Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 8 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Je veux tout d'abord remercier l'ensemble des députés qui sont intervenus, en particulier ceux qui, au-delà des amendements qu'ils pourront proposer, ont apporté leur soutien au texte, aux mesures qu'il contient et aux principes qui ont guidé son élaboration.

S'agissant de la compensation des exonérations de cotisations sociales, je précise, madame la présidente, qu'elle apparaît dans le PLF et le PLFSS, puisqu'elle se traduit par un transfert d'argent du premier vers le second. Vous avez également évoqué la question des médicaments, qui a été abordée à de très nombreuses reprises dans les interventions des uns et des autres. Je rejoins votre analyse selon laquelle les mesures que nous proposons visent à soutenir l'innovation et à la rendre largement accessible. Certains orateurs se sont demandé s'il ne s'agissait pas au fond d'un expédient, puisque nous prévoyons un mécanisme d'encadrement du coût des médicaments destinés à soigner l'hépatite C pour la seule année 2015, au lieu d'apporter des réponses structurelles de nature à assurer la prise en charge pérenne de l'innovation par notre sécurité sociale. C'est évidemment la question qui se pose, et nous en discutons en ce moment même avec l'industrie pharmaceutique. Or, ses représentants ne souhaitent pas un dispositif qui soit d'emblée pérenne ; ils préfèrent que nous évaluions l'impact de la mesure proposée pour 2015 et que nous étudiions la mise en oeuvre d'un tel dispositif dans le cadre de la convention qui doit être renégociée l'année prochaine entre l'industrie pharmaceutique et l'État. Car des mécanismes conventionnels existent, madame Poletti, pour encadrer les prix du médicament. En l'espèce, il s'agit de garantir dans l'urgence à ceux qui sont atteints d'une hépatite C qu'ils pourront bénéficier d'un traitement à un coût qui ne pèsera pas excessivement sur les finances de la sécurité sociale. En tout état de cause, je ne prétends pas apporter, par ce mécanisme, une réponse qui s'inscrive dans la durée. Au demeurant, il ne s'agit pas d'une expérimentation, puisque nous avons réactivé un dispositif qui existe depuis 1999 et que nous l'avons fait dans le cadre de discussions avec les industriels. Ma priorité, mon exigence, c'est que les Français qui ont besoin de ce traitement puissent y avoir accès. Mais si nous laissons les prix s'envoler, nous nous retrouverons avec des dépenses insoutenables pour la sécurité sociale : il s'agit de centaines de millions, voire de milliards d'euros.

Puisqu'on m'a interrogé sur la manière dont les autres pays réagissent, je précise que j'ai lancé une initiative à l'échelle européenne pour que nous puissions coordonner nos réponses. Cependant, la France est, avec l'Italie, l'un des pays d'Europe les plus concernés, car elle compte un grand nombre de malades atteints de l'hépatite C. Mon homologue britannique, par exemple, m'a indiqué que son pays était moins touché et que ce traitement ne représentait pas un enjeu financier aussi important qu'en France. Je précise également que, comme pour tout médicament, c'est la Haute autorité de santé qui définira la prescription et le protocole de soins de ce traitement et qui déterminera donc le profil des patients dont il est recommandé qu'ils en bénéficient.

Mme Fraysse m'a interrogée, toujours au sujet de ce traitement, sur la licence d'office. Celle-ci est un dispositif qui a été élaboré en 1992 et qui n'a jamais – je dis bien jamais – été mis en oeuvre, alors qu'il aurait pu l'être pour le SIDA par exemple. Il prévoit la possibilité, pour un médicament innovant dont le laboratoire demande un prix très élevé, de recourir à une licence d'office en autorisant d'emblée la « générication » du produit. C'est un dispositif très lourd, qui suppose que la négociation tarifaire ait échoué. Or, nous n'en sommes pas là ; la négociation est en cours. Par ailleurs, ce dispositif dépend, non pas du ministère de la santé, mais de celui qui est chargé de la propriété industrielle, donc du ministère de l'économie. Avant d'envisager de recourir à une telle solution, il nous faut explorer les voies d'une négociation classique et, si possible, esquisser les termes d'un compromis. Il convient néanmoins d'examiner les solutions dont nous disposerions en cas d'échec de la négociation. Je vous rappelle à cet égard que le ministère de la santé a la possibilité de fixer unilatéralement le prix d'un médicament. Quoi qu'il en soit, recourir d'emblée à la licence d'office nous placerait sans doute dans un rapport de force difficile avec le laboratoire et provoquerait un contentieux juridique qui serait susceptible de faire courir des risques à l'approvisionnement de notre pays et donc à la santé de nos concitoyens.

