Intervention de Victorin Lurel

Réunion du 13 novembre 2012 à 10h00
Délégation aux outre-mer

Victorin Lurel, ministre des Outre-mer :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, permettez-moi quelques mots que je souhaite très brefs afin de ne pas empiéter sur le temps disponible pour nos échanges.

Vous le savez, j'ai pris l'engagement de me présenter devant vous aussi souvent que nécessaire. Il ne s'agit pas pour moi d'un exercice théorique, mais bien d'un moment d'échange constructif. La concertation n'est pas un prétexte pour différer la décision comme d'aucuns se plaisent à le croire : c'est une étape nécessaire pour la construire, en s'appuyant sur l'expérience et la connaissance de chacun. Les points que vous avez inscrits à l'ordre du jour constituent tous des priorités de l'action de mon ministère. Ils figurent d'ailleurs, pour la plupart, dans les trente engagements du Président de la République pour les outre-mer et contribuent à l'objectif général de redressement des outre-mer et de rétablissement de la justice.

Il en est ainsi de l'agriculture, levier important de développement de nos territoires. Contrairement à ce que l'on entend dire, ici ou là, cette activité est en outre performante – j'ai pu encore le constater le week-end dernier, à la Réunion. Avec M. Stéphane Le Foll, nous allons donc nous atteler à la préparation du projet de loi d'avenir pour l'agriculture des territoires. Je le sais, le titre « Outre-mer » est très attendu. Nous devons faire de nos agricultures des secteurs d'avenir. L'agriculture et les productions locales doivent, de plus, s'articuler avec la loi de lutte contre la vie chère, et constituer une part de la réflexion que M. Serge Letchimy conduira dans la mission qui lui est confiée par le Premier ministre pour améliorer l'insertion des régions ultra-périphériques (RUP) dans leur environnement régional.

L'octroi de mer est également un sujet majeur, puisqu'il nous revient de négocier la reconduction de ce régime indispensable pour la protection de nos productions locales, fragilisées par des handicaps que nous connaissons trop bien – l'éloignement, le coût des intrants, l'étroitesse des marchés....–, tout comme pour la sécurisation des recettes des collectivités territoriales – nous parlons en moyenne d'1 milliard d'euros par an. Je souhaite faire également de l'octroi de mer un instrument de lutte contre la vie chère en facilitant la modulation des taux, notamment sur les produits de grande consommation qui seront intégrés dans le bouclier qualitéprix. La reconduction de ce dispositif est donc pour nous impérative.

Sur la fonction publique, des inquiétudes s'expriment ; je les entends, s'agissant des mutations par exemple ou de la persistance de spécificités locales du droit de la fonction publique. Le sujet est ouvert et je sais que vous avez des propositions à faire. Certes, il ne figure pas formellement parmi les trente engagements. Mais le Président de la République, M. François Hollande, dans deux conférences organisées à la Réunion, avait décidé, tout en respectant le droit commun et l'égalité entre tous les Français, de mieux domicilier l'emploi dans les outre-mer. Comment organiser les concours à cet effet ? Comment donner une sorte de « priorisation » à l'emploi local sans tomber dans la « réunionisation », la « martinicanisation », la « guadeloupéanisation » ou la « guyanisation » de l'emploi ? Il faut trouver les voies et les moyens pour améliorer le système. Des revendications montent d'ailleurs ici ou là. En Nouvelle-Calédonie, par exemple, des demandes ont été faites pour que le personnel pénitentiaire corresponde davantage à l'origine des détenus. Ce point est délicat mais il en va de la cohésion de nos territoires.

Sur la justice et l'état des prisons : comment ne pas mettre ce sujet au coeur de nos préoccupations lorsque l'on connaît la situation indigne de certains établissements pénitentiaires ? On ne peut traiter ce dossier du simple point de vue budgétaire, il en va de la dignité des personnes. Je sais que la Chancellerie s'efforce d'agir en ce sens.

La jeunesse enfin, tellement prometteuse et parfois aussi tellement démunie : c'est un engagement essentiel du chef de l'État. Si nous ne réussissions pas à redonner espoir à notre jeunesse, c'est tout l'avenir de nos territoires qui serait compromis. L'avenir de notre jeunesse est notre capital commun. Éducation, formation, insertion, valorisation des talents, toutes les politiques publiques doivent être mobilisées afin de proposer des solutions à une jeunesse qui, livrée à elle-même, peut, si l'on n'y prend garde, devenir une bombe à retardement.

Je vais arrêter là ce propos liminaire car je sais que de nos échanges naîtront des propositions, des voies que nous n'avons pas encore explorées. Je l'ai déjà fait savoir à plusieurs reprises : ce ministère est le vôtre et j'entends que les politiques que nous menons soient partagées le plus en amont avec vous. Nous abordons avec un esprit d'ouverture le processus de réflexion, d'études et de traduction en actes législatifs, notamment pour l'agriculture, qui s'engage. Je l'ai dit aux organisations professionnelles que j'ai rencontrées hier à la Réunion et aux élus.

Un travail de codification, à législation constante, est d'ores et déjà en cours avec le Conseil d'État. Les textes régissant l'agriculture de l'outre-mer sont en effet dispersés dans plusieurs codes – rural, civil, de l'environnement. Il faut tenter d'y mettre bon ordre : la tâche est considérable.

Il faut également mener un travail de réflexion, adossé aux réalités, avec un objectif de modernisation et de développement pour concevoir l'avenir de ce secteur important. Quelle sera la place des produits locaux dans la politique engagée pour lutter contre le niveau trop élevé des prix ? Comment lutter contre une inflation encore trop importante ? Cela nous renvoie au bouclier qualitéprix. Comment pourrait-on faire l'économie de ces produits dans le chariot-type ? En tout cas, chaque fois qu'on demande aux distributeurs de baisser les prix, une pression est exercée sur les producteurs locaux, sans pour autant, d'ailleurs, qu'on diminue la part des produits importés. Il est donc nécessaire de trouver un équilibre. Ce dernier implique de peser sur tous les maillons de la chaîne afin que l'effort ne porte pas seulement sur les producteurs qui, souvent, commercialisent en circuit court. Les préfets seront en première ligne en la matière.

Je peux vous annoncer à cet égard, et même si la mesure n'est pas tout à fait arrêtée, que les préfets seront très directement impliqués. Le régime indemnitaire de ces derniers est calé, en effet, sur leur ardeur à lutter contre l'insécurité routière, les violences : je souhaite y ajouter la lutte contre la vie chère. Peut-être obtiendrons-nous de meilleurs résultats si le combat est engagé avec intensité… Une incitation, dans ce registre, peut être utile. Cette disposition, dont je vous fais part en avant-première, semble plutôt bien accueillie par les intéressés. Les discussions, qui vont s'engager très prochainement, devraient aboutir dès le mois de janvier. Il est évident que, dans un premier temps, nous allons essuyer les plâtres. Mais nous améliorerons progressivement les procédures et les méthodes.

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