Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 8 octobre 2014 à 16h00
Commission des affaires sociales

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Je veux à mon tour remercier les députés membres de la commission non seulement pour la qualité de leurs interventions, mais aussi pour n'avoir pas exclusivement parlé de la politique familiale.

À Mme Pinville, qui a évoqué le calendrier du projet de loi sur l'adaptation de la société au vieillissement, je réponds que l'année 2015 sera bien celle de l'examen de ce texte. La montée en charge des dépenses liées au projet de loi dépendra bien entendu de la date d'adoption, de promulgation et de mise en application de celui-ci. Il m'est donc difficile de répondre plus précisément sur ce point. En tout état de cause, la totalité du produit de la Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA) de 2015 sera bien affecté à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Madame Poletti, votre intervention illustre à la fois votre habileté politique et la limite de l'exercice. En effet, l'opposition nous reproche systématiquement de réaliser des économies moindres que celles qu'elle-même souhaiterait – lorsque nous annonçons 50 milliards d'économies, elle en propose 150 milliards –, mais dès que nous examinons l'une de ces économies, elle s'y déclare hostile. Je comprends l'intérêt politique d'une telle ambivalence, mais je ne suis pas certaine que ce soit la meilleure façon de contribuer collectivement à sortir le pays des difficultés liées à la situation de nos comptes publics. Les économies réalisées sur la branche famille correspondent à la part que prend cette dernière dans le volume d'économies global. Au demeurant, la mobilisation des budgets publics en faveur des familles et de l'accueil de l'enfant ne se résume pas aux prestations familiales qui sont versées mensuellement aux familles. Le montant annuel des crédits consacrés à ce secteur – qu'il s'agisse des mesures fiscales, des prestations familiales ou des dépenses d'investissement et de fonctionnement des collectivités locales en faveur de la petite enfance – est évalué entre 80 milliards et 120 milliards, sans compter le secteur de l'éducation. Je ne dis pas que les 700 millions d'euros d'économies réalisés cette année sont anecdotiques, mais je vous invite à les rapporter à la totalité des dépenses consenties en faveur de l'enfance et de la famille. Certes, il s'agit de mesures d'économie, mais nous avons opté pour celles qui nous semblaient les plus justes et les plus cohérentes avec les dispositions précédentes, c'est-à-dire celles qui ont été prises dans le cadre du plan « pauvreté » en faveur des familles les plus en difficulté, lesquelles continueront de bénéficier des augmentations prévues.

Je rappelle que le Complément de libre choix d'activité (CLCA) a été conçu, en 1985, pour le parent de trois enfants et pour une durée de deux ans, après un débat au sein de la majorité. Le choix de ces modalités n'est donc pas le fruit du hasard : la période de deux années correspondait à la durée maximale d'éloignement des femmes du marché du travail pour qu'elles puissent retrouver un emploi et le nombre de trois enfants avait été retenu car cette prestation était réservée aux familles nombreuses. Dix ans plus tard, son bénéfice a été étendu, puisqu'elle pouvait être demandée dès le deuxième enfant et pour une durée de trois ans ; 150 000 femmes sont alors sorties du monde du travail. A ce sujet, je veux dire à Mme Clergeau que nous n'ignorons pas le risque important que comporte ce dispositif en matière d'exclusion durable des femmes du monde du travail, d'évolution des carrières et de niveau de salaire. C'est pourquoi nous avons signé une convention avec Pôle Emploi afin d'accompagner les femmes concernées un an avant la fin de leur CLCA.

Je comprends que l'on soit attaché à cette prestation, et j'entends la proposition de Catherine Coutelle d'un congé parental plus court et mieux rémunéré, mais n'oublions pas que nous réfléchissons dans un contexte d'économies. Et nous pouvons en profiter pour réduire la trappe à pauvreté que constitue actuellement ce dispositif. J'ajoute qu'au-delà de sa répartition entre le père et la mère, il nous faut également nous pencher sur sa durée globale et le nombre d'enfants qui peut y donner droit. Quant aux statistiques portant sur les revenus, elles montrent que plus le nombre d'enfants est important, plus la prestation se situe sur les premiers déciles et, de manière générale, qu'elle est répartie de manière égale sur les huit premiers déciles – mais je vous apporterai davantage de précisions par écrit.

S'agissant de la majoration des allocations familiales pour les enfants âgés de 14 ans, je rappelle qu'elle résulte de la fusion, en 2008, dans un souci d'économies, de deux majorations qui intervenaient respectivement à 11 ans puis à 16 ans. Quant à la question de savoir si elle ne serait pas plus utile aux familles modestes, elle relève de la réflexion que vous avez ouverte sur la modulation des prestations, réflexion qui transcende les clivages politiques. À ce propos, je rappelle, ainsi que l'a indiqué Marisol Touraine, que l'ensemble des mesures relatives à la famille, qui doivent être cohérentes et défendues collectivement, seront discutées, qu'elles relèvent du domaine législatif ou réglementaire. Ce débat nous permettra de nous interroger à nouveau sur ce qui fait la qualité de notre politique familiale. Pour ma part, je pense que c'est en partie la qualité de l'accueil des jeunes enfants.

Enfin, le Fonds national d'action sociale de la CAF continuera d'augmenter en moyenne de 7,5 % par an. Nous tiendrons l'objectif de 275 000 places supplémentaires : 100 000 assistantes maternelles, 100 000 places en crèche et 75 000 places pour l'accueil des enfants de moins de trois ans. Demain, le Haut conseil de la famille nous remettra un rapport sur l'accueil en crèche que le Gouvernement étudiera avec toute l'attention qu'il mérite, car nous voulons conforter le plan « crèches ». Nous ne savons pas encore si le ralentissement que l'on observe est conjoncturel et lié aux années électorales, qui ne sont jamais propices à l'investissement dans les collectivités locales, ou s'il s'explique par des raisons structurelles.

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