur, mais peu d’électricité, tandis que la méthanisation fournira surtout du gaz pour le réseau.

Les compléments en hydroélectricité pouvant être réalisés sur les affluents du Rhin sont insignifiants, de l’ordre de 5 mégawatts, vu le faible débit constaté.

L’isolation des bâtiments ainsi que la politique – déjà fortement entamée – d’économies d’énergie dans les industries permettront de gagner 250 mégawatts en pointe.

Ainsi, même en comptant sur l’utilisation, pour 30 mégawatts, des combustibles solides de récupération, le déficit entre production et pointe de consommation restera de 2 000 mégawatts.

Or nos voisins allemands et suisses ne pourront pas nous fournir la puissance requise. Certes, il reste l’éolien allemand de la Mer du Nord, mais cela signifie que l’Alsace ne serait correctement alimentée en énergie que les jours où un grand vent souffle dans cette zone ! C’est idéal pour détruire l’industrie alsacienne, car celle-ci ne supportera pas longtemps les variations de tension et de fréquence auxquelles elles sera soumise.

Rappelons enfin que la centrale de Cattenom, qui est censée alimenter l’Alsace, devra faire face à la perte de 1 700 mégawatts liée à la fermeture, dès 2016, de centrales à charbon obsolètes en Lorraine.

La réflexion n’est donc pas aboutie.

Lors de notre déplacement à Fessenheim, M. Baupin, rapporteur de la commission d’enquête, constatait lui-même le « vide de l’action publique », le fait « que pour l’instant, l’État n’a pas réussi à trouver le ton juste ni le bon rythme pour apporter des réponses fortes » ; « l’absence de projet mobilisateur concret ». Il jugeait également que « beaucoup de temps [avait] été perdu ».

En vérité, il n’existe aujourd’hui aucun projet concret pour installer des entreprises et recréer les 2 000 emplois que vous envisagez de supprimer de manière arbitraire.

Alors, je vous pose ces questions :

Combien coûtera l’arrêt de deux réacteurs de notre parc nucléaire ?

Combien devrions-nous verser à nos partenaires suisses et allemands si la centrale de Fessenheim fermait ?

Combien nous coûteraient les installations de substitution ?

Qui aura le courage de dire aux Français ce que va coûter la transition que vous appelez de vos voeux ?

Que vont faire les entreprises électro-intensives qui sont venues s’implanter dans la plaine d’Alsace parce qu’elles pouvaient y bénéficier d’une garantie d’approvisionnement électrique du fait de la centrale nucléaire et des barrages hydroélectriques ?

Que dira la Commission européenne, si soucieuse de la libre concurrence, lorsque vous aurez écrêté les capacités de production d’électricité d’origine nucléaire à 63,2 gigawatts ?

Nos compatriotes ont le droit de savoir combien ça coûte et qui va payer !

Outre l’absence de réponses à ces questions dans le texte, je déplore les conditions dans lesquelles ont été examinés les amendements en commission : les délais impartis ne nous ont pas laissé le temps d’avoir une discussion sereine sur tous les articles.

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