Vous avez évoqué, madame la présidente, la question des génériques. Le débat sur le répertoire générique doit être ouvert, et il le sera dans le cadre de la préparation du plan « génériques ». Il présente des avantages et des risques. L'effet financier le plus positif, à court terme, de la « générication » des médicaments est lié au développement de la prescription en dénomination commune internationale (DCI). Évoquée à de nombreuses reprises depuis plusieurs années, celle-ci sera obligatoire à compter du 1er janvier 2015. Aujourd'hui, le taux de prescription en DCI est de l'ordre de 16 %. On voit donc le chemin qu'il nous reste à parcourir et la marge d'économie dont nous pourrons disposer.

Je remercie Michel Issindou pour son engagement dans les travaux effectués sur la branche vieillesse. La revalorisation de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées est effective depuis le 1er octobre et sera donc versée aux bénéficiaires à la fin du mois. Quant à la prime exceptionnelle de 40 euros, elle sera versée en même temps que les pensions fin janvier, compte tenu des délais opérationnels de gestion nécessaires.

Mme Le Houérou m'a interrogée sur la situation des agriculteurs. Les décrets relatifs à la pénibilité s'appliqueront dans les mêmes termes quels que soient les secteurs concernés. Ils seront publiés dans 48 heures et renvoient aux discussions menées avec les partenaires sociaux. Leur mise en application se fera en deux temps : ouverture du compte dès le 1er janvier 2015 et prise en compte, à partir de l'année 2015, des quatre facteurs de pénibilité qui donnent le moins de place à l'appréciation, notamment le travail de nuit, le travail posté et le travail en caisson hyperbare ; puis évaluation, au cours de l'année 2015, des six autres critères de pénibilité afin d'en établir une appréciation plus précise qui garantisse la simplicité du dispositif, de son application et de sa compréhension, pour une mise en oeuvre à compter du 1er janvier 2016. Quant au décret relatif au cumul de l'Allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA) et du revenu d'activité, il est actuellement devant le Conseil d'État et nous espérons qu'il pourra revenir de la section sociale, qui a été fortement sollicitée durant la préparation du PLFSS, d'ici à la fin du mois.

S'agissant de la branche accidents du travail, je veux dire à M. Jacquat que les transferts répondent aux préconisations du rapport de la commission, selon un processus classique, et, comme il l'a lui-même relevé, que le montant retenu correspond au milieu de la fourchette.

Plusieurs questions ont été posées par votre rapporteur Olivier Véran, notamment sur le FIR, dont les crédits s'élèveront à 3,1 milliards en 2015. Créé en 2012, ce fonds regroupe au sein d'une même enveloppe des crédits qui étaient auparavant dispersés et destinés à des politiques de proximité. Comme je souhaite lui donner davantage de lisibilité, le nombre des missions qu'il peut financer sera ramené de huit à quatre, dans une logique de stratégie nationale de santé. Ces quatre missions sont les suivantes : prévention et promotion de la santé, promotion des parcours et coordination de l'offre de soins, permanence des soins et répartition des professionnels de santé sur le territoire et, enfin, efficience des structures sanitaires et médico-sociales. Cependant, je ne suis pas en mesure, à ce stade, de vous indiquer la répartition régionale des enveloppes, laquelle interviendra lorsque la loi aura été votée.

