Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 9 octobre 2014 à 15h00
Vote par voie électronique des français de l'étranger à l'élection présidentielle et à l'élection des représentants au parlement européen. — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la modernisation de nos pratiques démocratiques doit être au coeur des préoccupations et des aspirations de toutes les forces républicaines.

Elle doit l’être d’autant plus, cela a été dit, à l’heure où la défiance des Français à l’égard de leurs représentants et de leurs institutions continue son inexorable progression et s’exprime de manière brutale au travers, notamment, de la proportion toujours croissante d’absence de participation à la plupart des élections, qu’elles soient de dimension locale ou nationale.

Les dernières échéances nous en ont encore livré une triste démonstration dont personne ne peut se satisfaire.

Comme la très grande majorité des membres de cette Assemblée, je suis donc particulièrement sensible à ce que tous les moyens de nature à rétablir la confiance et à ramener nos concitoyens vers le chemin des urnes soient imaginés et discutés.

Cette législature a déjà été porteuse d’avancées dans ce domaine. Pour rester sur des éléments consensuels, je n’évoquerai ici que la prise en compte du vote blanc dans la présentation des résultats des élections, rendue possible par l’adoption d’une proposition de loi émanant du groupe UDI, soutenue par le Gouvernement et la majorité.

En dépit de quelques éléments de polémique – aujourd’hui dépassés – sur le calendrier de sa mise en oeuvre, ce mode de comptabilisation est désormais effectif et définitif depuis le dernier scrutin européen.

Aujourd’hui, la proposition de loi « ramassée » qui nous occupe semble vouloir s’inscrire dans cette perspective de facilitation de l’exercice du suffrage.

Je suis en effet convaincu que son auteur et ses soutiens sont animés par la seule ambition de vouloir, sincèrement, améliorer et faciliter l’organisation des conditions de vote de nos concitoyens qui résident à l’étranger.

Ces compatriotes, cela a été dit, se trouvent en effet dans une situation particulière : ils ne disposent pas toujours d’un bureau de vote à quelques rues de leur domicile ou au centre de leur village.

Nous le savons tous, pour certains expatriés, voter à l’urne, comme on dit, peut impliquer de devoir faire plusieurs centaines de kilomètres le jour du scrutin.

Ainsi, lorsque furent créées les onze circonscriptions servant de cadre à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France, la faculté du vote électronique a été ouverte pour ces élections législatives, tout à la fois nouvelles et spécifiques.

C’est sans doute aussi pourquoi il nous est proposé aujourd’hui d’élargir la faculté de ce recours au vote électronique aux deux autres scrutins nationaux que sont l’élection présidentielle et les élections européennes.

Il y a là matière à débat. Et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle – avec la sagesse que nous lui connaissons – le président de la commission des lois a fait en sorte que ce texte puisse être examiné la semaine dernière en commission, selon les étapes classiques du processus législatif, en dépit des incertitudes réelles qui pesaient sur sa recevabilité financière au titre de l’article 40.

Même si celles-ci n’ont pas été véritablement levées, nous sommes en situation de poursuivre la discussion aujourd’hui en séance publique.

Si l’objectif de cette proposition de loi du groupe UMP est tout à fait respectable, les seules bonnes intentions ne font pas nécessairement les meilleures lois.

À première vue, l’élargissement de la faculté d’user du vote électronique pour les Français de l’étranger lors de l’élection présidentielle et de la désignation des membres du Parlement européen peut sembler une disposition de bon sens et simple d’application.

Elle soulève néanmoins, en y regardant de plus près, des difficultés juridiques et techniques qui ne peuvent être ignorées. Et de mon point de vue, monsieur le rapporteur, lors de nos travaux en commission de mercredi dernier, vous avez éludé un peu rapidement ces points de blocage.

Ceux-ci ne sont pourtant ni mineurs, ni anecdotiques. Ils le sont d’ailleurs tellement peu qu’ils n’ont pas manqué d’être soulevés de toute part lors du débat, y compris par des membres de votre famille politique.

Le premier d’entre eux est constitutionnel parce que l’élection présidentielle, à la différence des élections législatives, se déroule dans le cadre d’une circonscription nationale unique : le pays tout entier.

Comment, dès lors, admettre que nos concitoyens, appelés en même temps à choisir les mêmes candidats, ne disposent pas tous des mêmes possibilités d’exprimer leur choix ?

Si une petite partie des Français a le droit de voter d’un clic sur son ordinateur pour choisir le Président de la République quand l’immense majorité des autres est tenue de se déplacer personnellement dans un bureau de vote ou d’y faire s’y rendre son mandataire, il y a là matière à rompre le principe d’égalité devant le vote.

Et point n’est besoin d’attendre le verdict du Conseil constitutionnel sur le sujet. Notre rôle de législateur, mes chers collègues, n’est pas de nous en remettre systématiquement aux décisions du juge constitutionnel lorsqu’une question de cet ordre se pose.

Si nous avons la conviction qu’une disposition n’est pas conforme aux principes de notre Constitution, nous ne devons pas la voter. Dans le cas qui nous occupe, j’ai cette conviction.

La seconde difficulté majeure réside dans le doute sur l’inviolabilité de la sécurité des votes émis par voie électronique.

Chacun connaît le pouvoir de nuisance des cyberattaques. Dans l’état actuel de notre droit et sans faire injure à nos collègues représentant les Français établis hors de France, je ne suis pas certain que leur élection mobilise l’énergie d’éventuels terroristes informatiques.

Et, au pire, si un tel événement advenait, l’annulation du scrutin ainsi manipulé s’ajouterait à la liste des élections législatives partielles qui ne manquent jamais de suivre l’examen des contentieux électoraux habituels.

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