Intervention de Dominique Lefebvre

Séance en hémicycle du 15 octobre 2014 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 - projet de loi de finances pour 2015 — Discussion générale commune

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Lefebvre :

Monsieur le président, monsieur le ministre des finances et des comptes publics, monsieur le secrétaire d’État chargé du budget, monsieur le président et madame la rapporteure générale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, mes chers collègues, alors que s’engage l’examen des textes financiers pour l’année 2015 avec, aujourd’hui le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 et le projet de loi de finances, la semaine prochaine le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, trois textes dont je rappelle qu’ils forment un tout indissociable, nous devons tous avoir à l’esprit le seul enjeu et la seule priorité qui vaillent aujourd’hui.

L’enjeu, c’est celui du retour à la croissance en France et en Europe, une croissance riche en emplois, une croissance durable, inscrite dans la transition énergétique. Le contexte est difficile, compte tenu des tensions internationales et des risques que font peser sur l’économie mondiale certaines zones de conflit. Il faut avoir conscience de ce contexte, et c’est pourquoi je voulais y insister.

La priorité, qui est une priorité absolue, c’est de faire reculer le chômage en France et en Europe, ce chômage structurel de masse qui mine depuis trop longtemps nos sociétés, avec les conséquences que l’on sait : cette désespérance sociale et ce sentiment d’abandon qui alimentent le vote en faveur des extrêmes, et souvent, hélas, de l’extrême-droite.

Cet enjeu et cette priorité, ce sont ceux du Gouvernement et de notre majorité parlementaire depuis juin 2012. Ils ont exigé la mise en oeuvre de mesures difficiles et courageuses et nécessité un appel à l’effort de tous dans la justice. L’effort de tous, oui, mais aussi et surtout de ceux qui peuvent davantage. Ces mesures étaient d’autant plus nécessaires que la situation que nous avons trouvée en mai 2012 était – nous ne l’avons pas assez dit et répété – catastrophique.

Je reviens sur cette situation, comme M. le ministre l’a fait hier, car il m’a semblé que Valérie Pecresse et Éric Woerth étaient frappés d’amnésie : un million de chômeurs supplémentaires sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy ; une baisse, continue depuis 2002, et brutale à partir de 2007, de la compétitivité de nos entreprises, avec une chute historique de leurs taux de marge ; la perte en dix ans de 700 000 emplois industriels et un niveau d’emplois industriels qui est aujourd’hui parmi les plus bas en Europe ; une dégradation continue du commerce extérieur, qui était excédentaire en 2001 et déficitaire de 75 milliards d’euros en 2012 ; enfin, bien sûr et surtout, l’accroissement continu des déficits publics, sous le double effet d’une absence de maîtrise de la dépense publique et de cadeaux fiscaux inconsidérés aux plus aisés, le tout financé par une dette qui a explosé de 900 milliards d’euros en dix ans, dont 600 milliards sous le dernier quinquennat.

La politique mise en oeuvre depuis deux ans est une politique de redressement dans la justice. Nous n’avons peut-être pas suffisamment dit à nos concitoyens ce qu’elle exigerait d’efforts dans la durée pour obtenir des résultats, compte tenu à la fois de la gravité de la situation et de la nature des problèmes à traiter.

Elle a reposé sur trois piliers : la réindustrialisation du pays et le soutien aux entreprises, avec la création de la Banque publique d’investissement, le pacte de sécurisation de l’emploi et le pacte de responsabilité ; le soutien à la consommation et au pouvoir d’achat avec la création des emplois d’avenir et des contrats de génération et la préservation, voire, pour les plus modestes, la revalorisation des prestations sociales et la réduction de l’impôt en 2014 ; le redressement des comptes publics, enfin, qui a conduit en deux ans à diviser par deux le déficit structurel, lequel n’a jamais été aussi bas depuis 2001.

Il est vrai que cette réduction du déficit a d’abord résulté, de mesures de recettes, mais aussi, depuis 2013, d’un effort de maîtrise de la dépense publique qui n’avait jamais été réalisé auparavant. Et cela ne nous a pas pour autant empêchés d’affirmer et de traduire en actes nos priorités politiques, que sont l’éducation, la sécurité, la justice et la défense.

Certes, les résultats ne sont pas encore aujourd’hui à la hauteur des efforts consentis par nos concitoyens et par nos entreprises, ni sur le plan de la croissance, et donc sur celui de l’emploi, ni sur celui du redressement de nos comptes publics. Il y a des explications à cela. D’aucuns concluent à l’échec des politiques que nous avons menées, pour des raisons au demeurant diamétralement opposées et contradictoires : pour les uns, nous aurions mené des politiques d’austérité et n’aurions pas suffisamment soutenu la demande, par un soutien budgétaire qui aurait aggravé nos déficits et notre dette ; pour les autres, au contraire, nous n’aurions pas suffisamment baissé la dépense publique et trop alourdi les prélèvements obligatoires ; bref nous n’aurions pas mené les politiques d’austérité nécessaires.

La vérité, et nous l’assumons, c’est que nous n’avons pas, depuis deux ans, fait le choix de l’austérité, n’en déplaise aux uns et aux autres. Nous ne l’avons pas fait, tout simplement parce que ces politiques conduites à marche forcée chez certains de nos partenaires européens se sont faites au prix de sacrifices sociaux qui ont pesé sur les plus faibles et conduit à des niveaux de chômage destructeurs en Europe. Elles ont surtout alimenté, en bonne partie, la crise que traverse actuellement notre continent européen et, en son sein, la zone euro. La crise que nous traversons aujourd’hui, d’une ampleur équivalente à celle de 2009, se traduit par une croissance quasi nulle en Europe et un niveau d’inflation extrêmement faible.

Qui peut croire un seul instant que les remèdes que proposent encore et toujours la droite de cet hémicycle et une partie de la droite européenne, à savoir une baisse drastique des dépenses publiques et la remise en cause, voire la destruction de notre modèle social, auraient conduit ou conduiraient à un meilleur résultat ? Bien au contraire, de telles politiques ne feraient qu’amplifier la récession, en France comme en Europe. Loin de moi cependant l’idée, simpliste et à courte vue, de penser que les problèmes de la France viennent de l’extérieur et que les solutions viendraient aussi d’ailleurs.

Non, nous avons nos propres problèmes, des problèmes anciens que les dix ans de gouvernement de droite, non seulement n’ont pas réglés, mais ont hélas aggravé. Des problèmes que la fuite en avant dans les déficits et la dette que proposent certains, aux deux extrêmes de cet hémicycle, ne régleraient pas davantage, bien au contraire.

Ces problèmes, c’est à nous qu’il appartient de les traiter, en sachant engager et mener à leur terme, pour celles qui ont déjà été engagées par le Gouvernement, les réformes indispensables à la modernisation de notre économie, à un meilleur fonctionnement du marché du travail, à une plus grande efficacité de la dépense publique par la réforme de l’État et des collectivités territoriales, et à la rénovation de notre protection sociale, non pour abandonner notre modèle social, mais pour le préserver, ce qui suppose de le transformer.

C’est à nous qu’il revient de mettre de l’ordre dans nos comptes publics et de tenir les engagements que nous avons pris vis-à-vis de nos partenaires européens, avec lesquels nous nous sommes engagés dans l’euro, cette monnaie unique que nous avons voulue et qui nous apporte tant. Il est vrai que, sur le plan de nos engagements européens, notre crédibilité est mise en cause.

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