Intervention de Charles de Courson

Séance en hémicycle du 14 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles de Courson :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France se trouve aujourd’hui à un tournant de son histoire budgétaire.

Trop de temps a été perdu et les réformes structurelles, vitales pour notre pays, ont trop longtemps été repoussées.

N’ayons pas peur des mots : pendant de trop longues années, les Gouvernements, de droite et du centre comme de gauche, ont fait le choix de la facilité et sont restés figés dans un immobilisme coupable, attendant que leurs successeurs prennent à leur place les mesures courageuses nécessaires au redressement budgétaire de notre pays.

Puis en 2008, en provenance des États-Unis, est arrivée la crise des subprimes qui a durablement ébranlé l’équilibre européen. Cette crise à peine surmontée, la crise des dettes souveraines a éclaté. En conséquence, le chômage a explosé, les déficits se sont dramatiquement creusés, la croissance a été durablement affectée.

Des mesures d’urgence ont alors été prises par la précédente majorité, mais tout en étant salutaires, elles ne peuvent être considérées comme suffisantes dans une perspective de long terme.

Tous nous le disent – économistes, organisations internationales, Union européenne – la France doit aujourd’hui faire un choix. Oui, mes chers collègues, nous devons choisir entre le courage des réformes structurelles, qui seul permettra de sortir notre pays de la crise, ou le renoncement, qui placerait inévitablement la France sous une forme de tutelle de Bruxelles et, surtout, des marchés financiers.

Il n’existe pas de solution intermédiaire parce que vous avez, nous avons déjà trop perdu de temps. Notre pays est au bord du précipice. En effet, tous les indicateurs sont au rouge. La croissance, malgré l’optimisme gouvernemental, reste extrêmement faible.

Notre collègue Pierre-Alain Muet déclarait, le 19 décembre 2012, à propos de la croissance de 2013 : « Nous risquons d’avoir une surprise l’an prochain : la croissance peut tout à fait se situer autour de 0,8 % et pourrait même être supérieure à ce taux ». Nous savons ce qu’il en a été, la surprise a été mauvaise puisqu’en 2013, la croissance n’a pas dépassé 0,3 % !

Et je ne vous ferai pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, l’injure de rappeler qu’à votre arrivée au pouvoir, le Gouvernement prévoyait une croissance de 2 % sur la période 2014 à 2017. Lors de la présentation du programme de stabilité en avril 2013, les nouvelles hypothèses tablaient encore sur une croissance de 1,2 % en 2014 et de 2 % à partir de 2015. Qu’est-il advenu de votre optimisme excessif ?

Pour l’année 2014, la croissance a été nulle au premier trimestre et ne devrait progresser, selon l’INSEE, que de 0,1 % au troisième et au quatrième trimestre. Ainsi, sur l’ensemble de l’année, la croissance révisée ne serait que de 0,4 %, soit à peine plus que le 0,3 % des années 2012 et 2013 et bien loin des estimations du Gouvernement qui tablait, il y a encore un mois, sur un taux de 1 % de croissance en 2014.

Pour l’année 2015, vous prévoyez à présent une croissance de 1 %, ce que le Haut Conseil des finances publiques juge toujours optimiste car cela supposerait « un redémarrage rapide et durable de l’activité que n’annoncent pas les derniers indicateurs conjoncturels ».

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous vous êtes constamment trompés, comme beaucoup de vos prédécesseurs, et vous persistez aujourd’hui dans l’erreur en continuant d’afficher des taux de croissance, certes moins élevés que les deux premières années, mais encore trop élevés par rapport à la réalité, et de fonder vos calculs sur des taux de croissance potentielle surévalués.

Il est évident que la croissance ne pourra pas être de 1,7 % en 2016, de 1,9 % en 2017 et encore moins de 2 % en 2018 et 2019, comme vous le prévoyez dans ce projet de loi de finances. Selon la Commission européenne, la croissance structurelle de la France est de l’ordre de 1 %.

En outre, l’écart entre le solde effectif et le solde structurel ne cesse d’augmenter : 1,3 % point de PIB en 2012, 1,6 en 2013, 1,9 en 2014 et 2 points en 2015. Cet écart croissant est lié à vos hypothèses de taux de croissance structurelle irréalistes et démontre que la théorie des cycles économiques, sous-jacente à la distinction entre le solde effectif et le solde structurel, est probablement devenue totalement inadaptée à la situation actuelle.

Vous vendez du virtuel. Au-delà de l’irréalisme politique dont vous faites preuve, cela entraîne des conséquences désastreuses car vos budgets sont insincères, avec des prévisions de recettes, de dépenses et de déficits irréalistes, qui ne font qu’aggraver la situation. La Cour des comptes l’a d’ailleurs déploré dans son rapport sur la loi de règlement pour 2013.

Les résultats sont tout aussi inquiétants pour ce qui concerne le déficit public. Nous n’oublions pas que dans son engagement no 9, le candidat Hollande promettait de le ramener à 3 % en 2013. Devenu Président de la République, il a renoncé à cet objectif dès le programme de stabilité pour 2013 et a obtenu en 2012 un report de deux ans pour atteindre cet objectif.

Après sa révision à 3,7 % du produit intérieur brut, le déficit a finalement dérapé à 4,1 % en 2013. Et pour 2014, il repart à la hausse puisqu’il atteindra, d’après vos prévisions, 4,4 % ! Pour 2015, malgré le sursis de deux ans offert par la Commission européenne, vous serez encore très loin de l’objectif de 3 % puisque, selon vos prévisions, le déficit ne baisserait que très légèrement, pour s’établir à 4,3 %. C’est une baisse totalement symbolique qui repose d’ailleurs sur une hypothèse de croissance surévaluée. Au moindre décrochage, nous serons encore au-delà du 4,4 % de 2014.

Quant à l’équilibre budgétaire que le candidat Hollande promettait pour 2017, il a été abandonné : le Gouvernement prévoit simplement d’atteindre en 2019 un déficit structurel inférieur à 0,5 point de PIB.

Le Gouvernement a donc décidé d’abandonner toute réduction importante du déficit, et cela sans consultation préalable de nos partenaires européens. Le ministre des finances et des comptes publics a ainsi annoncé que l’objectif de 3 % était repoussé en 2017, alors même qu’aucune négociation avec Bruxelles n’a encore été engagée, officiellement du moins.

Cette politique du fait accompli, que la France n’accepterait de la part d’aucun autre État membre, est profondément irrespectueuse des règles mises en place dans l’Union européenne. Je rappelle qu’afin de renforcer la gouvernance budgétaire, la France a elle-même voté ces règles qui sont essentielles pour tirer les leçons de la crise que nous connaissons depuis 2008.

Le groupe UDI déplore cette attitude du Gouvernement qui ne pourra qu’abaisser le statut de notre pays au sein de l’Union européenne.

Nos craintes n’ont d’ailleurs pas tardé à se matérialiser lorsque la nomination de notre ancien ministre des finances au poste de commissaire européen aux affaires économiques a suscité la défiance d’une grande partie de nos partenaires et n’a été validée qu’après de vifs débats au Parlement et des jours d’incertitude. Notre ancien ministre a été finalement placé sous la dépendance d’un vice-président dont nous connaissons les convictions en faveur d’une gestion rigoureuse des finances publiques.

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