S'agissant des coopérations hospitalières, les groupements hospitaliers de territoire ont vocation à favoriser une meilleure coordination des fonctions support, mais à l'intérieur d'un projet médical identifié sur un territoire. Ce que je souhaite, c'est encourager le développement sur un territoire de projets médicaux communs – ce qui ne signifie pas équipes médicales communes –, de logiques médicales, celles-ci devant être servies par des fonctions support qui peuvent être mises en commun.

Une question m'a été posée sur le sujet très particulier de la caisse maritime des allocations familiales. Le processus est engagé depuis un certain temps déjà et, vous le savez, Madame Clergeau, les trois quarts des marins passent par la CAF pour percevoir leurs allocations familiales. Concrètement, l'ensemble du personnel de l'actuelle caisse maritime sera conservé – j'y insiste – et pourra intégrer la caisse des allocations familiales de l'Établissement national des invalides de la marine (ENIM), qui est aujourd'hui la caisse de référence pour les retraites et la maladie ; elle s'occupera désormais du recouvrement.

J'en viens maintenant à trois observations plus générales.

Tout d'abord, je veux dire à Mme Poletti que l'on peut toujours considérer que les efforts consentis sont insuffisants. Mais alors, il ne faut pas se contenter de critiquer les économies que nous réalisons – puisque, selon vous, nous en faisons trop dans certains secteurs – et il faut faire preuve d'imagination, avancer des propositions. « Il faudra un pilotage exigeant pour atteindre les objectifs qui sont fixés par le PLFSS assurance maladie, car l'ONDAM 2015 est ambitieux. » Cette phrase est issue d'un avis du comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie, dont je rappelle qu'il est composé de trois personnalités indépendantes, dont certaines ont été nommées par l'ancienne majorité. L'effort, qui est salué par des autorités indépendantes, sera difficile à réaliser, très exigeant et supposera donc un pilotage rapproché de l'assurance maladie.

Ensuite, je vous remercie, monsieur Roumegas, pour la tonalité de votre propos. Je sais, pour en débattre avec vous, nos points d'accord et de désaccord. Mais je ne peux pas vous laisser dire que nous faisons financer par la branche famille les exonérations de cotisations prévues dans le cadre du pacte de responsabilité, puisque ces exonérations sont compensées. Les politiques de solidarité figurent dans le PLFSS et sont donc garanties. Par ailleurs, vous me demandez quelles sont les politiques – que vous qualifiez de solidarité mais qui ne le sont pas forcément – relevant du budget de l'État qui seront mises à contribution. Un effort d'économies est demandé au budget de l'État ; nous ne le cachons pas, et M. Eckert y reviendra plus en détail. Au reste, l'examen du projet de loi de finances, qui a débuté en commission, porte notamment sur ce point. Il n'y a donc pas de réduction cachée, d'effort insidieux ou qui ne s'avouerait pas comme tel. Je reconnais volontiers que des économies sont demandées, y compris à la branche famille, à la branche assurance maladie ou à la branche vieillesse. Mais ces économies doivent être les plus structurantes et les plus justes possible, afin de poursuivre simultanément un assainissement qui est le corollaire indispensable de l'exigence de justice. Car si nous voulons que les Français continuent d'adhérer à notre modèle social, nous devons faire en sorte que celui-ci soit viable.

Enfin, je veux dire à Marie-Françoise Clergeau que j'ai entendu certaines de ses observations sur la manière de concevoir la majoration des allocations familiales ou sur la possibilité de faire évoluer certains des dispositifs proposés, voire d'envisager des dispositifs différents – nous en débattrons à livre ouvert : l'évaluation des différentes options sera connue. Il est vrai qu'une seule des mesures proposées est de nature législative, mais les mesures réglementaires emportant évidemment des conséquences budgétaires qui sont inscrites dans nos équilibres financiers, aucune d'entre elles ne sera prise sans que vous en ayez été informés ou sans que la proposition vous ait été soumise. La transparence sera complète. Le fait qu'il s'agisse de mesures réglementaires ne change rien quant à la nature de la discussion politique que nous avons, car c'est bien une discussion politique que vous avez engagée, et je vous en remercie.

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