Intervention de Ségolène Royal

Séance en hémicycle du 7 octobre 2014 à 21h30
Transition énergétique — Article 1er

Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie :

Pour une fois, en partie grâce à moi, la France a cessé de faire la morale au monde entier dans les instances internationales en s’abritant derrière l’énergie nucléaire, énergie décarbonée, pour s’exempter de tout effort. Or, la transition énergétique ne se traduit pas par la seule diminution de l’émission des gaz à effet de serre : c’est aussi la réduction de la consommation d’énergie, la montée en puissance des énergies renouvelables qui favorisent l’indépendance énergétique, autre objectif de la transition énergétique, sans le problème de la gestion des déchets nucléaires, dont la France, qui a fait ce choix, a la responsabilité, au contraire des autres pays qui n’ont pas fait ce choix.

Il était dès lors tout à fait cohérent que la France, pour déclencher une dynamique européenne et internationale, reconnaisse qu’elle n’a pas forcément de leçons à donner au reste du monde et que son modèle énergétique ne domine pas tous les autres. Elle a fait le choix du nucléaire et l’assume. Cette sécurité énergétique obtenue à une époque où l’électricité était bon marché a contribué à élever le niveau de consommation d’énergie de la France bien au-delà du niveau des autres pays européens. Aujourd’hui, cependant, le système évolue : l’énergie nucléaire enchérit en raison des investissements à réaliser dans les centrales et, d’autre part, la question des déchets nucléaires est enfin posée de façon transparente et démocratique – y compris le coût que représente leur gestion. De même, la question de la sûreté nucléaire est posée ; nous en débattrons à l’occasion de ce texte.

Par conséquent, l’effort de 2 % à 3 % que consent la France en dépit d’une économie plus décarbonée que les autres correspond à un engagement politique essentiel. Les pays européens pourront ainsi s’entendre autour d’un chiffre commun arrêté par les instances européennes au terme d’études d’impact très approfondies, grâce auxquelles l’Europe conviendra enfin collectivement de l’effort à entreprendre pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Elle peut poser dès la fin de ce mois les premières marches d’une Europe de l’énergie dans laquelle chacun affronte ses propres problèmes – le charbon en Allemagne, par exemple.

Aucun modèle énergétique ne peut en effet prétendre dominer celui du voisin. Au contraire, nous devons respecter nos modèles énergétiques et nos histoires respectives, tout en traçant le chemin de ce vers quoi nous pouvons converger ensemble en Europe, en particulier – c’est mon voeu le plus cher – en mettant en commun des moyens de recherche pour, par exemple, progresser en matière de stockage de l’énergie, car il s’agit là de la prochaine révolution énergétique qui donnera aux énergies renouvelables toute la mesure de leur développement à l’échelle européenne. Bien d’autres perspectives existent : le développement de l’avion solaire, celui de la voiture électrique. Comment se fait-il que l’Europe, avec tous les moyens technologiques dont elle dispose dans le secteur automobile, n’ait pas encore réussi à mettre sur le marché une voiture électrique populaire bon marché, à 5 000 euros tout au plus, abordable pour les catégories populaires et les jeunes et s’alimentant grâce à un réseau de bornes de recharge photovoltaïques comme celles que met au point l’entreprise française Schneider, pour ne pas la nommer ? Aujourd’hui, le prix est le principal obstacle aux transports propres. Comment se fait-il que l’on soit encore aussi en retard en matière de transports propres, de logements propres, d’économies d’énergie ou encore de compteurs intelligents alors même que nous disposons de savoir-faire et de compétences, que nous connaissons le problème du réchauffement climatique et que nous savons bien ce qui nous attend à la fin du siècle si nous ne faisons rien ? Voilà le véritable enjeu !

Si la France avait adopté une attitude mesquine en se contentant d’une réduction de 37 % des émissions de gaz à effet de serre au motif qu’elle dispose d’énergie nucléaire, alors croyez-moi, l’Europe n’aurait pas avancé, bien au contraire ; elle aurait reculé !

C’est pourquoi je suis fière d’avoir pu arracher l’inscription de ce taux de 40 % lors des arbitrages interministériels. Ce fut loin d’être simple, compte tenu de la réalité que nous connaissons. En décidant cette mesure, nous avons pris nos responsabilités de sorte que nous pourrons demain dire aux pays européens qu’il nous faut absolument montrer l’exemple à l’échelle mondiale. Nous avons pollué la planète, adopté des modes de développement qui ont conduit à la surconsommation des énergies fossiles, pillé les matières premières des pays du Sud, notamment en Afrique.

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