Intervention de Françoise Laurant

Réunion du 1er octobre 2014 à 16h15
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Françoise Laurant, présidente de la commission Santé, droits sexuels et reproductifs du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes :

Je vous remercie à mon tour ; en voulant nous entendre, vous témoignez de l'intérêt que vous portez à nos travaux. Certaines des recommandations que nous avons rédigées supposent des mesures législatives, d'autres relèvent de politiques nationales ou de stratégies des agences régionales de santé (ARS) ; certaines, enfin, supposent des financements.

Nous les avons classées en quatre chapitres. Le premier a une forte portée symbolique, puisqu'il tend à faire de l'IVG un droit à part entière. De fait, à ce jour, l'IVG n'est pas considérée de cette manière en France : on accepte de répondre à la demande des femmes qui veulent exercer ce droit mais on leur fait comprendre qu'il serait mieux qu'elles ne le demandent pas. Aussi, la première de nos recommandations était de remplacer, dans l'article L. 2212-1 du code de la santé publique, la phrase : « La femme enceinte que son état place dans une situation de détresse peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse », par la phrase : « La femme qui ne souhaite pas poursuivre une grossesse peut demander à un-e médecin de l'interrompre ». Grâce à vous, cette disposition à grande valeur symbolique a été adoptée lors de l'examen de la loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes ; nous vous remercions d'avoir tenu compte de nos travaux, comme vous l'avez fait en élargissant à l'entrave à l'information le champ d'application du délit d'entrave à l'IVG.

De nouvelles modifications législatives seront nécessaires pour que certaines autres recommandations puissent être suivies. Ainsi de la deuxième, qui est de supprimer l'obligation du délai de réflexion de 7 jours prévu entre les deux premières consultations nécessaires avec un médecin avant une IVG. Il ne s'agit pas de supprimer le délai de réflexion mais une obligation ressentie par les femmes comme infantilisante et qui, de surcroît, leur fait perdre une semaine. Les textes en vigueur prévoyant qu'en cas d'urgence, le délai de réflexion peut être ramené à 48 heures, on comprend que cette obligation faite aux femmes est de l'ordre du symbole, non une pièce maîtresse du dispositif.

De même, la troisième recommandation tend à supprimer de l'article L. 2212-8 du code de la santé publique, les dispositions relatives à la clause de conscience – une redondance, puisque le recours à cette clause est déjà accordé de manière générale à tout le personnel soignant pour l'ensemble des actes médicaux. Y insister dans cet article, c'est signifier que ce droit n'est pas un droit « normal ». En l'état, le projet de loi sur la santé ne dit mot à ce sujet.

Le deuxième chapitre contient des recommandations tendant à développer un dispositif public national d'information et de communication portant sur la sexualité, la contraception et l'avortement ; la région Île-de-France mène une campagne de ce type.

Le troisième chapitre vise au développement d'un accès simple à l'IVG. Si, au contraire des velléités qui se manifestent dans d'autres États européens, on imagine difficilement des tentatives visant à la remise en cause juridique de ce droit en France, l'accès à l'IVG demeure dans notre pays un parcours du combattant, parcours dont la difficulté a été renforcée par le regroupement des établissements hospitaliers, qui contraint certaines femmes souhaitant une IVG à se rendre à plus de 200 km de leur domicile. Le rétablissement de la proximité de l'accès à l'IVG nous est apparu comme une condition essentielle pour garantir à la fois l'égalité d'accès sur l'ensemble du territoire et les bonnes pratiques.

À cette fin, nous recommandons en particulier de permettre à des personnels de santé qualifiés, médecins ou non médecins – sages-femmes, infirmières, conseillers conjugaux et familiaux – de réaliser le premier rendez-vous et de délivrer la première attestation prévue par la loi. Au cours de ce rendez-vous, on explique aux femmes les méthodes d'IVG possibles et on répond à leurs questions ; or l'expérience montre que lorsqu'il a lieu avec un médecin, l'entretien ne dure parfois qu'une dizaine de minutes, mais une heure quand d'autres professionnels de santé sont à l'écoute. Outre cela, élargir le spectre des interlocuteurs autorisés par la loi à intervenir à ce stade permettrait de gagner entre 8 et 15 jours. La neuvième recommandation a donc une importance particulière.

La dixième tend en outre à permettre aux femmes majeures de remplir elles-mêmes l'attestation de première demande d'IVG dans le cas où elles éprouvent des difficultés à obtenir le premier rendez-vous. Nous nous sommes inspirés, pour cette proposition, de la loi en vigueur en Belgique, où l'on n'impose pas aux femmes un rendez-vous de ce type.

Mais pour raccourcir le parcours du combattant encore imposé aux femmes qui veulent une IVG, il faut faire davantage. En premier lieu, il faut restaurer l'activité d'IVG dans les établissements de santé dans lesquels elle a été arrêtée soit à la suite de la restructuration des hôpitaux et en particulier des maternités, soit par fermeture. C'est l'objet de la onzième recommandation, par laquelle nous demandons, au minimum, l'instauration d'un moratoire sur les fermetures de centres IVG et le respect de l'article R. 2212-4 du code de la santé publique qui impose la pratique de l'IVG à tous les établissements disposant d'un service de gynécologie ou de chirurgie. De telles dispositions ne sont pas d'ordre législatif : elles relèvent de la politique de santé, et donc des ARS. Ainsi, s'il est un centre emblématique qui n'aurait pas dû arrêter l'activité IVG alors même que nous poursuivions nos travaux, c'est celui de la maternité des Lilas, en banlieue parisienne.

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