Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 8 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti :

Jamais depuis 2011, un Gouvernement ne s'était fixé un objectif de réduction des déficits de la sécurité sociale aussi peu ambitieux : seulement 1,4 milliard d'euros.

Les objectifs prévus par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 n'ont pas été respectés. Le retour à l'équilibre que vous nous avez promis pour 2017 est un mirage. Il est repoussé à 2018 ou 2019 alors même qu'en 2013 et en 2014, les déficits ont largement excédé ce qui était prévu en loi de financement initiale. Vous laissez filer les déficits et vous montrez incapables de tenir vos engagements : nous sommes inquiets !

Le Haut conseil des finances publiques est tout aussi sévère et constate à la lecture de votre texte que l'objectif que vous vous êtes fixé « sera difficile à atteindre pour certains postes », notamment s'agissant des dépenses sociales pour lesquelles il souligne que les mesures d'économies n'ont pas été portées dans leur totalité à sa connaissance.

Nous avons beau compter et recompter, nous ne trouvons pas les 9,6 milliards d'euros d'économies promises sur trois ans : 3,2 milliards d'euros au titre de l'assurance maladie, 700 millions au titre de la branche famille, 500 millions au titre de la gestion des organismes de protection sociale, cela ne fait jamais que 4,4 milliards d'euros. Où sont les 5,2 milliards restants ?

Nous cherchons partout – mais peut-être avons-nous mal cherché ? – la compensation promise des 6,3 milliards d'euros d'allégements de charges que vous nous avez fait voter cet été. Certes, vous dégagez la sécurité sociale du paiement de 4,75 milliards d'euros d'aides au logement, qui devront désormais être assumées par l'État, et vous transférez vers la sécurité sociale l'intégralité du produit des prélèvements sociaux sur les produits du capital à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Mais la question reste la même : comment l'État va-t-il compenser ces transferts ? Toujours par la dette ? Nous sommes là face à une simple opération de tuyauterie comptable. À cela s'ajoute une autre difficulté : ces 2,5 milliards visent à compenser le coût du dispositif d'allégements de charges sur les bas salaires, voté cet été dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, que le Conseil constitutionnel a censuré.

Sur l'article 21, particulièrement technique, nous avons besoin d'éclaircissements. La CASA sera affectée dans son intégralité à la CNSA : mais n'était-ce pas déjà le cas l'année dernière ? Mme Pinvile a indiqué qu'il n'y aurait pas de reprise sur la CSG : je n'en vois nulle part la trace.

Les conseils de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) et de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM) ainsi que celui de la CNAF ont rejeté jeudi dernier votre projet à la quasi-unanimité. Pour justifier leur vote, les deux premières entités mettent en avant la forte contrainte qui pèse aujourd'hui sur l'ONDAM, notamment sur les dépenses relatives aux nouveaux médicaments, et font part de leur inquiétude. Elles veulent appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité de concilier maîtrise des coûts et pérennité de l'accès aux soins afin de garantir l'accès aux médicaments innovants. Vous réussissez le tour de force d'inquiéter tout le monde.

L'ONDAM voit son taux d'évolution abaissé certes, mais sans les réformes nécessaires. Il ne sera respecté qu'au prix d'un bricolage qui ne manquera pas de peser sur la qualité de notre système de santé.

Le mécanisme de type « clause de sauvegarde » pour les dépenses de nouveaux médicaments dans le cadre de la prise en charge de l'hépatite C constitue une réponse à la va-vite pour les années 2014 et 2015. Vous n'apportez pas de solution au problème crucial que posera l'arrivée de nouvelles molécules dans les années à venir. Comment permettre à tous d'accéder à l'innovation thérapeutique au juste prix sans mettre à mal les capacités d'innovation de l'industrie pharmaceutiques ?

Votre PLFSS pour 2015 ressemble beaucoup aux deux précédents : de la tuyauterie, quelques coups de rabot, des augmentations de taxe. Où en sont les réformes de structure pourtant indispensables à une réelle inflexion ? Réformes recommandées par la Cour des comptes dans son dernier rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale : « C'est prioritairement en pesant sur les dépenses pour ralentir leur progression que le redressement des comptes sociaux doit s'accélérer. […] Il convient de mettre en oeuvre des réformes structurelles, seules à même d'infléchir durablement les dépenses »

Je finirai par les mesures d'économies que vous prévoyez en matière de politique familiale. Quel mensonge que de dire qu'elles ne concernent que les familles les plus favorisées ! La baisse des allocations familiales, prestation universelle, pour les enfants entre quatorze et seize ans va toucher toutes les familles et beaucoup plus fortement, proportionnellement, les plus pauvres. Quant à l'allocation de base et la prime naissance, ce sont des allocations versées sous condition de ressources. Vos amis politiques ne s'y sont pas trompés.

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