Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 30 septembre 2014 à 17h00
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les risques épidémiques du virus Ebola :

Il a été clair dès le départ qu'il fallait agir sur deux fronts : sur le terrain et chez nous, où nous devions nous préparer à la prise en charge éventuelle de malades arrivant sur notre territoire. Afin de vérifier les conditions de cette prise en charge, je me suis rendue en personne à Roissy, le jour où a été annoncée l'arrivée par avion du premier malade susceptible d'avoir été contaminé par le virus Ebola – ce qui n'était finalement pas le cas. Depuis lors, d'immenses progrès ont été accomplis et nous avons formalisé les procédures.

Si l'épidémie actuelle a pris une telle ampleur, c'est d'abord que l'identification du premier cas en Guinée a été très tardive, laissant à la maladie le temps de se développer. On fait l'hypothèse aujourd'hui que le premier malade, l'enfant dont je vous ai parlé, aurait été contaminé en décembre 2013, alors que le virus n'a été diagnostiqué pour la première fois qu'en mars ou avril 2014.

Pour éviter la propagation de la maladie, il faut casser la chaîne de transmission, ce qui avait été possible lors des épidémies précédentes, puisque le virus avait été identifié dans des endroits précis où les autorités locales avaient pris de rigoureuses mesures de confinement. À la différence des épisodes précédents, le retard de diagnostic a permis cette fois-ci à la maladie de se répandre depuis la forêt vers les milieux urbains, ce que personne n'avait anticipé ; d'où sa progression extrêmement rapide. Il faut être franc : il est très probable que le nombre de cas est aujourd'hui sous-estimé. L'OMS évalue à 20 000 le nombre de personnes qui pourraient être contaminées d'ici à un mois et à 60 000 le nombre de décès dans les prochains mois, ce qui, compte tenu du taux de létalité, porte le nombre de malades à 120 000. Il y a donc urgence.

Les rites funéraires africains impliquent un contact physique avec le défunt, que sa famille entoure et caresse longuement. Bien qu'averties du risque élevé de contamination, les populations locales refusent souvent d'y déroger. C'est la raison pour laquelle il faut procéder, dès que cela est possible, à l'incinération des corps. En la matière, c'est la Croix-Rouge française qui est l'association référente.

Les soignants représentent en effet approximativement 10 % des victimes. Mais il s'agit des soignants locaux, qui opèrent sans les moyens de protection nécessaires, quand les personnels internationaux travaillent dans des conditions de sécurité très élevées.

Les délais de rapatriement de la jeune infirmière infectée par le virus ont donné lieu à une polémique à mon sens inutile. Nous avons été saisis de son cas le mardi à vingt heures, le plan de vol et les modalités d'évacuation étaient définitivement arrêtés à minuit ; la procédure de rapatriement a mis cinquante heures, soit une durée équivalente à celle du rapatriement des soignants américains, tandis que, quelques jours auparavant, le rapatriement en Allemagne d'un autre soignant avait mis soixante-dix-sept heures. Nous avons donc été aussi rapides que possible. Les associations souhaiteraient qu'un avion soit en permanence prêt à décoller pour procéder, le cas échéant, à un rapatriement. Nous travaillons dans cette perspective avec nos partenaires européens, afin de définir des procédures de rapatriement d'urgence. J'ai proposé la mise en place d'une rotation entre les différents pays européens, permettant d'assurer ce type de vol. À ce stade, aucune procédure n'a été mise en place, mais les échanges d'information existent néanmoins.

L'Union européenne n'a pas vocation à être directement opérationnelle. Elle doit, en revanche, servir d'instance de coordination entre les aides fournies par les différents États membres. Des fonds ont été débloqués pour cela, notamment grâce à l'impulsion donnée par la France, la communauté internationale ayant, il est vrai, tardé à se mobiliser.

La recherche sur le virus est antérieure à l'épidémie, elle se développe notamment à Lyon, au sein du laboratoire P4. Aujourd'hui, nous ne disposons pas des traitements expérimentaux en quantité suffisante pour pouvoir les administrer à la population africaine. En revanche, un essai clinique va être réalisé dans quelques semaines en Guinée, à l'initiative de l'Inserm sur le produit japonais, le Favipiravir. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l'efficacité de ces traitements expérimentaux, qui n'ont été testés que sur des cas isolés.

Nous nous inquiétions de la propagation de la maladie au Nigeria, qui semble aujourd'hui avoir maîtrisé l'épidémie, mais aussi au Sénégal, où les quelques cas diagnostiqués ont été contrôlés. Nous sommes évidemment extrêmement vigilants sur la progression de la maladie vers les pays francophones limitrophes, qui entretiennent avec la France des échanges réguliers, ce qui augmente les risques d'importation de la maladie sur notre territoire. À ce jour cependant, l'épidémie reste circonscrite à la Guinée, à la Sierra Leone et au Liberia.

Il n'est pas possible de modéliser l'évolution de la maladie. Tout dépendra de notre capacité à enrayer sa propagation. En fonction de cette dernière, les schémas proposés par l'OMS et l'ONU sont très différents. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que les projections les plus optimistes qui prévalaient il y a quelques semaines ne sont aujourd'hui plus de mise.

Les personnels que nous envoyons sur le terrain doivent être formés pour intervenir dans des conditions extrêmement difficiles et dans le respect absolu de toutes les règles de sécurité.

Isoler les pays touchés ne doit pas conduire à bloquer l'envoi de matériel ou de professionnels de santé, ni le rapatriement de ces mêmes professionnels. Nous privilégions donc la mise en place de contrôles extrêmement stricts au départ de ces pays et avons choisi de maintenir la desserte de Conakry par Air France.

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